Retour d'expérience : de la capitale aux Cévennes, via un appel d'offre

L'auberge de la Baume Auriol est un belvédère sur le cirque de Navacelles, au milieu de la nature des Causses et des Cévennes, inscrite au patrimoine mondial de l'Unesco. À pied, en voiture, à cheval ou à vélo, plus de 200 000 visiteurs y passent chaque année. Ce mas appartient à la communauté de communes Lodévois et Larzac, qui l'a aménagé en restaurant panoramique avec extérieur et terrasse totalisant 200 couverts, office de tourisme, lieu d'exposition, boutique de produits du terroir. Le restaurant, exploité en snack, était fermé depuis deux ans. Pour le valoriser dans une approche de terroir, la communauté de communes a publié à l'automne 2014 un appel d'offre pour la gérance, en insistant sur trois points : la présence de produits de terroir, l'ouverture quotidienne pendant la période estivale et la qualité de l'accueil.


Une expertise en développement commercial

De Paris, Florence Heim décide d'y répondre. Depuis 2008, elle développe l'enseigne Angelina pour le groupe Bertrand. Elle a regagné la clientèle parisienne, positionné la marque sur le luxe, accompagné le développement - d'une boutique en 2007 à dix espaces en France et à l'international en 2014 -, en faisant tripler le chiffe d'affaires. Son parcours professionnel a débuté par l'organisation des circuits touristiques, continué avec la direction d'une résidence de vacances. À 40 ans, elle part deux ans en Angleterre pour obtenir un master en management hôtelier international à l'université de Brighton. De retour en France, elle travaille dans le développement commercial. "J'ai reçu des clients en tourisme, organisé du réceptif pour des groupes, je connais leurs attentes et leurs besoins. Ce que j'aime dans la restauration, c'est avoir un établissement suffisamment important pour faire du marketing et développer du commercial." Suivent des expériences dans un Hôtel-restaurant 4 étoiles à Chantilly, puis Paris, restaurant de 160 couverts dans le VIe arrondissement de Paris, maison Dalloyau en 2004, puis le groupe Bertrand pour Angelina en 2008. "Ce qui me fascine chez Angelina, c'est que des gens de tout âge, culture et milieu social se sentent bien, dans un lieu avec une histoire, une qualité de produits et d'accueil."

 

Implication locale

À 55 ans, elle anticipe sa retraite : "J'avais envie de créer ma propre société. J'ai quitté Angelina pour monter mon projet. Car pour chercher, il faut le faire à temps plein." Florence Heim réalise qu'elle ne dispose pas de moyens financiers suffisants pour reprendre une affaire à la taille qui l'intéresse et se penche donc sur les appels d'offre. Finaliste sur celui pour le Sénat, elle repère également celui du Mas de Baume. Elle connaît la région par ses attaches familiales et voit des similitudes entre l'Auberge de Baume et Angélina. "C'est plus sportif et moins luxe, mais le challenge est aussi de sortir de l'image purement touristique." L'attente de la communauté de communes sur l'implication locale la séduit : "Ce qui m'intéresse, c'est développer un projet avec l'environnement autour, travailler avec les éleveurs, les vignerons, les agriculteurs..." Au coeur de l'hiver, elle vient rencontrer des producteurs bio du Larzac, cerne comment monter son dossier de candidature, un "projet d'espace de vie gourmand rythmé par les saisons, privilégiant une démarche de développement durable, grâce à une sélection rigoureuse des produits reposant au maximum sur un approvisionnement local." Elle argumente sur sa capacité à développer une image qui valorise la région, sa démarche qualité et son implication concrète sur l'environnement : tri sélectif, recyclage des déchets, produits éco-labelisés... Le 15 janvier, elle reçoit une réponse positive et se met au travail.

Florence Heim commence par s'organiser avec ses fournisseurs. "C'est important de travailler avec les gens du pays. Pour que ça se passe bien, je suis arrivée de façon humble ; l'Auberge a besoin des gens d'ici."

Pour travailler en frais et fait maison et anticiper l'affluence du week-end, elle transforme la chambre froide négative en positive, achète une cellule de refroidissement et une machine sous vide. Avec son expérience du salon de thé, Florence Heim a choisi de proposer une petite restauration en continu bien adaptée aux visiteurs du site touristique, fraîche et faite maison. Pour le déjeuner et le dîner, les menus (de 14 à 32 €) avec truite bio, cochonnet bio du Larzac, boeuf d'Aubrac... s'adressent aussi à la clientèle locale.

En cuisine, elle recrute Alexandre Taurines, franc-comtois et pêcheur, un chef "ni trop jeune, ni trop âgé, qui aime la nature, a envie de s'exprimer sur des beaux produits mais aussi de travailler pour des groupes". Son second, le chef de salle, les deux extras du week-end et les recrutements de l'été sont locaux. "Travailler de beaux produits bio et avoir une dynamique commerciale sans déserter son idéal, c'est compatible", conclut Florence Heim.