Henri Giscard d'Estaing a annoncé le 16 juillet son départ immédiat de la présidence du Club Med, qu'il dirigeait depuis 2002. Dans un courrier manuscrit adressé aux salariés, le dirigeant de 68 ans indique, ”le cœur serré” : “Fosun a décidé de nommer un nouveau président” sans son accord et sans la transition qu’il appelait lui-même de ses vœux, avant de préciser plus tard, lors d'une visioconférence avec la presse : “Je prends acte de ma révocation de fait.”
Le groupe chinois Fosun, propriétaire à 100 % du Club Med depuis 2015, confirme qu'un “processus de succession” était en cours depuis l'année dernière “en pleine collaboration entre le conseil d'administration et Henri Giscard d'Estaing lui-même”. Le conglomérat indique que “la décision relative à la finalisation de ce processus sera communiquée en temps voulu”.
Tensions autour de la gouvernance
Cette démission fait suite à des tensions persistantes entre le dirigeant français et l'actionnaire chinois, notamment sur la gouvernance du groupe. Henri Giscard d'Estaing dénonce le fait que “la grande majorité des administrateurs est basée à Shanghai, a peu d'expérience internationale et ne parle pas anglais”. Il craint également que le centre de décision ne soit transféré de Paris à Shanghai, réduisant le siège parisien à “un simple siège d'exécution”.
En juin dernier, Henri Giscard d'Estaing avait exprimé dans Le Figaro son souhait de faire revenir le Club Med à la Bourse de Paris “dès le premier semestre 2026”. Cette déclaration avait provoqué une réaction ferme de Fosun, qui avait démenti “tout projet d'introduction en Bourse”. Pour l'ancien président, “seule sa recotation” pouvait permettre au Club Med de poursuivre son expansion sereinement tout en conservant son ancrage français.
Changement de donne depuis 2022
Les relations s'étaient dégradées depuis fin 2022 avec l'arrivée d'un nouveau président à la tête de Fosun Tourism Group, Xu Xiaoliang, qui a progressivement renforcé son emprise sur la direction du Club Med. Fin 2023, deux sièges supplémentaires ont été créés au conseil d'administration, confiés à des Chinois, réduisant de fait l'influence des administrateurs français.
La situation s'est tendue davantage au printemps 2024 avec le départ contraint de Michel Wolfovski, directeur général adjoint et fidèle collaborateur d'Henri Giscard d'Estaing. Ce dernier avait refusé que Edmund Choi, directeur financier de Fosun Tourism Group, soit nommé directeur financier du Club Med sans lui reporter. Georges Pauget, seul administrateur indépendant, avait également démissionné en juillet 2024.
Bilan économique positif
Henri Giscard d'Estaing laisse un groupe transformé après vingt-deux ans de direction. Initiateur de la montée en gamme amorcée en 2004, il a mené Club Med vers des résultats record après de nombreuses années difficiles. En 2024, le groupe a réalisé un chiffre d'affaires de 2,1 milliards d'euros avec une marge opérationnelle de 9,1 %, multipliée par quatre en dix ans. Le Club Med compte aujourd'hui près de 70 sites dans le monde ainsi qu’un yacht.
Fosun Tourism Group se veut rassurant et réaffirme “son engagement ferme en faveur du développement à long terme de Club Med” tout en respectant “profondément l'héritage et les racines françaises du groupe”. Le conglomérat précise que “le centre de décisions de Club Med restera en France” et que “l'identité française de Club Med est au cœur des valeurs du groupe”. Pour preuve, le successeur d’Henri Giscard d'Estaing est de nationalité française a déclaré ce dernier, sans préciser toutefois son identité.

Publié par Roselyne DOUILLET

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