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André Daguin, de la toque au béret

Vie professionnelle - mardi 25 novembre 2008 16:41
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75 - Paris Mi-septembre, le président de l’Umih laissait la direction du syndicat à une femme. La passation de pouvoirs aura lieu officiellement mardi 2 décembre à Lille dans le cadre du congrès national de la rue d’Anjou. Au-delà du dossier TVA, l’homme, gascon avant tout, a réussi à mettre la restauration au cœur de l’actualité. Coup de chapeau, d’anecdotes en moments forts



Après 10 ans à la tête de l'Umih, André Daguin passe officiellement le flambeau dans le cadre du congrès national de la rue d'Anjou, la semaine prochaine à Lille.
Après 10 ans à la tête de l'Umih, André Daguin passe officiellement le flambeau dans le cadre du congrès national de la rue d'Anjou, la semaine prochaine à Lille.

Dans gascon, il y a l’indépendance de caractère, la capacité d’adaptation, le verbe haut et truculent. Il y a le panache, la fierté d’appartenance, la fidélité et le goût certain du combat. Dans gascon, il y a bien sûr l’âme d’une région. Historiquement, le ‘gascon’ s’est imposé dans la mouvance d’Henri IV, ce roi de France né à Pau, et qui voulait que chaque famille de paysans puisse manger de la poule au pot le dimanche… Bien plus tard, mais dans la lignée : André Daguin. Chef des chefs et territoire gascon à lui tout seul. Il ‘veut’. À Paris comme à New York, il défend le Gers et la restauration. C’est dans les gènes ce besoin de soutenir et de partager. Ses détracteurs le qualifient volontiers de hâbleur ou de bateleur. Il l’est. Et plus encore. Son bagou, sa verve, doublé d’un authentique accent occitan, retient l’attention du public. Une caractéristique qu’on lui reconnaît dès l’adolescence. Nonobstant les jaloux. Être premier de la classe, lycée compris, entraîne parfois des affrontements.

Direction l’école hôtelière de Paris
Ça coince différemment à la fac de Toulouse, où le sport, rugby en tête, a raison des ambitions maternelles de Lucienne Daguin, veuve d’Albert Daguin, patron de l’Hôtel de France à Auch. Elle tient l’établissement à bout de bras. Son fils unique devra désormais retrousser les manches, direction l’école hôtelière de Paris et en internat. Je verrais toujours ce grand gaillard qui faisait rire tout le monde mais qui était aussi un peu seul parfois sur son banc”, lâche Jo, l’épouse d’André Daguin. C’est là qu’ils se sont rencontrés. 1959, diplômes en poches et après quelques stages dans la capitale, le Gascon revient au pays. À ses côtés donc, une Parisienne. Ils ont la vingtaine et la fleur au fusil. À Auch, il y a du soleil mais tout est à construire. Difficile d’affronter Madame Daguin mère. Son mari est décédé depuis plusieurs années. André n’avait que 11 ans. C’était une mère exemplaire et une femme très courageuse, très droite mais qui était aussi d’une autre époque…”, se souvient son entourage. Le conflit de génération n’aura pas lieu, au moins en apparence. Seuls quelques regrets transpirent. Quand j’ai eu mes deux premiers enfants, on était tellement pris par l’hôtel et le restaurant que je n’en ai pas profité”, témoigne Jo Daguin. Le travail et seulement le travail comptait. Encore souvent d’actualité dans la profession…

Première étoile Michelin
1960, l’Hôtel de France obtient un macaron Michelin. Je m’ennuie tout seul avec mon étoile, heureusement mon ami Maurice Cosculluea en obtient une quelque temps après à Plaisance, au Ripa Alta”, se réjouit André Daguin qui prend alors ‘conscience’ du rôle de prescripteur de la restauration pour les produits locaux. Les vins de Plaimont et de Madiran sont affichés à la carte et valorisés. Dans le sillage, d’autres cuisiniers sont mis sous les projecteurs du guide rouge comme Jean-Louis Paladin, alors à la Table des Cordeliers à Condom ou Bernard Ramouneda de La Florida à Castera-Verduzan. Au lieu d’entrer dans une espèce de rivalité stérile, on a eu l’intelligence de faire des choses ensemble”, poursuit André Daguin qui crée alors la Ronde des Mousquetaires. Du ‘bon’ marketing avant l’heure. Les meilleurs cuisiniers gascons proposent des opérations communes, et sortent de leur fourneau. Parallèlement, André Daguin cède aux exigences maternelles en mettant un pied dans le syndicat hôtelier. Mon père en était président avant la guerre et jusqu’à sa mort. À la fin des années 1960 j’ai fini par accepter de lancer une section à Auch.”

Premiers pas syndicaux
Doucement, sans précipitation. Parmi les dossiers à traiter : faire entrer dans la mentalité du secteur que les ‘bonnes à tout faire’ serveuses de leur état, devaient désormais être payées à la grille des salaires. Les prix étaient aussi bloqués. J’avais organisé un coup. La bière, on ne pouvait pas la vendre au-delà d’un prix. Mais on ne pouvait pas non plus vendre en dessous du prix de revient. J’avais fait acheter par mes adhérents des bières de luxe, et je suis allé voir le responsable de la direction de la concurrence et des prix avec les factures. Et je lui dis, voilà le problème : on a acheté des bières 3francs et il faut la vendre à 2francs 50. Vous nous mettez en infraction ? Monsieur, que dois-je dire à mes gars ? Merci de m’écrire la réponse… Évidemment, il n’y a jamais eu de courrier, cela dit, le comportement flagorneur a porté ses fruits. ‘Oser, osons’. Dans la série, les assemblées générales du Gers organisées dans un train. “Ça déplaçait 300 à 400personnes. On faisait étape à Agen, Toulouse, Matabiaux, on rencontrait les élus et les personnalités. Aucun autre département n’a tenté l’aventure. Quand vous le questionnez sur l’attitude à avoir dans le syndicalisme, il répond : “Il faut être assez méchant pour que les types voient qu’on les défend, mais il faut savoir aller discuter des sujets lourds avec les représentants de l’État.” En 1970, une seconde étoile brille sur la façade du restaurant de L’Hôtel de France. L’établissement est au cœur de la vie locale et notre cuisinier continue sa marche en avant. Il part à la conquête des États-Unis avec ses ‘potes’ de la Ronde des Mousquetaires.

Le découvreur du magret
Pas question de rémunération. Leur objectif tient dans la découverte et l’échange. Je demandais les meilleurs hôtels, une limousine et des conférences de presse.” Là-bas, tout était possible : lancer le saumon aux lentilles, se faire une omelette géante avec plus de truffes que d’œufs ou croiser André Dubosc, fédérateur de la cave de Plaimont et mettre au point avec lui la cuvée La Colombelle ! Succès depuis. Le cuisinier le plus célèbre du Gers a également son actif la ‘découverte du magret’. Véridique. Le canard était un animal sale, qui vivait sur de la paille souillée. Petit à petit, les producteurs ont amélioré l’hygiène et certaines épidémies ont été enrayées. Et c’est là que j’ai eu l’idée de servir cette partie du canard saignant, avec une température de cuisson qui n’est pas montée à plus de 56°C. Au début, ça a été mouvementé. Les gens ne croyaient pas ce qu’ils mangeaient. Sur ma carte c’était marqué ‘lou magret’ grillé sur braise. Je faisais en sorte que ça ressemble à un tournedos et ils croyaient que c’était une viande rouge… C’est un journaliste américain qui a donné le coup d’envoi en publiant à NewYork un article sur mon travail. Ensuite, ça a déclenché la presse française… La communication, l’autre force de ‘notre Dédé national’ ainsi baptisé par ses comparses des Grandes Gueules sur RMC.

Battre le pavé
En 1997, André Daguin abandonne définitivement la toque pour le béret qu’il coiffe souvent devant les caméras. Il a derrière lui dix ans de présidence de chambre de commerce et d’industrie d’Auch, et il est président national des restaurateurs de la Fnih. Ses fonctions sont désormais concentrées rue d’Anjou. L’Hôtel de France change de mains. Il est à l’origine deux ans plus tôt, en 1995, de la première manifestation de revendication de la profession. C’était un 23 octobre. L’opération avait été menée conjointement par tous les syndicats patronaux du secteur. 7 000 professionnels au rendez-vous. Le 11 octobre 1999, nouveau battage sur les pavés parisiens. André Daguin, élu entre-temps président national de la Fnih, revendique haut parleur à la main. Gouaille, allure, haute stature. Il fait la différence. Sur les ondes, c’est lui. La baisse de la TVA en restauration devient un sujet national. Et il s’octroie le luxe de créer une scission au sein d’un syndicat concurrent. Naissance de l’Umih, du plus important syndicat professionnel CHR jamais connu en France. Confirmation d’une personnalité hors du commun. Il associe la profession à l’actualité. Médiatiquement vôtre. Ce qui va lui permettre de susciter d’autres opérations d’envergure, en particulier pour l’obtention de la TVA. À voix basse, sa garde rapprochée avoue qu’en privé il tutoie le président de la République, Nicolas Sarkozy. On y croit. Mi-septembre, il passe le flambeau à Christine Pujol. La modernité est là : une femme prend le pouvoir dans un milieu réputé masculin. Deux femmes étaient même en lice sur les trois ans prétendants à sa succession. Sa mission nationale aura duré dix ans. Est-elle terminée ? Le voici Monsieur TVA à l’Hotrec. Il est à l’origine du rapport Du Champs à l’Assiette au sein du Conseil Économique et Social, etc. La restauration, c’est lui. Pas fin, suite !

Sylvie Soubes

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