Omar Abodib : "Le problème c'est l'état général du pays. On voit le verre à moitié vide et jamais à moitié plein"

Etretat (76) Restauration, recrutement, transmission… l'homme d'affaires et entrepreneur franco-libanais, Omar Abodib ne mâche pas ses mots. Nous l'avons rencontré au Donjon, l'établissement familial qu'il a repris il y a vingt ans.

Publié le 18 octobre 2023 à 16:28

L’Hôtellerie Restauration : Quel est votre état d’esprit en ce moment ?

Omar Abodib : La gifle qu’on s’est pris avec le covid nous a permis de voir les choses différemment. Pendant la crise, nous avons décidé, grâce à Guillaume Gomez et Stéphane Méjanès, de rouvrir pour créer des repas pour les soignants. L’idée, c’était comme d’aider un ami. C’est ce qui nous a permis de nous lancer dans une démarche RSE forte, de créer une raison d’être, de voir la relation collaborateur différemment, de créer un pilier qui est l’humain et l’environnement au bénéfice du profit. Le profit est un élément central mais n’est plus le but principal. Mais après trois ans d’accélération et d’opportunités, c’est un mélange entre essoufflement et appréciation différente de la valeur travail. On est dans un bousculement total de mes fondamentaux. J’admets qu’une partie de la problématique vient des employeurs, mais nous sommes quand même beaucoup à avoir pris le virage. Cependant, c’est encore plus violent. On doit mettre en place des choses encore plus radicales. Il n’y a pas que la partie financière, les clients ou le business qui bloquent. Aujourd’hui, mon fonds de commerce, ce sont les collaborateurs.

J’accepte d’avoir planté des affaires, de ne pas avoir été à la hauteur. Mais je pense avoir changé. Et je continue à changer. Mais à force de voir en face des gens qui ne changent pas, ça fait mal. Nous sommes dans une société où la brutalité est de plus en plus vive. Nous, nous devrions être cool tout en assumant des investissements de dingue. Et on reçoit des avis en ligne cinglants. Dernièrement, on m’a dit que le parking était difficile d’accès.

Un bon pilote à bord doit être bien dans ses baskets et doit prendre du recul. C’est difficile, mais il le faut. C'est d'ailleurs ce qu'il faut que je pense à faire. 

 

Est-ce facile de recruter à Étretat ?

Le cumul de choses rend le recrutement difficile. Le problème, c’est l’état général du pays. On voit le verre à moitié vide et jamais à moitié plein. On va soulever tout ce qui est négatif. Dire : "Je t'aime, bravo pour le travail que tu fais, je suis admiratif”, c’est la honte en France.

Le problème à Étretat, c’est aussi l’attractivité du territoire. On offre quoi à nos collaborateurs sur la fin de journée ? Il n’y a pas d’infrastructure. Le Havre, qui est quand même à 20 minutes, n’est pas encore assez bankable, même s’il devient de plus en plus attractif. On attire moins que d’autres régions comme la Côte d’Azur, la Bretagne ou le Pays basque. Nous ne sommes plus dans le même délire qu'il y a quelques années. Je pensais qu’on serait protégés. Dans le pays de l’hospitalité, ce n’est pas la teuf.

 

Quelles sont les actions mises en place pour le personnel ?

  • Repas du personnel : “On prône des valeurs, on veut partager notre plaisir avec nos voyageurs mais aussi avec notre personnel. Désormais, on cuisine aussi pour nos équipes.”
  • Investissement dans un logiciel SIRH qui permet de “faciliter la relation humaine, pour créer le lien avec le collaborateur, qui permet d’aller au-delà du légal et de communiquer” 
  • Mise en place d’un intéressement salarial : “Si on gagne de l’argent, les collaborateurs doivent en profiter.
  • Réflexion pour investir dans un logiciel type Sunday avec pour objectif de maximiser les pourboires pour les collaborateurs.

 

Des projets ?

On ouvre un bouillon au Havre et un restaurant de street food libanais. Pendant presque neuf ans, j'ai évité Le Havre. Mais j’ai décidé d’y retourner car il y a un changement radical qui est en train d’opérer là-bas.

 

Quels liens avez-vous encore au Liban ?

Toute ma famille est là-bas. Mon père est parti il y a peu de temps, ce qui a renforcé mon envie d’agir là-bas. Le 4 août 2020, l'explosion du port de Berouth, c’était la deuxième gifle pour moi. Je profitais du Liban, on était en acceptation permanente de la situation. Aujourd’hui, beaucoup de Libanais ont pris conscience de la situation, qu’on avait accepté des choses inacceptables.

En 2020 j’ai fait un premier voyage au Liban avec 25 de mes collaborateurs. On l'a fait pour aider les gens, distribuer des dons de première nécessité. Mais à aucun moment j’avais imaginé créer le fonds de dotation. Tout cela s’est mis en place avec la raison d’être qu’on a créé, la démarche RSE que nous avons voulu. En revenant, je me suis dit qu’il fallait continuer. En créant le fonds de dotation Cèdre Solidarity, c’est devenu durable. La philosophie de notre deuxième voyage était d’aider les Libanais à pêcher plutôt que de pêcher pour eux. On veut les convaincre que la terre libanaise est faite pour produire quelque chose et pas uniquement pour faire la fête. On travaille avec la Franco-libanaise Youmna Bureau, qui a créé l’association Ancre Bleu et le projet Terre Fertile au Liban qui correspond à mes ressentis et qui nous a permis de créer Le Cèdre fertile, un projet en commun de potager solidaire.

 

Vous avez quatre enfants. Une envie de transmission ? 

Bien sûr. J'espère qu'ils prendront la relève. La transmission, l'apprentissage, l'échange... sont les plus belles choses. Mais j'ai que 50 ans, j'en ai encore au moins pour quinze ans, je tiens à continuer à construire l'affaire. 

 

#OmarAbodib# #Etretat# #Donjon#


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Publié par Romy CARRERE



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