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du 11 septembre 2003
DOSSIER TVA

Baisse de la TVA : l'enquête

AUGMENTATION DES SALAIRES CONTRE BAISSE DES PRIX

Si le niveau de la TVA était réduit dans la restauration sur place, quelles seraient les intentions des restaurateurs pour l'utilisation de cette 'cagnotte' tant espérée ? Après avoir réalisé un premier sondage auprès des restaurateurs en juin 2002, Coach Omnium vient d'effectuer une seconde enquête en août 2003 pour L'Hôtellerie, destinée à mesurer les évolutions dans les projets des professionnels.

Ce deuxième sondage auprès des restaurateurs français montre à la fois une constance par rapport à l'enquête de 2002 et des différences marquantes. Sur le premier point, c'est sans surprise que l'on constate que 97,3 % des patrons de restaurants interrogés par Coach Omnium se montrent favorables à la baisse de la TVA en restauration. En revanche, durant les 14 mois qui ont séparé ces deux sondages, quelques tendances frappent les esprits. En premier, les restaurateurs sont toujours autant préoccupés par la revalorisation des salaires de leurs employés et l'embauche de personnel supplémentaire. Un restaurateur sur deux se dit mobilisé sur ces thèmes. Les professionnels sont plus que jamais conscients des faibles rémunérations du métier et sont nombreux (72 %) à penser que cette situation ne peut plus durer. Ils savent aussi que rehausser les salaires (limité hypothétiquement de 5 à 10 %) ne sera pas suffisant pour fidéliser le personnel et faciliter les recrutements. Même si cela aurait été un bon début.

Les intentions des restaurateurs si la TVA devait baisser Pourcentage des restaurateurs interrogés

Plusieurs réponses possibles + 100 %
Périodes de sondages = > Juin 2002 Août 2003
1 Augmenter les salaires 51 % 53,5 % ±
2 Embaucher 48,3 % 49,2 % ±
3 Améliorer la marge 30,7 % 41,5 %
4 Réinvestir ou rééquiper l'établissement 11,7 % 26,6 %
5 Baisser les prix 40,3 % 23,3 %
6 NSP 5,8 % 4 %
Sondage TVA restauration - L'Hôtellerie/Coach Omnium - Août 2003
NSP : Ne sait pas.

La baisse des prix n'est plus d'actualité
En revanche, parmi les grands changements de cap, comparé au sondage de juin 2002, les restaurateurs sont presque deux fois moins nombreux à envisager de baisser leurs prix, si la TVA devait être réduite. A échantillons comparables, ils étaient il y a un an 40 % à penser à réduire leurs tarifs sur leurs menus, contre seulement 23 % cette année. Parmi eux, pour l'enquête 2002 comme pour celle de 2003, seulement 7 % projetteraient de répercuter intégralement la baisse de la TVA sur leurs prix. Autrement dit, le consommateur ne ressentira pratiquement rien de la détaxation, si elle a lieu, sur ses futures additions au restaurant. A noter que les exploitants qui sont les plus nombreux à envisager la baisse des prix correspondent aux établissements aux tickets moyens les plus élevés et à ceux qui emploient le plus de personnel. Ils sont également davantage situés dans des grandes villes, où la pression concurrentielle est certes la plus forte. Les chaînes de restauration sont également de ceux qui envisagent le plus fortement une correction tarifaire sur leur menu. Mais ce sont aussi les établissements les plus gros en chiffre d'affaires et en nombre d'employés.

Renforcer les marges
Parallèlement, améliorer la marge bénéficiaire du restaurant et réinvestir dans les équipements, surtout pour moderniser son offre, sont des déclarations en forte augmentation en 2003. 30,7 % de restaurateurs pensaient à renforcer leur marge en 2002 contre 41,5 % actuellement. D'ailleurs, il ne faut pas fatalement considérer le reversement d'une partie de la TVA dans la marge bénéficiaire comme une façon pour le patron de vouloir prendre la part du lion : "Depuis plus d'un an, je ne me paie plus pour pouvoir honorer les charges d'exploitation et les salaires de mes collaborateurs, car mon chiffre d'affaires stagne. La baisse de la TVA me permettra de retrouver un minimum de rémunération", explique un restaurateur de Nantes. Pour d'autres, le différentiel récupéré, vu comme 'une bouffée d'air pur', servirait au moins à améliorer la trésorerie de leur affaire. Pour la plupart des restaurateurs, le panachage est de règle entre plusieurs solutions destinées à tirer parti de cette manne tant attendue : embaucher, améliorer les salaires, réinvestir. Si on parle moins qu'en 2002 de faire profiter à ses clients de la baisse de la TVA, c'est d'une part que les restaurateurs ont eu largement le temps d'y réfléchir depuis que l'on médiatise le sujet. D'autre part, l'inquiétude est de mise face à l'effritement de l'économie, à la grisaille morale ambiante et aux divers événements imprévisibles qui alarment le secteur. Pourtant, la situation conjoncturelle apparaît en légère amélioration par rapport à l'année dernière (+ 1,9 % de couverts servis au cumul à fin juin et + 1,2 % de ticket moyen, selon le baromètre L'Hôtellerie/Coach Omnium).

Les intentions des restaurateurs si la TVA devait baisser Pourcentage des restaurateurs interrogés

Août 2003 (100 %) Reversement intégral Reversement partiel NSP
Baisser les prix 7 % 90 % 3 %
Améliorer la marge 22 % 76 % 2 %
Augmenter les salaires 16 % 82 % 2 %
Embaucher 20 % 79 % 1 %
Réinvestir 14 % 86 % -
Sondage TVA restauration - L'Hôtellerie/Coach Omnium - Août 2003

Rébellion face aux consignes données
En un an, les restaurateurs ont beaucoup entendu les syndicats professionnels, les pouvoirs publics et les médias se relayer pour parler de la réduction possible du taux de la TVA en restauration. Paradoxalement, les patrons interrogés paraissent s'éloigner de plus en plus des directives qui leur sont données pour répercuter le différentiel de taxe. La forte médiatisation sur le sujet semble avoir eu pour conséquence de créer une sorte de rejet de la part des 'exploitants de base', dont la plupart n'adhèrent pas à l'idée d'un consensus. Plus probablement, ces derniers sont-ils simplement plus à même de juger de ce dont ils ont besoin en priorité dans leur exploitation. Ce qui leur permettra de sauver leur entreprise, et par là même de nombreux emplois, eux-seuls le savent aujourd'hui et ils aimeraient beaucoup qu'on les laisse décider des choix qu'ils feront. Du coup, récupérer ce cadeau fiscal servira à régler des problèmes immédiats, même si au départ ce cadeau-là était destiné légitimement et avant tout aux consommateurs, puisqu'il s'agit d'une taxe sur la consommation. Mais, tout le monde s'accorde à dire que ces derniers récupéreraient au minimum un bénéfice indirect si les restaurateurs parvenaient à améliorer la qualité du service par davantage de moyens. Sinon, elle permettrait au moins de geler les tarifs sur les cartes. Dans tous les cas, les restaurateurs sont aujourd'hui persuadés qu'abaisser leurs prix ne dopera pas les ventes de façon durable. Que cela serait la fausse bonne idée. D'autant que le consommateur n'a pas la mémoire des cadeaux qu'on lui fait et ne s'en sent généralement pas redevable.

Les intentions des restaurateurs si la TVA devait baisser
Pourcentage des restaurateurs interrogés selon les tickets moyens

Plusieurs réponses possibles + 100 %
Selon le ticket moyen TTC De 10 à 19 e De 20 à 30 e Plus de 30 e
Baisser les prix 20 % 22,7 % 27,4 %
Améliorer la marge 40 % 38,2 % 47,4 %
Augmenter les salaires 41,1 % 57,3 % 62,1 %
Embaucher 49,5 % 45,5 % 53,7 %
Réinvestir 22,1 % 34,5 % 22,1 %
Sondage TVA restauration - L'Hôtellerie/Coach Omnium - Août 2003

Réduire les charges sur les salaires
Si la grande majorité des patrons de restaurants interrogés par Coach Omnium est bien sûr favorable à une baisse de la TVA, plus d'un tiers d'entre eux pense qu'il y a d'autres véritables nécessités pour la profession, qui semblent aujourd'hui délaissées ou maltraitées. Réduire les niveaux de prélèvements obligatoires, compresser le coût des charges sociales (comme les professionnels l'ont obtenu aux Antilles, par exemple) et parvenir à revaloriser les métiers de la restauration auprès des jeunes et du grand public semblent être une attente profonde chez les professionnels. Quoi qu'il en soit, si la TVA devait baisser en restauration, les restaurateurs savent que la partie sera rude. Ils pensent qu'ils seraient placés entre le marteau de l'opinion et l'enclume de leurs propres aspirations s'ils ne répercutaient pas de manière voyante sur leurs prix les conséquences de la diminution fiscale. Parallèlement, même si elle se présente comme un avènement heureux, les restaurateurs pensent que la détaxation partielle ne changera en rien leur activité commerciale et ne résoudra pas la cruelle pénurie de personnel qu'ils vivent. Cette enquête a le mérite de mesurer les tendances dans les intentions des restaurateurs. Nous verrons en temps utile s'il existe un décalage entre les projets et les actes.
M. Watkins

Méthodologie : Coach Omnium a interrogé par téléphone durant la deuxième quinzaine d'août 2003, 381 restaurateurs avec service à table. L'échantillon est qualifié selon la méthode des quotas.

Les intentions des restaurateurs si la TVA devait baisser
Pourcentage des restaurateurs interrogés selon le nombre de personnes employées (*)

Plusieurs réponses possibles + 100 %
Nombre d'employés/rest. De 1 à 5 De 6 à 10 Plus de 10
Baisser les prix 15,9 % 27 % 28,6 %
Améliorer la marge 39,8 % 40,5 % 45,5 %
Augmenter les salaires 35,4 % 61,3 % 68,8 %
Embaucher 50,4 % 46,8 % 50,6 %
Réinvestir 23,9 % 29,7 % 26 %
Sondage TVA restauration - L'Hôtellerie/Coach Omnium - Août 2003
(*) Salariés et non-salariés, apprentis

Trouver du personnel
La cagnotte que les restaurateurs récupéreraient si le taux de TVA baissait pourrait-elle créer de l'emploi ? Si le pari de créer 40 000 emplois en 18 mois que font les pouvoirs publics et les instances professionnelles paraît séduisant - alors que le secteur manquerait de plus du double de main-d'œuvre -, la réalité semble bien contrarier une telle perspective. En premier,
il faut se souvenir que 85 % des restaurants français sont des micro-entreprises qui emploient de 0 à 3 salariés en équivalence temps plein (seulement 7,9 % ont plus de 10 salariés). La plupart des exploitants se sont organisés avec une équipe réduite qu'ils n'envisagent pas d'agrandir significativement, sinon avec des apprentis, ou ponctuellement avec des stagiaires ou des extras. De plus en plus de patrons décident même actuellement d'augmenter la durée de fermeture hebdomadaire ou annuelle de leur établissement, plutôt que d'embaucher. C'est un moyen de régler en partie la mise en place de la RTT, mais aussi de s'agrémenter une meilleure qualité de vie. Ou encore parce que le Code du travail est jugé trop contraignant en France et n'encourage pas à s'adjoindre de nouveaux collaborateurs. "On préfère éviter l'embauche dans une activité imprévisible et aléatoire, où l'on gagne moins bien sa vie que par le passé. Tout le monde commence à se débrouiller autrement et chacun met la main à la pâte, le patron en premier", admet Pierre Dolcher, restaurateur alsacien. Pourtant, la baisse de la TVA, si elle intervenait, permettrait en pratique à la majorité des restaurateurs de créer au moins un emploi par la récupération d'au moins 25 000 euros par an, calculés sur la base du chiffre d'affaires moyen des restaurants indépendants. Mais embaucher est rarement un choix prioritaire pour les petites unités, qui sont majoritaires : seulement 22 % y pensent, ce qui ne dit pas qu'ils acteront dans ce sens le jour venu. Les patrons sont plus préoccupés à trouver de bons collaborateurs que d'élargir leur équipe. "On a été obligé de licencier car on payait trop de charges. La TVA réduite nous permettrait de retrouver notre équipe initiale", explique un restaurateur parisien.

Un manque d'attractivité...
Au-delà des intentions d'embauche, la véritable impasse dans laquelle se trouvent les restaurateurs reste la pénurie de main-d'œuvre qui vient contrecarrer leurs projets. Proposer des emplois ne sert à rien s'il n'y a pas de candidats en quantité et en qualité pour les occuper. Or, la restauration ne fait plus le plein depuis longtemps en matière de recrutement. Et quand les exploitants trouvent des collaborateurs, ils sont très souvent déçus. Hormis des travailleurs immigrés venus de pays défavorisés pour qui le métier offre aujourd'hui quelques chances de vie meilleure, les salariés boudent les métiers de la restauration. Dans un secteur qui emploie plus de 42 % de smicards, et seulement 9 % de cadres contre 18 % dans les services, l'offre ne se montre pas spécialement attractive. Même les niveaux de pourboire sont en chute libre. Ajoutés à cela certaines servitudes, des horaires en coupure, décalés et souvent lourds, la rudesse du métier, et l'on obtient une profession en grande difficulté en termes de main-d'œuvre, tant elle manque de bras et de sourires pour servir les clients. Et ces derniers ont la dent dure : plus d'un consommateur sur deux (52 %) juge que le personnel n'est pas professionnel dans les restaurants français, selon une étude de Coach Omnium. Il est clair qu'il faudrait un violent électrochoc pour inverser la tendance, et on ne sait pas bien par quel bout prendre le problème. Enfin, les débats sur la baisse du taux de TVA en restauration sont venus révéler soudainement à l'opinion une image dure de la profession. Aussi est-il urgent que le soufflé retombe et que les difficultés que mettent en avant les restaurateurs pour justifier de la baisse de la TVA, ne fasse plus la une de la presse grand public...

La baisse de la TVA peut-elle augmenter la demande ?
Se servirait-on de cette affirmation pour convaincre du bien-fondé que serait la baisse de la TVA en restauration ou est-ce un miroir aux alouettes ? Il est sûr que la détaxation partielle en restauration ne fera pas se ruer les foules dans les restaurants du jour au lendemain. C'est ce que croient 86 % des restaurateurs interrogés par Coach Omnium. Tout juste pourrait-il y avoir un effet de curiosité si la profession ou les chaînes de restauration voulaient alléger leurs prix (le Club TVA s'engage pour que ses adhérents réduisent leurs prix de 5 %). Mais tout porte à croire qu'il ne s'agirait que d'un feu de paille, à effet non durable garanti. Quoi qu'il en soit, l'étude L'Hôtellerie/Coach Omnium confirme que seulement 7 % des restaurateurs auraient l'intention d'appliquer l'intégralité de la diminution fiscale sur leurs tarifs. L'effet sera donc invisible sur les additions pour la quasi-totalité de la clientèle en restauration.

Le prix a une faible influence sur la consommation
Par ailleurs, si la TVA était maintenue à 19,6 % sur les vins, les clients de restaurants, dont 52 % trouvent déjà que les tarifs des bouteilles sont trop élevés, amoindriraient sans doute encore davantage leur consommation 'bacchusienne'. Si les Français prennent de plus en plus de repas hors foyer, soit en moyenne 2,9 repas par semaine contre 1,9 en 1969, ils fréquentent moins les restaurants. Ils optent pour d'autres formes de restauration parallèle qui s'offrent à eux ici et là, en fonction de leurs envies et de leurs contraintes. Quant au prix, c'est un critère que seuls 28 % des consommateurs disent prendre en compte, parfois ou régulièrement, pour choisir un restaurant. Il ne faut pas perdre de vue que le client compose lui-même ses repas et qu'il sait échapper par ce moyen aux additions trop salées. Du coup, ce ne sont pas quelques centimes d'euros déduits par plat qui le motiveront à pousser plus facilement les portes des restaurants. Et puis on ne fait pas boire un âne qui n'a pas soif ! Une étude réalisée par Coach Omnium démontrait qu'en 12 ans, les prix des restaurants ont suivi bon an, mal an le niveau de l'inflation en France, tandis que les charges augmentent dans des proportions plus fortes d'année en année. Effet direct : les marges baissent mécaniquement fricotant de plus en plus souvent avec le niveau de 5 % des recettes. La baisse de la TVA serait donc considérée comme une simple roue de secours pour les exploitants en restauration. Bienfaitrice sans doute, mais sans plus.

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