En 2025, l’une des clés de la réussite d’un restaurant, c’est son positionnement. Géographique, certes, mais aussi thématique. Avec pour objectif d’éviter le “déjà vu ailleurs”. C’est ce qui a poussé, par exemple, Lucille Capmal et Astrid Masson à concevoir le café-céramique baptisé Potines, qui ouvrira avant l’été au cœur d’Angers (Maine-et-Loire). L’idée : faire cohabiter pause-café, détente et découverte de la céramique, avec la possibilité de choisir une pièce brute et de la décorer in situ. Même envie de sortir des sentiers battus au bar-restaurant Factorielle 52, à Paris (XIIIe). L’appellation Factorielle 52, tel un clin d’œil aux multiples façons de mélanger un jeu de 52 cartes, car cet établissement se veut “lieu de vie magique”. Et pour cause : il a vu le jour au printemps 2025 sous la houlette de l’illusionniste Mael Adler et du restaurateur Yann Buytendorp. Le premier supervise la direction artistique de l’endroit, le second dirige la salle. Avec, en sous-sol, une scène et des gradins pour recevoir chaque soir une quarantaine de personnes, le temps d’un spectacle de magie. À cela s’ajoute des tours aux tables et au bar, durant l’apéritif ou le dîner. Autres façons de cultiver sa différence : le circuit court – l’empreinte carbone de chaque plat est indiquée sur la carte – couplé à l’absence de bœuf et d’agneau, “car ce sont les viandes les plus émettrices de gaz à effet de serre”, rappelle Mael Adler. Des partis pris un brin radicaux, pour se démarquer et faire de Factorielle 52 “une destination” pour toutes les générations.
“On vient chez nous pour des occasions”
Pour susciter la curiosité des clients, Annaïg Ferrand mise sur “l’extraordinaire”. C’est ainsi qu’elle qualifie chaque moment créé et passé dans ses établissements. Cofondatrice en 2021 et directrice d’exploitation d’Ephemera, qui conçoit des restaurants éphémères et immersifs à Paris et, depuis février 2025, à l’orée d’Angers, cette diplômée de l’Institut Lyfe (ex Paul Bocuse) doit faire avec un taux de retour des clients de 8 à 10 % seulement. Pas ou peu d’habitués, donc. “On vient chez nous pour des occasions” a-t-elle expliqué lors du dernier salon Food Hotel Tech, à Paris (XVe). Alors, il faut faire fort pour surprendre et stimuler le bouche-à-oreille. À Angers, par exemple, avec Wonderwoods, Ephemera invite à une immersion dans “une forêt enchantée”, avec nature luxuriante, créatures féériques, vidéos, sons, lumières, déco … le tout scénographié par l’agence Henriette & Compagnie. Quant aux effets spéciaux, ils sont orchestrés par le studio Superbien. Ouvert au déjeuner comme au dîner et d’une capacité de 150 couverts, Wonderwoods propose une cuisine inspirée, elle aussi, par la forêt. Un champignon XXL farci donne le ton en entrée. Tout comme la focaccia forestière ou encore les suggestions du bar à truffes. “Nous faisons tout pour que la prise en charge de chaque client soit la plus personnalisée possible, afin qu’il vive une véritable expérience”, souligne encore Annaïg Ferrand. Pour cela, les équipes d’Ephemera utilisent une palette d’outils digitaux, grâce auxquels elles analysent “qui vient chez [elles] et pourquoi”.
Poissons de Loire et guinguette estivale
La singularité d’un lieu, tout comme son engagement, servent aussi à attirer et fidéliser des salariés. Il suffit qu’ils se reconnaissent dans certaines valeurs, certains repères, pour que la magie opère. C’est le cas à La Cabane à Matelot, à Bréhémont (Indre-et-Loire), où le turn-over est bas. Voire très bas. Explication du phénomène : le concept est tellement à part que même les apprentis et les stagiaires se pressent pour venir y travailler. Ici, place à un duo. Celui composé par le pêcheur de Loire Romain Gadais et le chef-cuisinier Ambroise Voreux. Le premier a été le maître de stage du second. Puis, ils se sont associés. D’un côté, le pêcheur sort son bateau tous les jours en quête des espèces de poissons les plus abondantes dans le fleuve royal. À savoir des mulets, brèmes, barbeaux, gardons, carpes ou autres silures… De l’autre, le chef les prépare, les cuisine au déjeuner comme au dîner, derrière des fourneaux qui font face à la Loire. “Lorsque Romain rentre bredouille, nous ne trichons pas. Nous proposons alors des poissons que nous avons salés, séchés, fumés ou encore fermentés, grâce aux méthodes de conservation”, explique Ambroise Voreux. Même scénario pour les quelques viandes proposées à La Cabane à Matelot : “L’éleveur nous donne ce qu’il a. À nous, ensuite, de nous adapter.” Pour le reste, c’est du circuit court : avec des fruits et légumes de Touraine, du sel de Guérande, du rhum de Nantes, des vins de Loire… Le tout combiné à la polyvalence de la dizaine de salariés en été (moitié moins en hiver). Un esprit d’équipe et un sens de l’entraide qui fédèrent, motivent et donnent des idées. Ainsi, pour cette saison estivale, la Cabane à Matelot s’étend sur l’eau, avec un bateau-guinguette. Au menu : fish and chips pour une trentaine de personnes. Parce que la simplicité peut, elle aussi, faire la différence.

Publié par Anne EVEILLARD