À quelques jours de la rentrée 2025, quel regard portez-vous sur la formation des jeunes ? Celle-ci est-elle toujours en adéquation avec les attentes du terrain ?
Catherine Quérard : Nos métiers font moins rêver. Si bien que tous les jeunes ne s’y forment pas par envie… Qu’ils soient en cuisine ou en salle, bon nombre d’entre eux ont du mal à se projeter dans une perspective durable. Certains décrochent. D’autres n’ont pas le niveau requis une fois sur le terrain… Alors, comme dans la chanson, il faut leur redonner « l’envie d’avoir envie ». Et ce d’autant que même les formateurs, avec lesquels nous parlons au sein du GHR, sont en attente d’une émulation plus globale. Y compris avec les professionnels, qui ne se déplacent plus forcément pour évaluer les examens, par exemple… C’est donc toute une dynamique qu’il faut remettre en route dans les établissements de formation gratuits et accessibles à tous. Car dans certains centres d’excellence, payants, on parvient encore à faire rêver un adolescent ou un jeune adulte.
Avez-vous des pistes pour redynamiser le système de formation ?
Catherine Quérard : Je n’ai pas de baguette magique ! Certes, le système de formation fait face à des restrictions budgétaires, mais ce n’est pas une raison pour tout tirer vers le bas. Or c’est ce qui a été fait avec les diplômes depuis des années et ce n’est pas la bonne méthode. Selon moi, pour motiver et garder les jeunes qui se lancent dans nos métiers, il faut les sensibiliser et les former à tout l’écosystème de l’art de vivre : du contenu de l’assiette jusqu’au savoir-recevoir, sans oublier l’apprentissage d’aimer faire plaisir aux autres. Cela passe, bien sûr, par une formation théorique, mais aussi par des cours de théâtre – encore trop peu d’établissements en proposent… –, une éducation au goût – dès le plus jeune âge… – ou encore une sensibilisation au rapport à l’autre. Mais tout cela doit se gérer collectivement, avec de véritables ambitions pour tirer notre système de formation vers le haut.
Est-ce facile de motiver apprenants et formateurs dans un contexte où, selon l’Umih, 25 restaurants ferment chaque jour en France ?
Catherine Quérard : Nos hommes d’État disent, à juste titre, que la France est dans une situation financière dramatique. Mais les solutions proposées ne répondent pas à nos équations d’aujourd’hui. La jeunesse a besoin d’espoir et elle n’en trouve pas. Pourtant, depuis le premier quinquennat d’Emmanuel Macron, l’apprentissage bénéficie d’un succès inégalé. Le dispositif a été facilité, simplifié, à la suite d’une loi de septembre 2018 portée par Muriel Pénicaud, alors ministre du Travail. Par ailleurs, l’apprentissage a toujours été plébiscité dans les métiers de l’hospitalité. Il n’en demeure pas moins que celui-ci coûte de plus en plus cher aux entreprises : un récent décret a modifié la limite d’exonération des cotisations salariales dues sur la rémunération des apprentis. Or les entreprises ne sont pas toutes dans des situations favorables économiquement, en particulier celles qui ont un PGE – Prêt garanti par l’État – à rembourser. Parallèlement, même si bon nombre de professionnels sont satisfaits de leurs apprentis, un adolescent de 15 ou 16 ans peut manquer de maturité sur le terrain. Cela se traduit par des absences, des retards, voire une confusion entre les attentes du lycée et celles de l’entreprise… Alors, certes, le mentorat est important, mais accompagner un apprenti, c’est donner du temps que l’on retire ailleurs. Or dans un contexte où le manque de personnel et l’augmentation du coût du travail se cumulent, nous nous retrouvons entre le marteau et l’enclume. Face à tout cela, nous avons un travail de pédagogie à mener auprès des formateurs, pour expliquer le fonctionnement de l’apprentissage sur le terrain et nos métiers, qui défendent à la fois le patrimoine, la culture, l’agriculture et le travail.
Selon vous, quelle serait « la » mesure urgente à prendre pour cette rentrée 2025 dans les écoles et lycées hôteliers ?
Catherine Quérard : Féliciter et encourager les jeunes qui s’engagent dans nos métiers, instaurer un protocole d’accueil pour les apprentis, remettre l’escalier social au cœur du dispositif et rappeler que, chez nous, avec un peu de travail, l’échec n’existe pas.
En cette rentrée 2025, quel serait votre message à un jeune qui s’apprête à se former aux métiers de l’hospitalité ?
Catherine Quérard : Intégrer un lycée hôtelier permet d’apprendre et de comprendre les premières bribes de nos métiers. Ensuite, il ne faut pas hésiter à multiplier les stages et oser dire quand cela ne se passe pas bien, afin de ne pas rester sur un échec.
Enfin, quel pourrait être votre message de rentrée 2025 en direction des formateurs ?
Catherine Quérard : Les enseignants devraient échanger plus souvent avec les entreprises qui accueillent des jeunes en apprentissage et même organiser des masterclass communes. À titre personnel, j’ai une vingtaine d’apprentis dans mes hôtels et restaurants à Nantes (Loire-Atlantique), où les échanges avec les formateurs se font essentiellement par téléphone. C’est dommage. Il faut renforcer les liens entre l’enseignant, le professionnel, l’apprenti et ses parents, mais sans toutefois « câliner » le jeune. Car pour le faire entrer dans la vie d’adulte, certes il faut lui mettre le pied à l’étrier, mais aussi l’éduquer au sens de l’effort.

Publié par Anne EVEILLARD

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