Vol prouvé par caméra de surveillance : l'illégalité plus forte que la réalité

La vidéosurveillance des salariés est strictement encadrée par la loi et doit obéir à des conditions précises de forme et de fond. À défaut de respecter ces conditions, l'employeur ne peut pas utiliser un enregistrement vidéo pour justifier un licenciement. C'est ce que vient de rappeler la Cour de cassation dans une affaire de vol pourtant reconnu par la salariée fautive.

Publié le 09 septembre 2019 à 17:40

 

  • Les faits

Une salariée travaillait dans un restaurant où quatre caméras de surveillance avaient été installées par l’employeur. Leur présence était signalée par une affiche à l’entrée du restaurant afin de prévenir les clients. Les caméras avaient filmé la salariée servant des consommations sans les taper à la caisse et mettant l’argent à côté de celle-ci pour ensuite le déposer dans son vestiaire. L’employeur, se fondant sur ces enregistrements, avait alors licencié la salariée pour faute grave (privatif de l’indemnité de licenciement et de l’indemnité de préavis). Il avait également porté plainte. Devant les gendarmes, la salariée confrontée aux images de la vidéosurveillance, avait reconnu le vol et fait l’objet d’un rappel à la loi. Elle avait ensuite contesté son licenciement devant le conseil de prud’hommes. Le licenciement a été considéré sans cause réelle et sérieuse par le conseil de prud’hommes et la cour d’appel, approuvés par la Cour de cassation. 

En effet, la salariée contestait avoir eu connaissance de la présence de ce système de surveillance au sein du restaurant. Bien que l’employeur communiquait des attestations de salariés indiquant avoir été informés du dispositif de vidéosurveillance, les juges ont considéré que ces témoignages étaient insuffisants à démontrer que la salariée avait été informée de l’existence du système de vidéosurveillance. Dans ces conditions, ce dernier constituait donc un moyen de preuve illicite et les juges ont considéré que la reconnaissance des faits par la salariée devant les gendarmes, basée elle aussi sur les images filmées, ne pouvait être légalement retenue comme un mode de preuve.

La salariée - qui a avait parallèlement reconnu son vol - a donc obtenu des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, le règlement d’une indemnité de licenciement et d’une indemnité compensatrice de préavis ainsi que des dommages et intérêts au titre de la surveillance illicite par le système de vidéosurveillance, soit une somme dépassant les 10 000€ à la charge de l’entreprise.

 

Ce qu’il faut retenir

Avant de licencier pour faute en vous appuyant sur une vidéo de votre système de vidéosurveillance, assurez-vous d’avoir informé vos salariés de l’existence et de l’utilisation de ce système dans votre établissement. 

En effet, l’installation sur un lieu de travail d’un système de vidéosurveillance captant et conservant l’image sur un support numérique constitue un traitement automatisé de données personnelles soumis en tant que tel à la loi Informatique et libertés et au RGPD (règlement général de protection des données). 

En tant que tel, la vidéosurveillance est strictement encadrée et doit notamment obéir aux règles suivantes : 

- un contrôle légitime et proportionné au but recherché (par exemple, des caméras peuvent être disposées dans certaines parties d’un lieu de travail à des fins de sécurité des biens et des personnes, à titre dissuasif ou pour identifier les auteurs de vols, de dégradations ou d’agressions) ;

- une déclaration du contrôle à la Cnil pour les dispositifs mis en places avant le 25 mai 2018. Depuis cette date, l’employeur doit procéder à une analyse préalable d’impact des données (AIPD) et inscrire son dispositif de vidéosurveillance dans le registre de traitements des donnés qu’il doit tenir. Si les caméras filment des lieux ouverts au public (espaces d’entrée et de sortie du public, zones marchandes, comptoirs, caisses), le dispositif doit en plus, être autorisé par le préfet du département.

- une information des salariés de la vidéosurveillance, de son objet, des catégories de personnes filmés, les destinataires des images, leur durée de conservation…

Le code du travail rappelle encore qu’aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été porté préalablement à sa connaissance. (article L1222-4 du code du travail)

C’est précisément cette règle que rappelle la Cour de cassation dans cette affaire en jugeant que l’employeur n’avait pas porté à la connaissance de la salariée qu’elle pouvait être filmée.

Les sanctions sont particulièrement lourdes puisque l’employeur peut être condamné à verser des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et ceci même s’il surprend le salarié ‘la main dans le sac’ ! Il commet également une atteinte illicite aux droits du salarié pouvant donner droit à des dommages et intérêts.

Il convient d’être particulièrement vigilant sur la preuve de cette formalité d’information dans la mesure où cet arrêt considère insuffisant les témoignages de collègues ne rapportant pas la date d’information du dispositif de vidéosurveillance. 

 

Comment l’employeur peut-il remplir son obligation d’information des salariés ? 

Au moyen d’une charte informatique, d’un règlement intérieur ou d’une note de service ou encore en insérant une mention dans le contrat de travail (soit au moment de l’embauche, soit par avenant au contrat de travail).

Les hôteliers et restaurateurs doivent donc être particulièrement vigilants s’agissant de l’utilisation de caméras de surveillance et se faire conseiller pour que leur utilisation soit conforme à la loi.

 

Source : Cass. Soc. 20 septembre 2018 n° 16-26482

 

vidéosurveillance RGPD #cnil# vidéo


Publié par Aurélien Ascher, avocat avec Tiphaine Beausseron



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