Avec sa façade entièrement graffée, l’hôtel Moustache ne passe pas inaperçu. Et c’est justement le but que recherchait Boris Meunier, son propriétaire, lorsqu’il a eu l’idée de la confier au street artist de Roubaix No Luck plutôt qu’à un traditionnel peintre en bâtiment. Situé dans la zone industrielle de Seclin, à proximité de l’aéroport de Lille, cet hôtel 2 étoiles est entouré d’établissements de chaîne de même catégorie. En le rachetant en 2018, Boris Meunier savait qu’il lui était indispensable se différencier, à la fois dans l’offre et dans la décoration, pour se faire connaître et attirer la clientèle.
“Le bâtiment a été construit en 1993 en ossature bois, il était entièrement blanc avec des goulottes oranges pour cacher les câbles, ce qui donnait l'impression de containers montés les uns sur les autres. Mon idée de départ, c'était de gommer cette infrastructure et de la confier à un artiste, en lui donnant l'occasion de s'exprimer pleinement. Au final, de passer d’une façade repoussoir à quelque chose qui donne envie aux clients de franchir la porte”, explique-t-il.
Deux ans de réflexion
Un tel projet ne s’improvisant pas, les deux hommes ont échangé pendant deux ans pour imaginer les trois fresques qui recouvrent l’hôtel, dans un “brainstorming à deux”, où chacun amenait ses propositions. Mais l’hôtelier insiste : “J’ai vraiment laissé l’artiste s’exprimer et raconter une histoire, car je ne voulais pas tomber dans le cliché de la décoration.”
Une première fresque, tout en couleurs vives, représente une jeune femme portant une immense moustache blonde (en clin d’œil au nom de l’établissement, situé sur l’ancien Mont Stache). Pour la deuxième, les deux hommes – férus de voyages – ont choisi le thème de la jungle et de animaux. Une dernière évoque enfin une chambre du château de Versailles, où des chimpanzés s’amusent avec des bombes de peinture et ont graffé l’inscription ‘C’est pas Versailles ici’ : “C’est un petit clin d’œil à une publicité sur les économies d’énergie, parce que nous faisons attention à nos dépenses, mais qui a aussi un double sens : nous sommes un deux étoiles, donc nos clients ne doivent pas s’attendre à des chambres grand luxe.”
Garantir la cohérence entre l’extérieur et l’intérieur...
Pour autant, très attentif à la qualité de l’accueil, Boris Meunier avait une ambition plus grande avec ce projet : “Il y a un lien entre ce que nous avons reproduit sur la façade et l’ambiance qui règne à l’intérieur. J'ai envie de dire que l’hôtellerie, même économique, ça doit être joyeux. J’ai voulu amener de la luminosité, de la joie de vivre, parce que c'est ce que le client va retrouver à l'hôtel, à travers mes équipes aujourd'hui, qui s’attachent à bien l’accueillir. J'ai envie de donner une autre image de l'hôtellerie économique, parfois très impersonnelle.”
Et d’expliquer : “Ce n'est pas parce que le client ne paye pas cher qu'il n'a pas le droit d'avoir de la qualité. Il faut rester humble bien sûr, mais même avec des petits moyens, notre métier reste de donner du bonheur aux gens, d'être à cheval sur l'hygiène, sur un lit bien fait, sur les produits du petit déjeuner. Aujourd’hui, j'embauche mes collaborateurs au savoir être et non au savoir-faire et je prends le temps de leur inculquer ces notions.”
... pour un coût moins élevé qu’un ravalement
Il a fallu cinq mois – d’avril à septembre 2023 – à No Luck pour peindre ses fresques. Son intervention est – cela peut étonner – moins onéreuse de 30 % à ce que l’hôtelier aurait dû débourser pour un peintre en bâtiment, ces deux professionnels n’ayant pas le même statut ni les mêmes charges. De plus, “cerise sur le gâteau”, se réjouit Boris Meunier, comme cette façade est l’œuvre d’un artiste vivant et est accessible au public à tout moment, il a pu défiscaliser cet investissement à hauteur de 20 000 €.
L’hôtelier, qui vient de rejoindre la coopérative The Originals en mai dernier, a même un souhait, celui de proposer que tous les hôtels de la catégorie The Originals Access fassent repeindre leur façade par des street artists : “Ainsi, ces établissements seraient reconnaissables parmi tous !”, est-il convaincu.
Si Boris Meunier trouve prématuré de chiffrer l’impact de sa façade sur son activité, il sait qu’elle lui a permis d’améliorer son mix clientèle : ”Les voyageurs affaires ont tout de suite été là parce qu’ils cherchent du renouveau sur le segment économique, mais aujourd’hui, j’attire davantage de clients loisirs qui me repèrent sur internet et les réseaux sociaux grâce aux photos des extérieurs”. Des photos qui, conjugués à des notes et des avis positifs, rendent désormais son hôtel , il en est convaicu,“unique et désirable”.

Publié par Roselyne DOUILLET

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