Réussite : Michel Troisgros ou l'art de dynamiser la tradition

Roanne (42) Après avoir sillonné le monde, le chef a rejoint la maison familiale à Roanne en 1983, aux côtés de son père, Pierre Troisgros. Il ne pensait pas s'attarder. Mais Michel Troisgros est resté dans cette adresse de référence depuis plus d'un demi-siècle, qu'il projette de transférer dans un parc de 17 hectares d'ici à 2017.

Publié le 13 avril 2016 à 12:14


"À 16 ans, j'ai intégré l'école hôtelière de Grenoble (38). C'est là que j'ai rencontré ma future épouse, Marie-Pierre. Une fois diplômés, nous avons tourné dans de nombreuses maisons, en France et à l'étranger. Nous avons appris aussi bien à Mionnay (01) qu'à Eugénie-les-Bains (40), Lausanne, Paris, New York, Berkeley, Tokyo, Londres ou Bruxelles. C'est en 1983 que tout a basculé. Marie-Pierre et moi étions aux États-Unis et nous nous apprêtions à partir travailler en Australie, lorsque mon oncle, Jean, décède brutalement. Avec mon père, Pierre, ils étaient à la tête de la maison Troisgros, à Roanne (42), depuis 1957, et, avant eux, mes grands-parents, Marie et Jean-Baptiste, depuis 1930.

 

Roanne nous a attirés comme un aimant

Alors en attente de notre visa, Marie-Pierre et moi sommes allés donner un coup de main à mon père, à Roanne. Nous pensions que ce serait provisoire, mais nous y sommes restés. Le temps s'est écoulé, toujours teinté d'un brin d'incertitudes, car parfois l'envie d'aller voir ailleurs nous titillait. Mais rien n'y faisait : Roanne nous a toujours attirés, comme un aimant. Surtout durant les années 1990, où j'ai décroché le poste de chef, commencé à écrire des livres avec mon père et à être, avec Marie-Pierre, de plus en pus impliqués dans les vagues de rénovation.

Au milieu des années 1990, mon père a cessé de travailler. Il nous a laissé face à nos responsabilités, nos peurs, nos craintes. Et face aux critiques aussi. Avec une clientèle qui doutait des capacités du fils, une fois le père parti. Mais nous avons su agir, réagir, en osant certains investissements pour dynamiser la tradition Troisgros. Bref, aller de l'avant, comme l'ont toujours fait mes grands-parents, mon oncle et mon père. C'est ainsi que nous avons créé le Central à Roanne, le restaurant CMT de l'hôtel Hyatt à Tokyo, la table du Lancaster à Paris (VIIIe), le Koumir à Moscou, sans oublier La Colline du Colombier à Iguerande (71). Rien n'était gagné d'avance. Mais j'étais guidé par la passion et l'envie de m'affranchir. Car être successeur peut parfois paraître un peu frustrant, même si on bouge les codes de la cuisine et de la maison familiale. D'ailleurs, avec le recul, il y avait une certaine naïveté de ma part à vouloir relever tous ces défis. Mais, avec Marie-Pierre, nous avons affronté les obstacles, au coup par coup.

 

Mon fils a l'envie de continuer

Aujourd'hui, la relève est là. Mon fils César a 28 ans et l'envie de continuer. Il travaille à mes côtés depuis trois ans, après être passé dans de belles maisons. Il a une maturité que je n'avais pas à son âge, car l'époque actuelle rend les jeunes plus soucieux de leur vie professionnelle. Quant à mon fils Léo, âgé de 21 ans, il est tout aussi passionné par la cuisine. Actuellement, il est chez le chef Benoit Violier à Crissier, en Suisse. Cette dynamique familiale nous a donc conduit à nous projeter dans quinze ans. Nous avions alors deux scénarios possibles : soit nous restions place de la Gare, soit nous saisissions l'opportunité d'une propriété à récupérer aux portes de Roanne. Nous avons pesé le pour, le contre, les aspects économiques, mais aussi historiques et familiaux, sans oublier la dynamique de l'entreprise et l'engagement de nos équipes, puis nous avons opté pour le second scénario. Nous restons à Roanne, mais dans un cadre différent, où nous aurons la possibilité d'avoir nos arbres fruitiers ainsi que des terres pour faire pousser de petites productions, ce qui me paraît primordial pour un cuisinier contemporain. Nous proposerons également un bel endroit pour héberger nos clients, puisque notre projet se situe dans une grande ferme, constituée de plusieurs corps de bâtiment, avec un étang, un bois, des prairies et un manoir qui servira d'hôtel.

 

Notre nouveau projet verra le jour en 2017

Nous menons ce projet à un moment où la maison Troisgros ne s'est jamais aussi bien portée. Actuellement, nous en sommes aux réunions de travail avec l'architecte Patrick Bouchain et c'est l'une des phases les plus excitantes que de pouvoir dessiner, gommer, échanger et confronter nos idées avec lui. Notre projet, dont les travaux vont débuter en mai prochain, verra le jour au printemps 2017 : il sera différent de la maison Troisgros, mais reconnaissable par les habitués. C'est une prise de risque, j'en suis conscient : d'ailleurs, certaines nuits, je dors peu et me pose beaucoup de questions ! Mais nous n'avons pas envie de reporter l'aventure. Avec Marie-Pierre et César, nous sommes portés par ce projet à la fois familial, d'entreprise et d'équipe : aujourd'hui, la maison Troisgros c'est 50 salariés, auxquels s'ajoutent 14 personnes au Central et, selon les saisons, entre 14 et 20 personnes à La Colline du Colombier. Ce pari sur l'avenir est dynamisant, enthousiasmant et c'est le bon moment pour le concrétiser, car j'ai encore assez d'énergie pour mener de front mes métiers de cuisinier et d'hôtelier."


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Publié par Anne EVEILLARD



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