Le mobilier de seconde main fait ses débuts dans l'hôtellerie

Coût moindre, approche durable ou sociale, décoration atypique… Le mobilier d'occasion s'invite - avec discrétion - dans le monde de l'hôtellerie.

Publié le 19 juin 2023 à 12:05

83 % des Français sondés se disent prêts à résider dans un hôtel qui utilise du mobilier et de la décoration recyclés, pointe une étude greet/Opinion Way réalisée en mai 2022. Pourtant, les hôteliers sont encore frileux en la matière. Les hôtels commencent à vendre leur mobilier lors de rénovations, mais rares sont ceux qui font le pas d’acheter du mobilier de seconde main. Les chaînes, par exemple, ont des cahiers des charges souvent trop précis pour ça”, constate Sophie Scantamburlo-Contreras, co-fondatrice de la start-up SCOP3 spécialisée dans le réemploi d’équipements professionnels.

Récupérer le mobilier antérieur

Certains hôteliers ont néanmoins franchi le cap, à l’instar de l’Hôtel Llucatx Menorca, en Espagne. Sur un domaine comportant six hôtels, les propriétaires souhaitaient ouvrir un nouvel établissement dans une bâtisse jusqu’alors inoccupée. Sur les conseils d’Eco-One (conseil et accompagnement en durabilité dans le secteur hôtelier), l’ancien mobilier inutilisé et stocké a été mis à profit. Une fois triées, 550 pièces en pin massif de très bonne qualité ont été remises en état, poncées, relookées… “On a modifié les tailles, les formes, les couleurs… Tout a été fait à la main, artisanalement, en économie circulaire”, note Ava Moddabber, country manager France pour Eco-One. L’aménagement de cet hôtel de 19 chambres a ainsi été bouclé en quatre mois. Un “vrai gain de temps et un réel intérêt financier”, poursuit-elle.

Faire appel à des ateliers d’insertion

De son côté, Le Grand Barnum, ouvert à Francheville (Rhône), ajoute au volet écologique et durable l’aspect social. Créé par l’Armée du Salut, l’établissement a chiné le mobilier dans des recycleries locales et s’est appuyé sur ses ateliers d’insertion pour le rénover. L’ameublement des 27 chambres est entièrement issu du réemploi (à l’exception de la télévision et de la literie), pour un montant avoisinant les 12 000 €. Mélange de styles, pièces dépareillées, vieilles théières et pince à sucre sur le plateau de courtoisie, juke-box dans le bar… “Les clients sont enchantés et très agréablement surpris par ce décor atypique », estime le directeur du 3 étoiles, Pascual Valentin.

Soigner le design

Greet est, quant à elle, la seule chaîne à avoir adopté cette démarche. La marque s’approvisionne auprès d’Emmaüs et du site Selency, ou récupère le mobilier présent dans les hôtels, en cas de reprise ou de reconversion. Le cahier des charges exige que chaque établissement dispose d’incontournables chinés ou upcyclés, comme les boîtes à clés, les tables d’hôtes dans les lobbys, trois pièces majeures dans les espaces communs, la vaisselle du petit déjeuner, ou encore trois éléments de décoration dans les chambres. Le tout agencé avec soin. “Les hôtels travaillent avec des designers pour créer des espaces avec une cohérence globale et une pertinence d’un point de vue design et décoration”, glisse Antoine Dubois, directeur marketing et expérience client Accor Europe et Afrique du Nord.

La literie, un point délicat

La chine nécessite du temps, plus qu’un simple achat auprès d’un fournisseur classique. Par ailleurs, les pièces d’occasion exigent un soin tout particulier. “Certaines pièces, comme les pieds de chaises ou les tables en chambre, sont fragiles. Cela demande un entretien spécifique, car les matières sont variées. Il faut également avoir des meubles en stock, puisque les pièces peuvent rapidement être abîmées”, constate Pascual Valentin. Mais c’est la literie qui constitue la principale difficulté rencontrée par les adeptes du réemploi. Si l’Hôtel Llucatx Menorca et Le Grand Barnum ont finalement opté pour de la literie neuve (question d’hygiène et de confort), la chaîne économique greet, elle, a innové en déployant depuis peu un matelas composé à 75 % de matières recyclées – “le taux de matières recyclées le plus élevé du secteur de l’hôtellerie française”, selon Antoine Dubois.

Nouvelle tendance ?

Le mobilier d’occasion fait encore figure d’exception dans le secteur hôtelier. Mais la tendance pourrait être amenée à se développer, estime Ava Moddabber : “Avant, les hôtels changeaient leur décoration tous les deux ou trois ans. Aujourd’hui, ils mettent en place des décorations plus intemporelles.  Ils cherchent à optimiser leurs coûts et à développer cette image durable, écoresponsable.”

#mobilier# #aménagement# durable


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Publié par Violaine BRISSART



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