Quand la restauration rime avec violences

La journaliste Nora Bouazzouni a publié récemment l’ouvrage “Violences en cuisine. Une omerta à la française” (Stock). Après quatre ans d’enquête et plus de 3 500 témoignages recueillis, elle dévoile les récits glaçants d’une cinquantaine de professionnels de la restauration. Plongée au cœur d’un univers qu’elle décrit comme “structurellement violent”.

Publié le 10 juillet 2025 à 09:30

Brûlures à l’acide, harcèlement, agressions dans la chambre froide, consommation d’alcool et de stupéfiants pour tenir le coup… À travers cinquante témoignages choquants, Nora Bouazzouni dénonce la cruauté et les violences qui sévissent dans la restauration, et tout particulièrement dans l’univers de la cuisine dite gastronomique. “Il y a bien sûr les violences physiques, racistes, homophobes, sexistes, sexuelles… Mais aussi les violences économiques : certains travaillent jusqu’à 70-80 heures par semaine, payées 43 heures. Ils perçoivent un Smic amélioré, alors qu’ils produisent des menus gastronomiques facturés 300 € ! Sans oublier les risques psychosociaux, très présents dans ces métiers pénibles soumis au stress et aux horaires à rallonge, avec des conséquences dramatiques sur la santé mentale et physique”, dénonce l’auteure du livre Violences en cuisine, une omerta à la française.

Ces violences ne sont pas systématiques, mais elles sont “systémiques et normalisées”. “La haute cuisine repose sur un système extrêmement vertical et sur le mythe qu’on ne peut pas atteindre une forme d’excellence sans souffrir et sans en baver. On inculque ça aux apprentis dès leur plus jeune âge. Les restaurants gastronomiques poussent d’autant plus à ce type de comportements violents qu’ils sont soumis à la pression – la pression d’obtenir ou de conserver une étoile, et la pression des clients qui, lorsqu’ils mangent à une table étoilée, ont des exigences parfois lunaires”, observe la journaliste.

 

Peur et déni

Face à ces violences, l’omerta règne. La plupart des professionnels qui ont témoigné dans cet ouvrage ne s’étaient jamais confiés précisément sur ces maltraitances, l’exploitation, la misogynie... “Les gens sont terrifiés à l’idée de dénoncer, par peur d’être marginalisés, de devenir la bête noire. Et ils n’ont bien souvent personne à qui parler : 80 % des restaurants en France étant des TPE ou des PME, il n’y a pas de délégué du personnel obligatoire et rarement de service RH. Les chefs entretiennent cette omerta en les menaçant de ruiner leur carrière – et ce n’est pas que du bluff : certains professionnels interrogés m’ont dit avoir déménagé pour retrouver du travail. Il y a aussi cette crainte qu’on ne veuille pas les croire : c’est leur parole contre celle d’un chef connu et reconnu, qui bénéficie d’un vrai capital sympathie auprès du grand public… Enfin, le déni collectif est puissant : on excuse beaucoup de choses au nom de la gastronomie française, perçue comme une forme d’art exécuté par des génies”, analyse Nora Bouazzouni.

 

Repenser les pratiques en profondeur

Pourtant, différentes “solutions structurelles” pourraient être mises en place, selon la journaliste, pour “arrêter le déni collectif” et métamorphoser le secteur et ses pratiques. “Il faudrait déjà s’interroger collectivement : comment est-il encore possible d’ouvrir des restaurants aujourd’hui en sachant pertinemment qu’on ne pourra pas rémunérer le travail des gens correctement et payer toutes ces heures supplémentaires ?”, pointe-t-elle. Les salariés auraient également la possibilité de “se mobiliser, à travers des collectifs ou des syndicats”, pour “réformer cette convention collective moins-disante que le code du travail” et “revaloriser les grilles salariales”. La formation devrait intégrer non seulement des cours de cuisine, mais également de “management, de communication interne et de prévention des violences”. Enfin, Nora Bouazzouni appelle à la création d’une commission d’enquête parlementaire*, sur le même modèle que celle relative aux violences dans le secteur culturel, afin de “porter ce sujet sur le devant de la scène médiatique et politique”.

 

*Le député Hadrien Clouet (LFI-NFP) a proposé ce lundi 7 juillet la création d’une commission d’enquête sur les violences en cuisine. https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/textes/l17b1678_proposition-resolution#


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Publié par Violaine BRISSART



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