Ça vous est arrivé : endetté par la faute de son banquier

Luzé (37) Un an après l'ouverture de son restaurant, Jérôme Devienne vient de mettre la clé sous la porte, faute de pouvoir payer ses échéances. Marié et père de deux enfants, il vit désormais du RSA et des colis de nourriture de la Croix-Rouge.

Publié le 13 avril 2016 à 12:15
Au départ, le scénario était idyllique. "J'ai répondu à une annonce de SOS Villages, sur TF1, qui proposait de reprendre le seul restaurant de Luzé, un village de 300 habitants situé à une cinquantaine de kilomètres de Tours", raconte Jérôme Devienne. C'était en 2013. À l'époque, ce restaurateur qui venait de quitter le Maroc, où il avait tenu une auberge pendant dix-sept ans, cherchait à redémarrer une affaire du côté du Mans (Sarthe). Finalement, ce sera en Touraine. "Hasard de la vie : la maire de Luzé connaissait mon restaurant à Agadir", poursuit Jérôme Devienne. Son dossier passe néanmoins par le biais d'une commission. Celle-ci délibère en deux semaines et lui accorde son feu vert pour ouvrir son établissement, baptisé Aux Petits Oignons. Quasiment sans fonds propres, il emprunte 40 000 €.

"Tout se passe bien, reprend-il. J'ouvre le restaurant, je trouve ma clientèle, avec menu ouvrier au déjeuner et couscous le vendredi soir." Mais lorsqu'il demande une autorisation de découvert de 4 000 € à sa banque "pour payer [s]es fournisseurs", on la lui refuse. C'est le début de la fin. L'engrenage. Son compte est dans le rouge et les frais bancaires s'accumulent : "300 € un mois, 500 € le suivant, jusqu'à 2 000 € un autre mois… En moins d'un an, j'ai eu 10 000 € de frais bancaires à rembourser." Mission impossible pour ce père de famille, qui avait en outre un salarié à payer.

Impasse

"Pendant l'été, alors que mon conseiller bancaire était en vacances, j'ai reçu un courrier du siège parisien de la banque dans lequel on m'expliquait que j'avais bien droit à un découvert de 4 000 €", explique le restaurateur. Sauf qu'il est trop tard. Entre la banque et lui, c'est l'impasse. Il demande à être remboursé de ses frais, on lui dit non. Il réclame des dommages intérêts et hausse le ton, il récolte une comparution devant le tribunal correctionnel de Tours pour propos diffamatoires et injurieux. Celle-ci sera classée sans suite. Il n'en demeure pas moins que Jérôme Devienne est contraint de cesser son activité et fermer son restaurant. "Dans un premier temps, j'ai essayé de le revendre, pour éviter la liquidation judiciaire", confie-t-il. Mais celle-ci a été prononcée le 5 mai dernier : une partie de ses dettes vont être épongées, mais aucune indemnité ne lui sera versée. "Aujourd'hui, je suis bloqué, s'inquiète Jérôme Devienne. Si je me remets à travailler, l'Urssaf - à laquelle je dois 6 000 € - va me saisir mes salaires". Alors, il "survit" : "Je touche 795 € par mois du RSA et pour améliorer le quotidien de ma femme et de mes deux enfants, âgés de 3 ans et demi et 5 ans et demi, j'ai vendu ma voiture neuve pour en acheter une qui a vingt ans. Par ailleurs, je revends la vaisselle du restaurant et je vais chercher de quoi manger à la Croix-Rouge de Chinon. C'est la misère."

"Le 25 du mois, il me reste moins de 5 € en poche"

"Aujourd'hui, je suis cassé. Je ne dors plus. Je n'ai pas trop le moral, reconnaît-il. Je touche le RSA le 5 du mois et le 25, il me reste moins de 5 € en poche. Avec ma femme et mes enfants, nous habitons toujours au-dessus du restaurant, mais on nous a tout coupé et nous allons bientôt devoir quitter cet appartement."Son avocat, qui le soutient gratuitement, continue de se mobiliser. À l'instar de Jérôme Devienne qui distribue des tracts incendiaires contre sa banque devant les agences de Richelieu, Chinon, Tours, Châtellerault et même Rennes. "Si on peut me donner un coup de main pour retravailler dans une autre région, je suis preneur. Ensuite, je quitterai la France, car ici, entre les normes à n'en plus finir, la comptabilité et l'incompréhension des banques, tout est trop compliqué."

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Publié par Anne EVEILLARD



Commentaires
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soho

jeudi 21 mai 2015

La lenteur des banques et administrations sont de véritables freins à l'entreprenariat .Encore un constat !
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hamilton

vendredi 22 mai 2015

J'ouvre un restaurant gastronomique à Sablé sur Sarthe - nous pouvons discuter si vous voulez. Envoyez-moi un message à partir du site lequilisma.fr Bon courage à vous !
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ycinotti

vendredi 22 mai 2015

Une histoire exemplaire qui change des habituels reportages qui parlent trop souvent de la restauration gastronomique qui ne représente qu'une part infime du secteur.
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Agopig

vendredi 22 mai 2015

Une histoire qui parle à tous les restaurateurs de France !
En synthèse, la banque, comme d'habitude, n'a pris aucun risque; elle prête avec toutes les garanties possibles, même pour une somme dérisoire.
La France aurait intérêt à se pencher sur le sujet car au final, c'est un salarié au chômage (un emploi détruit) et un entrepreneur qui vit (survit) avec des allocations (RSA) car le système l'empêche de retravailler et donc ne cotise plus...
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jerome

vendredi 22 mai 2015

La Banque Populaire de Richelieu est responsable de
cette situation.Je tiens a préciser que le directeur
de cette agence est parti suite a cette affaire car il m'avait caché mon autorisation de découvert accordée depuis un an par le siége de Tours dans le seul but de me ponctionner des frais non justifiés.
Merci encore au journal d'avoir relaté mon problème
et aux soutiens de ses lecteurs.Cordialement Jérome ex
patron des petits oignons Luzé 09 67 25 24 66
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soho

vendredi 22 mai 2015

Et c'est pas attaquable ça ?
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MARIE

vendredi 22 mai 2015

Tout employeur doit répondre en responsabilité des actes commis par ses salariés (qu'il s'agisse d'actes intentionnels ou d'erreurs). Autrement dit, la Banque est responsable de la malversation de son agent. Et vous êtes en droit d'obtenir des D.I. pour réparation du préjudice matériel subi + préjudice moral (conséquences sur vous-même et votre famille).
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soho

vendredi 22 mai 2015

Voilà qui me rassure,avocats lecteurs venaient en aide à Jérome SVP !
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JOELLE

mardi 26 mai 2015

Nous sommes des milliers de petits patrons et nous savons tous que nous avons besoin d'un minimum de trésorerie pour commencer et faire face à l'imprévu.Alors je suis vraiment étonnée:tout le monde sait que les charges sont plus élevées en France qu'au Maroc;que le personnel coute plus cher ,etc...Peut ètre qu'un mi temps ou qq.heures auraient suffi plutot qu'un plein temps.Mais surtout j'ai du mal à comprendre comment on peut démarrer une affaire sans fonds propre;ce qui n'enlève rien au manque d'humanité des banques.Et mème si le RSA n'est pas la panacée,beaucoup de petits entrepreneurs dans le monde s'en contenteraient.
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lucnath

jeudi 4 juin 2015

je suis de tout coeur avec Mr Devienne. Cela fait un an que je demande où en est l'autorisation de découvert mais le banquier m'a simplement répondu, dernièrement, qu'il y avait 3 mois de Retard dans leur paperasse.Je pense que personne n'ose dire les choses franchement et que nous avons peur de la risée des autres (pour certains qui pensent: tant mieux je vais récupérer la clientèle).J'entends partout les gens se plaindre et surtout les petits commerces de proximité. Mais tant que nous ne serons pas unis les uns, les autres nous n'avancerons pas!
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MARIE

vendredi 5 juin 2015

lucnath vous avez parfaitement raison : le manque d'unité et solidarité de notre corporation est triste à mourir. Avec des réflexions comme celle que vous évoquez 'tant mieux je vais récupérer la clientèle', la profession s'est auto-flagellée. Côté hébergement, elle a fait le lit de Booking (qui massacre les petits et fait le ménage dans le paysage). Pendant très longtemps personne ne s'est attaqué à la question, certains allant même jusqu'à qualifier cet ogre de 'partenaire''.
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Juliette idf

mardi 9 juin 2015

Ce qui arrive M. Devienne j'aurai subi la même chose sans la famille. Quand vous effectuez un parcours de création vous pensez tout savoir : les règles d'hygiène, la comptabilité, l'urssaf... mais quand vous votre société est créée là vous vous apercevez que vous ne saviez pas tout et les factures commencent à tomber avant même d'avoir une clientèle autre que des curieux. La charge des petites entreprises est trop lourde. J'entends dans les médias que les entreprises gagnent bien leur vie par des gens qui travaillent 6 à 9h par jour ; nous c'est 16 à 19h pour gagner un petit salaire quand c'est possible. En attendant, nous employons, payons urssaf, rsi, mutuelle salariés, sacem, spre, assurances, entretiens des matériels de travail... et maintenant les sociétés de réservation en ligne et il arrive même que votre client vous 'mais c'est cher'. Quand au bout du rouleau vous arrêtez, vous le dernier des m..... à pole emploi on vous dit 'vous étiez patron'. A quand se créer un réseau solidaire pour ne pas être seul et l'Etat puisse au moins étudier le dossier de ceux qui ferment et éventuellement leur venir en aide. Nous payons pour beaucoup et pourquoi pas pour un des nôtres. Merci à l'Hôtellerie.
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MARIE

mardi 9 juin 2015

et ce qui fait mal, en plus de tous les obstacles que nous subissons, c'est le manque de respect et de considération pour notre personne, notre statut de 'PATRON'... Quel est le gouvernant qui osera le dire : PETIT PATRON = LARBIN , NOUVELLE RACE D ESCLAVES !

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