À chaque cérémonie du guide Michelin, il y a des chefs qui reviennent, comme s’ils avaient installé leur rond de serviette au milieu des nouveaux visages. On pourrait prendre l’exemple d’Arnaud Donckele qui, en 2025, est revenu tout sourire récupérer une nouvelle récompense. Après le Tout-Paris en 2024 (il encadre le chef exécutif William Béquin), le Rouennais a encore brillé avec Hakuba (Paris Ier), la 4e table du Cheval Blanc Paris. Cette réussite est le fruit d’un travail en trio. À ses côtés, le chef japonais Takuya Watanabe et le pâtissier Maxime Frédéric ont mis leur talent au service de savoureux menus omakase (carte blanche au chef). Au comptoir, les clients profitent d’une partition culinaire étonnante comme cette Délicate sauce à manger aux saveurs de tomates sublimée par l’essence des sardines de méditerranée.
Liberté créative
Autre visage célèbre qui a brillé cette année : Adrien Cachot. L’ancien candidat de Top Chef 2020 a décroché la première étoile de sa (jeune carrière) et cette réussite est le fruit d’un long travail réalisé en duo avec sa compagne, Emie Wada. Cette dernière, qui dirige la salle de Vaisseau (Paris XIe), accompagne le chef dans cette proposition culinaire détonante et inventive. Les deux menus omakase – baptisés Quoi et N’importe quoi – invitent les convives à voguer à l’aveugle dans une atmosphère minimaliste et intimiste. Ainsi, un lièvre à la royale peut côtoyer des mochis “Cachot e pepe” préparés à la façon d’un risotto au poivre et aux agrumes.
Dans la catégorie couple étoilé, on reste dans le XIe arrondissement, direction Amâlia, le temple gourmand de Cecilia Spurio et d’Eugenio Anfuso. Depuis plus d’un an, les deux italiens ont réussi à imposer un style mêlant tradition et modernité. Car, derrière les nappes blanches et le service parfaitement soigné se cachent des créations subtiles et audacieuses comme le gnocchi, à base de pomme de terre acidulée, qui fait office de signature. Côté sucré, Cecilia Spurio passée par les cuisines de Guy Savoy et de Yannick Alléno, notamment, excelle avec des classiques revisités “à l’italienne” comme les choux cappuccino proposés en mignardise ou le fontainebleau glacé accompagné de fraises, de rhubarbe et de coquelicot.
Voyages et mémoires
L’une des belles surprises de cette nouvelle édition se trouve au cœur de Paris, à quelques pas de la Seine. Le restaurant Aldehyde (Paris, IVe) du chef Youssef Marzouk a cette particularité de faire voyager les gourmets au cœur des souvenirs d’enfance du chef en Tunisie aux côtés de son grand-père. Après s’être formé aux côtés de Nicolas Sale, Tomy Gousset et Arnaud Donckele, Youssef Marzouk a ouvert son propre établissement durant l’été 2024. Il y célèbre donc la cuisine française aux saveurs tunisiennes harmonieuses, agrémentée de vinaigres, d’herbes, de fleurs et d’épices douces. Son agneau en deux cuissons et ses ravioles de canard et poireau accompagnées de chips de coriandre ont déjà fait des émules. À noter qu’un menu déjeuner plus qu’abordable (35 €, deux plats ; 45 €, trois plats) est proposé du mercredi au samedi.
Une autre nouvelle étoile brille bien au-delà du petit comptoir en bois du restaurant Sushi Shunei. En 2022, à peine trois mois après l’obtention de son premier macaron, Shunei Kimura décédait brutalement. Avant de disparaître, il a demandé à son épouse, Chizuko Kimura, de poursuivre cette aventure démarrée au cœur de Montmartre en 2021. Cette promesse a été plus que tenue. À ses côtés, officie désormais le chef Takeshi Morooka, plus de trente ans d’expérience et un savoir-faire incomparable dans l’art du sushi. L’étoile est donc de retour et l’ADN de ce menu unique omakase a été parfaitement conservé. Au fil des nigiris proposés, les gourmets savourent à chaque bouchée la fraîcheur des poissons travaillés et les subtils assaisonnements proposés.
Du nouveau et du renouveau
L’Aveyron est à l’honneur dans cette sélection 2025 avec Julien Boscus, le chef d’Origines. Pour ce fils d’un charcutier-traiteur et d’une restauratrice, passé chez les plus grands chefs – Yannick Alléno, Pierre Gagnaire – puis brillé durant une décennie aux Climats, le chef séduit avec des produits d’exception du terroir finement valorisés comme sa poulette fermière de Mayenne, son Lièvre de Beauce ou les bulots de la Baie du Mont Saint-Michel.
Pour Agapé (Paris XVIIe), l’heure est au renouveau. Après l’avoir perdue en 2023, l’établissement de Laurent Lapaire retrouve son étoile et le trio qu’il forme avec le chef Yoshi Nagato et la cheffe pâtissière Asuka Ishiba a fait mouche. Depuis deux ans, le tandem japonais excelle techniquement. Côté mer, les poissons et crustacés sont travaillés crus, fumés au foin ou juste saisis. La ventrèche Tataki de bonite à dos rayé fumée au foin et framboises, rhubarbe, coulis d’orties en est un exemple saisissant. Les herbes et fleurs sauvages font également partie intégrante de la cuisine et des desserts des chefs. Pour accorder tout cela, une belle carte de 600 références faisant la part belle aux vins bio et nature fait l’unanimité auprès des convives.
Enfin, à quelques centaines de mètres du XVe arrondissement, au cœur d’Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine), Alexis Voisenet a rapidement rencontré le succès avec sa Maison Avoise. Son alter ego – on pourrait plutôt dire son mentor – l’accompagne indirectement dans son quotidien : Guy Savoy. Les cinq années passées à ses côtés en tant que bras droit l’ont profondément marqué. Sa cuisine créative s’en ressent. Le plat signature du trentenaire ? Le ris de veau, véritable héritage d’un parcours gastronomique menant à la Maison Avoise. À noter que ce lieu chargé d’histoire – des anciens casemates du fort d’Issy où étaient stockées la poudre à canon – propose également une cave à manger où il est possible de simplement déguster des charcuteries et fromages de qualité.
Pas de doute : en 2025, la gastronomie parisienne et francilienne continue de faire feu de tout bois.

Publié par Stéphane POCIDALO