Ça vous est arrivé : "Mon établissement réquisitionné pour héberger un terroriste"

Murat (15) Entre 2009 et 2010, Djamel Beghal, islamiste condamné pour des faits de terrorisme, a été assigné à résidence à l'hôtel des Messageries, à Murat. Muriel Barré, la propriétaire de l'établissement, se remémore cette expérience étrange.

Publié le 13 avril 2016 à 12:13
Murat est une petite agglomération de 2 000 habitants isolée au pied des contreforts orientaux des monts du Cantal. Au printemps 2009, le sous-préfet et le maire rendent visite à la propriétaire de l'un des deux hôtels de la commune : Les Messageries. "Ils m'ont présentés un arrêté ministériel de réquisition d'une chambre pour assigner en résidence surveillée un terroriste, se souvient Muriel Barré, la propriétaire de l'établissement. Rien ne pouvait s'y opposer. Je suis incapable de savoir pourquoi notre établissement a été choisi. Il semble cependant que les petits villages avec gendarmerie aient la faveur des autorités pour loger les islamistes condamnés. Ils sont peut-être plus faciles à surveiller. On nous a réquisitionné une chambre sans savoir pour combien de temps, une semaine, un an ? Nous avions beaucoup de réservations pour la Pentecôte alors nous avons proposé ce que nous avions de disponible. L'hôtel dispose de vingt chambres dans le bâtiment principal et dix autres, plus anciennes, dans une annexe. C'est là, dans une pièce basique dont la police a vérifié les accès, que nous avons logé M. Beghal. Il devait pointer trois fois par jour à la gendarmerie. Nous avons été parfaitement renseignés sur le profil de notre visiteur avec une obligation de confidentialité. Pourtant, deux jours après son arrivée, le journal La Montagne révélait sa présence dans la commune. Les réactions de notre personnel furent plus modérées que celles des gens du village."

Des menus halal

D'un point de vue financier, la réquisition ne fut pas préjudiciable. Le tarif de la pension a été négocié par la préfecture sans abus. Mais le Ramadan va compliquer l'accueil de ce djihadiste reconnu coupable d'avoir projeté, en 2001, un attentat contre l'ambassade des États-Unis à Paris : "Il était difficile de trouver de la viande halal dans la région et d'affecter du personnel pour son service à des horaires décalés. Avec l'autorisation de la préfecture, nous avons alors déplacé notre visiteur vers l'un de nos appart-hôtels. Il pouvait faire sa cuisine et recevoir sa famille, qui logeait au camping voisin, témoigne l'hôtelière. Si nous n'avions pas su qui il était, personne n'aurait pu imaginer qu'il sortait de prison. C'était un homme affable, qui allait boire son café au bar d'à côté. Un an après son arrivée, en mai 2010, les gendarmes sont venus le chercher pour le remettre en prison à Rennes." Djamel Beghal était en effet alors soupçonné de préparer l'évasion de Smaïn Aït Ali Belkacem, condamné en 2002 pour l'attentat à la station RER Musée d'Orsay en octobre 1995.

"La presse nous a fait beaucoup de mal"

"Nous ne savions rien de ses activités ni des visites des frères Kouachy ou d'Amedy Coulibaly [Djamel Beghal les aurait rencontré en prison et aurait été leur gourou, NDLR], comme nous avons pu lire dans la presse après les événements de Charlie Hebdo", ajoute Muriel Barré. Pour elle, la présence de ce client singulier fut moins nuisible que le déferlement de journalistes au lendemain des attentats du 7 janvier dernier. "Une chaîne de télévision française s'est introduite sans autorisation dans une chambre en affirmant que c'était celle de Djamel Beghal. Un mensonge. J'ai été filmée à mon insu. On m'a fait dire que la facture réglée par l'État pour loger M. Beghal était de 3 000 € par mois, or c'était la moitié... Un client qui a cru reconnaître à la télévision la chambre qu'il envisageait de louer, a annulé. 'Il est hors de question que je loge dans l'appartement d'un islamiste', a-t il justifié. La presse nous a fait beaucoup de mal, parce que nous ne voulions pas témoigner. J'ai d'ailleurs saisi mon avocat. La tempête se calme, mais nous recevons encore des appels anonymes de gens qui nous demandent si nous avons des menus halal ou s'il y a des armes dans les chambres", déplore Muriel Barré.

Publié par François Pont



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