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du 11 septembre 2003
DOSSIER TVA

Entretien avec Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux Affaires européennes

"LE GOUVERNEMENT MAINTIENT PLUS QUE JAMAIS SON ENGAGEMENT SUR LA BAISSE DE LA TVA"

C'est à Noëlle Lenoir que fut confié par Jean-Pierre Raffarin, la responsabilité de mener à bien, auprès des instances européennes, le dossier de la baisse de la TVA. Un dossier particulièrement sensible pour ce gouvernement puisqu'il relève d'un engagement électoral du président de la République. Quinze mois de négociations qui ont permis à la France de faire inscrire sur le projet de directive TVA, la restauration dans la liste H...

Propos recueillis par P. Carbillet

L'Hôtellerie : Face au déficit budgétaire et au recul de la croissance en France, le dossier de la baisse de la TVA sur la restauration reste-t-il toujours une priorité pour le gouvernement ?
Noëlle Lenoir : Le gouvernement maintient plus que jamais son engagement sur ce dossier. Le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin l'a d'ailleurs rappelé la semaine dernière lors de sa visite à Bruxelles, ainsi que Renaud Dutreil à Berlin, où il est allé rencontrer Karl Diller, secrétaire d'Etat parlementaire au ministère fédéral des Finances, dans le seul but de réaffirmer l'importance du dossier pour le gouvernement français.

L'Hôtellerie : Où en est le dossier de la baisse de TVA en restauration ?
Noëlle Lenoir : Nous avons fait beaucoup de chemin et nous avons considérablement fait évoluer les positions de nos partenaires européens sur ce dossier depuis un an. Aujourd'hui, il nous reste encore deux partenaires à convaincre, l'Allemagne et le Danemark. Nous avons eu plusieurs atouts pour les convaincre de notre sérieux et de notre engagement : en France, la baisse de la TVA pour le secteur de la rénovation d'immeubles a été un succès en matière d'emplois. On estime à 40 000 le nombre d'emplois créés. Forts de cette expérience, nous avons convaincu une grande majorité de nos partenaires, d'autant que la profession des restaurateurs a joué le jeu en prenant des engagements en matière d'augmentation de salaires, en matière de création d'emplois, d'investissements et de baisse des prix en contrepartie de cette baisse de TVA.

L'Hôtellerie : Il ne reste plus aujourd'hui que deux opposants à l'inscription de la restauration sur la liste H, permettant ainsi l'application du taux réduit à la restauration. Au début de l'été, ils étaient encore 6 à être hostiles à cette réforme. Pourquoi un tel renversement de position ?
Noëlle Lenoir : Aujourd'hui, nous avons deux opposants à la baisse de TVA dans le secteur de la restauration. Le Danemark, qui applique un taux unique de 25 %, et l'Allemagne qui craint une demande reconventionnelle de la part de ses restaurateurs. En effet, l'Allemagne, qui applique le taux normal de TVA à 16 % à la restauration, a peur qu'en donnant la possibilité à ce secteur de bénéficier d'un taux de TVA réduit, les restaurateurs outre-Rhin, à leur tour, ne demandent à bénéficier eux aussi du taux de TVA réduit qui est à 7 % chez eux.
Concernant l'Irlande et le Royaume-Uni, ils ne sont pas opposés à une TVA réduite pour la restauration, mais ils réagissent en opposition à la proposition de directive TVA de la Commission parce qu'elle vise à supprimer le taux zéro qu'ils appliquent aux vêtements d'enfants. Le problème se situe donc autre part. Quant au Pays-Bas, qui étaient opposés à l'inscription de la restauration sur la liste H, ils sont aujourd'hui beaucoup plus ouverts sur le sujet, du fait de la force de conviction du commissaire européen en charge de la fiscalité, Frits Bolkenstein.

L'Hôtellerie : Comment doit être adopté le texte proposé par la commission ?
Noëlle Lenoir : La proposition de directive doit être votée à l'unanimité par les 15 ministres des Finances qui composent le Conseil Ecofin, et celle-ci doit être votée dans son intégralité. Avec Francis Mer, nous prévoyons donc un vote le 16 décembre prochain, tenant compte du fait que nous avons encore 3 réunions avant cette date pour mettre au point, ensemble, nos positions et modifier éventuellement le projet de directive en fonction de nos discussions. C'est sur le texte final, après discussions, que le vote se fera.

L'Hôtellerie : Comment avez-vous pu obtenir l'inscription de la restauration dans la liste H,
alors que le rapport de la Commission n'était pas favorable à la mesure de baisse de TVA pour améliorer la situation de l'emploi ?

Noëlle Lenoir : C'est notre argumentation qui a convaincu la Commission. Notre premier argument est un argument politique : cette mesure était un engagement électoral du président de la République. Nous avons évoqué la fonction identitaire de la restauration en France. Qu'elle soit étoilée ou plus simplement présentant les produits de nos régions, elle est un élément important de notre patrimoine. Nous sommes la première destination touristique mondiale, et, avec Léon Bertrand, nous comptons bien le rester ; la restauration est un élément important dans cette compétition internationale.
Notre second argument concerne l'emploi. Nous avons rappelé que, dans le cadre de l'expérience de l'application d'un taux de TVA réduit pour les activités à forte densité de main-d'œuvre, la France avait demandé à ce que le secteur de la rénovation d'immeubles bénéficie de cette mesure. Nous avons pu montrer combien notre choix était judicieux. L'expérience a été concluante, nous avons créé 40 000 emplois et sauvé ainsi un secteur d'activité qui était très mal en point.
Notre troisième argument a été celui retenu par la Commission : nous avons mis en avant le fait qu'aujourd'hui, 8 Etats sur 15, soit plus de la moitié, bénéficiaient déjà de l'application d'un taux de TVA réduit, et qu'il n'y avait pas de raison que l'on prive les autres Etats de cette possibilité, d'autant que cela n'entraînerait pas de distorsions de concurrence.
Ajoutons à cela le fait que les déclarations solennelles de la profession en contrepartie de cette baisse de TVA ont eu leur importance pour convaincre le commissaire Frits Bolkenstein. Des engagements écrits qui figurent dans le mémorandum et qui ont été transmis par le gouvernement français à ses homologues européens.

L'Hôtellerie : Quelles garanties avez-vous de la profession pour qu'elle respecte ses engagements ?
Noëlle Lenoir : C'est pour moi un contrat moral, je considère que la profession s'est engagée par écrit dans le mémorandum. C'est ce qui a d'ailleurs influencé Frits Bolkenstein, le commissaire européen en charge de la fiscalité. Il faut jouer la transparence des deux côtés. On ne peut parler de dialogue social sans parler avec les syndicats, et si l'on travaille avec eux, il faut leur faire confiance, sinon cela ne sert à rien. Les professionnels ont intérêt à respecter leurs engagements. Nous ferons un bilan au bout de 2 ans, les chiffres parleront d'eux-mêmes. Si cette expérience n'est pas concluante, si le secteur ne sait pas profiter de cette opportunité pour créer des emplois, se moderniser, pour améliorer les conditions de vie et de salaire du personnel, il n'est pas exclu que le gouvernement envisage la remise en cause de la baisse de la TVA sur la restauration. C'est un pari sur l'avenir que nous faisons, nous y croyons. zzz66f

Les dates-clés de la ministre déléguée sur le dossier de la baisse de TVA en restauration

w 18 juin 2002
Entrée en fonction de la ministre.
w 11 juillet 2002
Jean-Pierre Raffarin demande à la ministre de convaincre les partenaires européens sur ce dossier, en présence du président de l'Umih.
w Juillet 2002 à juillet 2003
Démarches auprès de la Commission et de nos 14 partenaires européens.
w 30 septembre 2002
Entretien avec Frits Bolkenstein, commissaire européen en charge de la fiscalité, pendant lequel il s'engage à regarder la demande de la France avec bienveillance.
w 21 janvier 2003
Le gouvernement français adresse un mémorandum qui fixe ses positions en faveur d'un taux de TVA réduit dans la restauration, ainsi que les engagements des professionnels en contrepartie de cette baisse de TVA.
w 3 mars 2003
Frits Bolkenstein annonce à la ministre déléguée qu'il proposera d'inclure la restauration dans l'annexe H.
w 16 juillet 2003
La Commission publie une proposition qui inclut la restauration dans l'annexe H.
w 18 septembre 2003
Conseil des ministres franco-allemand.

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