La nature du bail commercial

Le bail ne devient pas commercial de par l'activité exercée dans les locaux. En d'autres termes, un établissement ne peut pas être exploité sans un bail commercial, même si l'activité n'est exercée que dans une partie des locaux. Le locataire doit donc obtenir une autorisation écrite de son bailleur avant d'exercer une nouvelle activité. À cette occasion, le bailleur demandera très souvent une augmentation de loyer, et ce d'autant plus que la nouvelle activité va, en principe, permettre au commerçant de dégager un nouveau chiffre d'affaires.

Publié le 02 juillet 2019 à 16:05

La nature et l’activité du bail commercial sont des questions essentielles lorsqu’un CHR vient à être exploité dans un local commercial. Le bail ne devient pas commercial de par l’activité exercée dans les locaux. En d’autres termes, un CHRD ne peut pas être exploité sans un bail commercial 3-6-9 ans (sauf exception : bail précaire). L’établissement ne peut pas être exploité dans des locaux à usage professionnel ou même d’habitation, même si l’activité commerciale réelle n’est exercée que dans une partie des locaux. Il ne peut être exercé non plus dans une partie des locaux commerciaux non prévue à cet usage.

Certains baux sont tous commerces. Il faut être vigilant avec une telle destination, car si elle permet au locataire d’exercer un large panel d’activités, il doit tout de même respecter la nature et les caractéristiques de l’immeuble. Il ne peut pas pour autant réclamer tous types de travaux au titre de l'obligation de délivrance qui incombe au bailleur (par exemple des travaux de façades et de planchers rendus nécessaires par le stockage de marchandises et l’installation d’appareils de climatisation dans une pièce à usage d’habitation dans un immeuble ancien, Ccass. 3e civ. 12 avril 2018, n° 17-11.833).

 

► Comment faire changer l’activité prévue dans le bail ?

Si un commerçant souhaite exploiter une activité de restauration chaude (restaurant traditionnel ou rapide), un karaoké ou discothèque alors que le bail ou le règlement de copropriété ne prévoit qu’une autorisation de restauration hors nuisances, il devra :
- demander l’autorisation au bailleur d’adjoindre une nouvelle activité ou une activité supplémentaire si le bail interdit les nuisances olfactives ou sonores ;
- demander au bailleur de solliciter du syndicat des copropriétaires une assemblée générale pour une modification du règlement de copropriété, si celui-ci empêche d’exercer une telle activité, y compris quand les modifications ont déjà été faites (exemple : cave en sous-sol mentionnée dans un règlement de copropriété alors que le commerçant en a fait une cuisine avec extraction qui existe depuis dix ans).

Le locataire doit en principe veiller à avoir une autorisation écrite de son bailleur avant d’exercer une nouvelle activité. Elle est indispensable, car à défaut, il s’expose à une demande du bailleur en acquisition de la clause résolutoire ou en résiliation judiciaire. En pratique, le bailleur demandera souvent une augmentation de loyer en cas d’adjonction d’une nouvelle activité. Une activité est nouvelle quand elle n’est pas prévue au bail.

Il ne semble pas en principe pouvoir être établi de connexité ou de complémentarité entre une activité et une autre (celle prévue au bail) lorsqu’elle nécessite un aménagement particulier et des autorisations spécifiques, notamment en matière d'hygiène (exemple : l’activité de boucherie halal nécessite une chambre froide, un étal, des autorisations spécifiques en matière d’hygiène et n’est pas complémentaire à l'activité d'alimentation et de produits orientaux, de commerce d'alimentation générale et de dépôt de pain, CA Colmar, 7 février 2018, n° 16/04165)

Ces questions se posent aussi lors du renouvellement du bail. La conclusion ou le renouvellement d’un bail commercial nécessite donc le recours à un avocat conseil spécialiste des CHRD, qui interviendra en amont sur les clauses les plus adaptées à l’activité et la rédaction du bail, mais aussi lors de changements durant le bail que le professionnel désire apporter. Il interviendra aussi devant les juridictions sur ces questions.

 

Quelle sera l’incidence sur le loyer ?

À cette occasion, le bailleur demandera très souvent une augmentation de loyer, et ce d’autant plus que la nouvelle activité va, en principe, permettre au commerçant de dégager un nouveau chiffre d’affaires.
Exemple : un CHRD réalise d’importants travaux d’agrandissement de la salle de restaurant sur l’emprise de l’arrière-cuisine, entraînant un gain de surface de 20 m², de décloisonnement d’un bureau transformé en zone de vente de 5 m², et de réduction du sas d’accès aux sanitaires utilisés par la clientèle permettant un gain de surface de 3 m² exploitée en bar. Ces travaux permettant de dégager de l’espace pour la création de couverts supplémentaires, et donc une zone de vente supplémentaire de 28 m², exigent l’autorisation du bailleur, qui demandera le plus souvent une augmentation de loyer pour changement d’affectation partielle des locaux.

Si l’activité nouvellement ajoutée n’est ni annexe, ni complémentaire à celle d’origine, cela peut constituer une modification notable de la destination des lieux et le locataire s’expose à une éventuelle demande du bailleur en fixation du loyer avec déplafonnement à la valeur locative. Cette demande est possible quand bien même l’activité principale se poursuivrait (Ccass. 3e civ. 11 avril 2019, n° 18-13.668).

 

Les risques en cas d’exploitation d’une activité non-autorisée dans le bail

Si le professionnel exploite certaines activités non autorisées par le bail, le bailleur ou le règlement de copropriété, il encourt le risque de :
- subir un procès de la part du bailleur ;
- s’exposer à des sanctions de la part de diverses autorités (fermeture administrative préfectorale, intervention de la Sacem ou de la SPRE en cas d’utilisation de musiques non autorisées…) ;
- s’exposer à des sanctions pénales.

 

Que peut demander le bailleur en cas de procès ?

Il est probable que le bailleur demande :
- l’acquisition de la clause résolutoire, en d’autres termes l’expulsion du CHR : le bailleur le demandera le plus souvent en référé, c’est-à-dire très vite, et le fera constater dans les deux à trois mois en moyenne (le délai moyen d’une affaire en référé) ;
- des dommages et intérêts aux torts et à la charge exclusifs du CHRD, sans compter le montant des loyers restant à courir jusqu’à la fin du bail commercial.

Par exemple, un bailleur a pu obtenir la résiliation du bail pour non-respect de sa destination, qui était sandwicherie, viennoiserie, vente de pains, car l’établissement avait en réalité une activité de restauration, proposant des plats chauds, avec des tables et chaises, et des équipements de cuisine : plaques de cuisson individuelles, wok, four vapeur, hotte aspirante... (CA Paris, 8 février 2019, n° 18/06936).

En revanche, lorsque le bailleur adresse au locataire un commandement de respecter la clause de destination des lieux, mais que plus tard il lui adresse une offre de renouvellement du bail “sous toutes réserves”, les juges ont estimé qu’il a renoncé à demander la résiliation du bail (Ccass. 3e civ. 28 juin 2018, n° 17-15.247).

 

Les sanctions pénales encourues

Il s’agit d’amendes lourdes, voire la fermeture de l’établissement si une infraction a été notamment commise.
Exemple : des clients sortant d’une discothèque ou d’un restaurant dansant participent à une rixe causant des blessés ou des morts aux alentours de l’établissement, alors que cette activité n’est pas autorisée. Le fait pour l’établissement d’avoir fait danser des personnes sans activité autorisée est passible de ces sanctions. Il en est de même pour le simple fait d’avoir fait danser des clients dans le restaurant au moins deux fois. Cela peut entraîner la requalification de l’établissement en discothèque et lui faire encourir les risques indiqués.

 

Quelle réaction avoir si un autre commerçant du même immeuble exploite une activité non autorisée par le bail ?

Ce n’est pas parce qu’une activité non autorisée est exploitée dans l’immeuble par un autre commerçant que le CHRD peut faire la même chose.
Par exemple, une sandwicherie-kebab ou un restaurant-karaoké est exploité dans le même immeuble que votre commerce, alors que les nuisances olfactives ou sonores sont interdites par le bail ou le règlement de copropriété. Il n’est pas possible de faire la même chose. Une tolérance n’est pas une autorisation et le CHR s’exposerait aux sanctions énoncées ci-dessus.

 

Les conséquences administratives

Même autorisé par le propriétaire des murs (ou du fonds de commerce en cas de location-gérance), ou la copropriété, le changement d’affectation ou l’adjonction d’une nouvelle activité, peut donner lieu à la résiliation de certaines autorisations administratives.
Par exemple, l’affectation du local est modifiée lorsque la destination à l’intérieur des locaux comme à l’extérieur est changée. C’est le cas lorsqu’un restaurant devient un bar à chichas. Outre les questions de désenfumage et de système d’aération à mettre en place - nécessitant des travaux devant recueillir l’autorisation du bailleur -, ce dernier doit autoriser cette activité non prévue par le bail. Et même s’il l’a autorisée, les terrasses ne pourront pas être utilisées pour servir des chichas, sous peine de résiliation des autorisations administratives.

 

Comment traiter le chiffre d’affaires issu d’un changement d’activité non autorisé ?

Si vous changez totalement ou partiellement l’activité prévue au bail sans autorisation du bailleur et si nécessaire de la copropriété, il est impossible de prendre en compte le chiffre d’affaires lié à cette activité nouvelle. En effet, ce chiffre d’affaires est précaire et peut être supprimé du jour au lendemain par une procédure du bailleur ou du syndicat des copropriétaires. Il ne pourra ainsi pas être pris en compte par l’acquéreur (ou le locataire-gérant) lorsque le fonds de commerce sera mis en vente (ou donné en location-gérance). Exemple : l’exploitation non autorisée par le bail d’une piste de danse et karaoké générant une consommation d’alcool importante dans un restaurant.
Un avocat évitera les pièges et les risques dont le commerçant n’est pas averti et qui peuvent entraîner la perte totale du chiffre d’affaires de l’établissement, et donc du commerce.

#Bail# bail commercial


Publié par Sophie Petroussenko



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