Comment peut-on inspirer les chefs – mais aussi les futurs chefs en école hôtelière – à s’engager ou, plus modestement, à changer les habitudes dans leur établissement ?
Michel Roth : Il faut montrer l’exemple. Être un chef engagé, ce n’est pas forcément révolutionner sa cuisine du jour au lendemain, c’est amorcer une réflexion sur l’origine des produits, leur saisonnalité, et s’impliquer dans une démarche de qualité. À Euro-Toques, nous défendons ces valeurs et nous les transmettons avec passion, notamment dans les écoles avec les masterclasses que nous organisons depuis plus de deux ans avec l’Agence BIO dans le cadre de notre projet Euro-Toques Jeunes. Onze écoles hôtelières sont engagées pour le moment avec, pour chacune, deux chefs référents Euro-Toques et deux jeunes.
Virginie Basselot : On inspire par la pédagogie et la passion. Les jeunes chefs ont besoin de repères, et l’engagement environnemental ou éthique fait partie de leur futur.
En partageant des moments avec eux comme des masterclasses, des tournages vidéo, on les aide à comprendre que chaque geste, chaque choix de produit compte. Euro-Toques donne ce cadre, cette impulsion.
Quelles actions concrètes peut-on mettre en place ?
M. R. : Vous pouvez commencer par le local, le saisonnier et le bio si possible. Faire évoluer ses fournisseurs, réduire le gaspillage, valoriser les produits bruts. Vous pouvez aussi signer la charte Euro-Toques et participer aux événements pour échanger avec d’autres professionnels.
V. B. : Il ne faut pas chercher la perfection tout de suite. Une action concrète peut être simplement de travailler avec un producteur de proximité ou d’introduire un plat 100 % bio ou végétal dans votre carte. L’essentiel est d’être dans une dynamique de progrès. Par ailleurs, tout au long de l’année, l’association Euro-Toques met en avant lors des masterclasses et également au Salon de l’agriculture, les binômes producteurs-chefs afin de montrer que sans bon produit il n’y a pas de bonne cuisine, et que respecter l’agriculture et mieux la connaître est primordial pour bien cuisiner.
Quels sont les obstacles ?
M. R. : Le coût c’est souvent la première barrière. Mais il faut voir ça comme un investissement dans la qualité. L’autre difficulté, c’est le temps : il faut repenser ses méthodes, former son équipe. Mais au bout du chemin, il y a une vraie reconnaissance. Il y a un vrai intérêt pour savoir d’où vient le produit.
V. B. : Allez voir vos producteurs. On comprend bien ce qu’est le bio quand on le voit. Il y aura des freins logistiques, comme trouver les bons producteurs ou gérer la régularité des livraisons. Et c’est là où, en cuisine, il faut s’adapter, ce qui est plus difficile pour les grands volumes d’une brasserie, par exemple. Il y aura aussi des clients qui ne comprendront pas tout de suite la démarche. Il faut être patient et persévérant.
Et si mon établissement est modeste avec un ticket moyen faible ?
M. R. : Cela reste tout à fait possible. Le respect du produit, le fait maison, la saisonnalité ne sont pas réservés à la haute gastronomie. Même avec un ticket moyen bas, on peut faire des choix cohérents : une soupe de légumes locaux vaut bien un produit transformé.
V. B. : Je dirais même que ce sont souvent ces établissements qui font preuve de la plus grande inventivité. Le bio, le local, ça peut se faire sur des volumes raisonnés, sans forcément exploser les coûts. Il faut surtout penser en filière et en solidarité locale et se rappeler que manger de saison sera toujours moins cher et bien meilleur pour la santé.
Comment communiquer ?
M. R. : Soyez transparent et fier. Expliquez votre démarche sur vos cartes, vos réseaux sociaux. Parlez de vos producteurs, montrez que vous êtes dans une logique d’engagement. C’est aussi une belle manière de fidéliser sa clientèle.
V. B. : La communication commence dans l’assiette, avec la cohérence de l’offre. Ensuite, les réseaux sociaux sont un formidable outil pour valoriser ce que vous faites, mais aussi pour éduquer. Faites simple, sincère et montrez votre passion.
Quelles actions concrètes ont mené Euro-Toques et l’Agence BIO pour contribuer au développement du bio ?
M. R. : Nous avons signé une convention avec l’Agence BIO pour sensibiliser les chefs aux produits bio, organiser des rencontres avec des producteurs et faire du bio un levier de valorisation des métiers de bouche. C’est un engagement qui se traduit sur le terrain.
V. B. : On a aussi mené des actions pédagogiques : ateliers dans les écoles, visites de fermes bio, campagnes de communication. Le but est de rendre le bio accessible et compréhensible pour tous les professionnels, quel que soit leur niveau ou leur structure.
Quel est le rôle d’Euro-Toques France à l’échelon européen ?
M. R. : Euro-Toques France est un relais essentiel entre nos artisans cuisiniers et les institutions européennes. Notre mission est de défendre, aux côtés d’Euro-Toques international, la qualité des produits, la traçabilité et les savoir-faire culinaires qui font la richesse de nos terroirs. Nous agissons pour que la voix des chefs soit entendue à Bruxelles, en faveur d’une alimentation saine, durable et respectueuse des saisons et des producteurs.
V. B. : Euro-Toques France s’inscrit pleinement dans le cadre européen à travers Euro-Toques international. Nous travaillons main dans la main avec nos homologues des autres pays pour défendre une cuisine de qualité, la sécurité alimentaire et la protection des producteurs locaux. À l’échelle européenne, notre rôle est de porter une parole collective et engagée pour promouvoir une alimentation responsable, préserver notre patrimoine culinaire et soutenir les jeunes générations de cuisiniers.

Publié par Olivier MILINAIRE

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