Le logement des saisonniers et des étudiants : un vrai problème

Le logement des saisonniers et des jeunes est un sujet récurrent dans le secteur. Des solutions existent, souvent au cas par cas, mais les besoins sont loin d'être couverts.

Publié le 08 mars 2013 à 11:12

L'équation paraît simple : la France est une destination touristique qui fait rêver, sa gastronomie est enviée dans le monde entier et le taux de chômage ne cesse d'augmenter dans l'Hexagone. La logique serait d'investir, promouvoir l'emploi et la formation dans ces domaines. Mais entre théorie et pratique… "Cela fait trente ans que l'on fait des inventaires, il est temps de passer à l'action", exhorte Thierry Grégoire, président de la Fédération nationale des saisonniers à l'Umih et hôtelier-cafetier au Touquet-Paris-Plage (62). "Dans les stations de montagne, balnéaires et thermales, le frein à l'embauche, c'est le logement." Les chiffres sont déroutants : "31 000 postes vacants en Paca l'an dernier", s'inquiètet Jean-Pierre Ghiribelli, président de l'Umih Var. "Le foncier est cher, et dans notre région, la saisonnalité est forte." Dans son département, "6 500 saisonniers ont été engagés en 2011, dont un quart d'entre eux sont employés dans le golfe de Saint-Tropez." Puis il évoquait une enquête : "Sur 190 saisonniers interrogés, 35 % occupaient un emploi logé, le reste c'était de la 'débrouille'. Nous avons besoin de main-d'oeuvre qualifiée. Nous sommes 90 % de petites entreprises dans l'hôtellerie, nos moyens sont limités et chaque année, c'est un souci."

 

Étudiants : l'engagement des lycées

"Les élèves en CFA sont logés s'ils le souhaitent à l'internat pendant la période de cours. Pendant leur semaine de travail, cela poserait des problèmes, notamment en termes d'horaires et d'assurances", indique Agnès Vaffier, proviseur du lycée hôtelier de Marseille. Pendant leur apprentissage, les élèves vont généralement chercher à proximité du domicile parental. "Le problème est plus important pour les jeunes stagiaires que pour les apprentis. Si, par exemple, le Ritz accepte de les prendre en stage, ils ne peuvent pas manquer cette opportunité, mais les frais sont très importants", ajoute Agnès Vaffier. Dans un univers professionnel où la formation et les références sont prépondérantes, le logement peut apparaître comme un critère discriminant. Les établissements scolaires en tiennent davantage compte. "Le lycée nous place, il fait très attention à cet aspect" confie Benjamin Blache, en 2e année BTS hôtellerie-restauration à l'école hôtelière de Thonon-les-Bains (74), qui a dû renoncer à un stage dans un établissement haut de gamme en Suisse, faute de logement, alors qu'il était en bac technique au lycée hôtelier Lesdisguières, à Grenoble (38). Il avait finalement effectué un stage à proximité du domicile de ses parents. Ou, tel que le confiait Damien Gateau, professeur de sommellerie à l'Institut Paul Bocuse à Écully (69) : "Les parents prennent les frais en charge, c'est un investissement. Mais très souvent, les restaurants fournissent le logement. Cela leur évite de payer les stagiaires pour les stages qui durent moins de deux mois." Le ressenti des employés est inquiétant : "J'ai eu des soucis à cause du logement comme tous les gens qui ont un jour travaillé dans l'hôtellerie : soit on ne trouve pas, soit on se fait loger dans des taudis", raconte Marie-Dominique, longtemps concierge.

"Nous logeons quelques stagiaires, et les apprentis ont généralement de la famille sur place. Les loyers sont très chers, mais quand les personnes veulent venir travailler chez nous, ils trouvent une solution", affirme André Charpentier, directeur général adjoint du Negresco à Nice (06), qui emploie 160 personnes à l'année et environ 20 saisonniers. Manifestement, la débrouille fait partie des qualités requises pour exercer dans l'hôtellerie et la restauration. Mais il existe aussi des établissements qui ont opté pour une solution avantageuse pour tous. "Nous avons une activité qui varie selon les congrès et événements comme le Festival ; nous devons nous adapter avec les extras et les saisonniers", relate Stéphane Carrière, directeur des ressources humaines du Martinez à Cannes, qui emploie environ 200 permanents et près de 250 saisonniers. Ces derniers ont la possibilité d'être logés. "Nous avions des difficultés pour recruter. Quand il s'agit de faire une saison de neuf mois on trouve facilement, mais pour quelqu'un qui ne reste que pour juillet et août, c'est plus problématique. En 2006, nous avons été contactés par la mairie, qui construisait une résidence spécifique pour les saisonniers et nous a demandé si nous souhaitions réserver des logements. Nous sommes passés de 2 logements en 2006 à 17 actuellement. Le taux d'occupation à l'année est de 60 à 75 %. Nous avons signé une convention avec le gestionnaire de résidence. Vous êtes chef de rang, vous arrivez le lundi matin à Cannes, vous signez votre contrat de location et, le mardi, vous commencez votre travail." Côté recrutement, le DRH du Martinez évoque cette solution comme un atout : "Nous avons de meilleurs dossiers et un choix de recrutement plus important et qui va au-delà de notre secteur géographique. C'est également intéressant pour nos stagiaires étrangers."

 

Les syndicats en action

Conscients des difficultés de logement, les syndicats trouvent également des solutions. "Nous avons pris contact avec les maires des petites communes. J'ai été employé saisonnier ; ce que j'ai subi, je n'ai pas voulu que les autres le subissent", confie François Effling, président national des saisonniers de la CPIH. Il évoque un système mis en place dans le pays de Retz : "Une maison des saisonniers paraissait impossible sur notre secteur, en raison des transports et de l'éloignement Mais les gens sont prêts à aider, et nous avons trouvé une solution avec la population locale et les communautés de commune. Des retraités accueillent les saisonniers." Logement assuré, loyer modéré et contact humain, une pratique gagnant-gagnant. Du côté du Languedoc-Roussillon, l'Umih a signé l'an dernier une convention avec le Crous et le préfet : les logements étudiants libres l'été sont loués aux travailleurs saisonniers. Thierry Grégoire évoque le projet national de résidences mixtes, en partenariat avec la Caisse des dépôts et consignations, Action logement, Vilogia et Alliance qui permettrait de construire des logements. Le projet pilote serait implanté à Étaples-sur-Mer (62). "D'autres villes sont candidates : Biarritz, Juan-les-Pins, Thonon-les-Bains. Nous en sommes au tour de table financier, mais nous ne sommes pas des opérateurs immobiliers." Il rapporte les initiatives locales et régionales, comme le logement chez l'habitant, mais s'indigne : "Le logement devrait être une priorité nationale mais il n'y a pas de volonté politique nationale. Beaucoup d'argent est prélevé et devrait être mis au service du monde de l'entreprise. Il faudrait une vision globale du tourisme et donc un ministère du Tourisme."

"La pression immobilière continue d'augmenter en montagne, les locations sont chères, et il faut loger les employés sur place car les transports ne sont pas adaptés", souligne à son tour Catherine de Bruyne, déléguée générale de la Fagiht. Et, ainsi que le rappelle le président de la Fagiht, Claude Daumas : "Le logement des saisonniers est une charge pour les entreprises et un avantage pour les employés qui sont logés et qui ne peuvent pas passer leur salaire dans leur logement. C'est un frein énorme à l'embauche, alors que nous sommes le secteur qui recrute le plus. Des solutions sont simples : il y a des logements construits à rénover et qui sont libres. Nous demandons à avoir droit au 1 % logement pour investir. On fait des prêts préférentiels aux promoteurs immobiliers…" L'employeur est pénalisé mais ce déséquilibre pourrait être arrangé : "On pourrait nous permettre de récupérer la TVA sur les logements des employés, et nous exonérer des taxes de mutation par exemple." Claude Daumas souhaite également que les bâtiments qui serviront pour les ouvriers de la liaison ferroviaire Lyon-Turin soient recyclés pour loger les saisonniers.


Publié par Sophie SENTY



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