Daniel Boulud : "En tant que cuisinier, il faut aussi avoir de la chance"

New York (Etats-Unis) La réussite exemplaire de ce chef parti de Lyon à la conquête de New York avec son seul talent en poche fait rêver. Il s'est donné les moyens de ses rêves, mais reconnaît que faire les bonnes rencontres et les bons choix déterminent une carrière.

Publié le 06 septembre 2017 à 13:50


L'Hôtellerie Restauration : Quand avez-vous su que vous vouliez devenir cuisinier ?

Daniel Boulud : Mes parents avaient une ferme et un Café Boulud jusqu'en 1965 à Saint-Pierre-de-Chandieu, près de Lyon. Nous avions un potager et beaucoup d'animaux, et nous faisions toute la charcuterie, du fromage et même du vin. On produisait pour vendre au marché, pour le café et pour notre consommation personnelle. Nous avions le sens de l'hospitalité dans la famille. Je préférais déjà être en cuisine avec ma grand-mère plutôt que travailler à la ferme. Quand j'ai eu 14 ans, j'ai décidé d'aller au lycée technique hôtelier de Vénissieux. J'y suis resté deux semaines. Puis, grâce à une voisine, la comtesse de Volpi qui connaissait tous les grands chefs, je suis devenu apprenti chez Nandron, à Lyon, 2 étoiles Michelin. En parallèle, je suivais des cours théoriques, deux fois par semaine. J'ai tout de suite su que c'était ma voie. Et pendant mon jour de congé, le samedi, je faisais le marché avec mon père et je retrouvais ainsi ma famille.

 

Quel est votre plat préféré issu du patrimoine culinaire français ?

Le pot-au-feu royal en cinq services de Roger Vergé, chez qui j'ai travaillé deux ans et demi. Consommé, viandes blanches, viandes rouges saignantes, viandes rouges fondantes... Chaque préparation avait un condiment différent. C'est indémodable.

 

Votre plat phare ?

La paupiette de Seabass 'loup de mer' enrobée de pommes de terres croustillantes, poireaux fondants, sauce au syrah, créée au Cirque en 1986. Cette recette n'a jamais changé. On en vendait une centaine par jour. Je l'ai conservé douze ans chez Daniel puis, en 2007, on a refait Daniel et j'avais envie de changer de cuisine. On a 'délocalisé' le plat au Café Boulud. On en a vendu des millions. J'ai aussi défrayé la chronique avec le premier hamburger au foie gras.

 

Quel est votre plat préféré à la carte actuellement chez Daniel ? 

La morue noire en goujonnettes, laitue sucrine grillée, pomme Macaire, oignons rouges caramélisés et sauce diable ou le cochon de lait de la St Canut Farm, panisse croustillante, pousses de pois chiches, aubergine, sésame noir. 

 

Votre repas le plus mémorable ? 

Frédy Girardet, à l'Hôtel de ville de Crissier en Suisse, c'était toujours un grand moment. La chartreuse de foie gras aux brocolis à la fine gelée de grains nobles, la royale de blanc de poulette aux truffes et à la crème de céleri pistachée, le pintadon moelleux en verdure aux navets farcis… Et j'ai eu le privilège de faire, avec quatre amis, le dernier repas chez Frédy Girardet avant son départ. Un souvenir exceptionnel ! 



Quelles sont les spécificités de la clientèle américaine ?

Les Américains sortent énormément, adorent l'Europe et la France, et particulièrement la cuisine française. Ils ont une vraie passion pour la cuisine et les vins, et adorent établir des relations avec les chefs. Ils me demandent de bonnes adresses quand ils vont à l'étranger. La qualité des relations avec les clients est très importante pour moi.

La clientèle américaine apprécie la qualité, la créativité, et le talent d'un bon chef. Les clients sont très loyaux, ils apprécient toutes les attentions personnelles que l'on peut avoir pour eux. C'est une clientèle qui n'est pas sensible aux prix, mais il faut que les prestations culinaires et le service soient à la hauteur. Elle est très bien informée et se réfère aux critères et critiques fiables. Les attentes évoluent, et c'est à nous d'évoluer avec. 

 

Quelle est la part des Français dans votre brigade ? 

Elle est importante dans mon restaurant principal, Daniel. L'exécutive chef, le chef de cuisine et la chef pâtissière sont français. En salle, le directeur général, le directeur de salle et l'assistant directeur également, tout comme mes corporate chefs. J'ai toujours une moyenne de 30 % de Français dans mes effectifs, dont la moitié est avec moi depuis au moins dix ans. Nous faisons beaucoup d'efforts pour faire venir des Français ou des Européens qui ont reçu une formation française, afin de leur offrir une nouvelle expérience.

Pour les jeunes qui rêvent d'aller aux États-Unis, il faut d'abord faire une école et avoir trois ans d'expérience dans une bonne maison, pas forcément un 3 étoiles, mais avec un chef formateur. Donc avoir au moins 21 ans. Au départ, le visa est d'un an. Mais si l'on a déjà un CV où figurent des concours et un poste de sous-chef, il s'agira d'un autre visa, plus facile à obtenir. 

 

Quel est l'intérêt pour un professionnel français d'aller travailler aux États-Unis ?

Quand j'étais commis chez Roger Vergé à L'Amandier de Mougins, puis chez Michel Guérard, je les voyais voyager. Cela me faisait rêver. Ils allaient notamment aux États-Unis et recevaient des chefs étrangers en France. Ce métier permet de voyager. En 1980, j'ai eu la chance que l'on me propose un poste à Washington, puis à New York où j'étais le chef du Cirque. Paul Bocuse, Roger Vergé ou encore Gaston Lenôtre passaient au restaurant. Il a d'abord fallu que je me fasse un nom, puis que je trouve un partenaire financier, et les banques ont suivi. Il y a un tel dynamisme aux États-Unis que j'ai pu m'installer à 25 ans.

Venir ici, c'est découvrir de nouvelles coutumes, de nouveaux produits, de nouvelles traditions, et une organisation du travail différente. Les clients viennent dîner à partir de 17 heures par exemple et jusqu'à 23 heures ou minuit, ainsi les services sont plus longs, et étalés sur cinq heures le soir.



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Publié par Nadine LEMOINE



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