Londres : capitale de la gastronomie durable ?

Qui l'eut cru. En deux décennies, la restauration londonienne a opéré un changement radical. Dès 1991, les propriétaires du pub "The eagle" constatent que la nourriture dans les pubs londoniens est souvent médiocre. Ils ont alors l'idée de proposer une cuisine aussi bonne que celle qu'ils avaient découverte en vacances au bord de la méditerranée. Ils servent une nourriture gastronomique avec des produits frais et une touche méditerranéenne. Le succès est tel que de nombreux pubs entament la même démarche et désormais la nourriture y est généralement de qualité. Mieux, conscients des enjeux sanitaires, climatiques et de la non durabilité de leurs approvisionnements, plusieurs d'entre eux se convertissent au local, au bio et au durable. Sous l'impulsion de la SRA (Sustainable Restaurant Association), le mouvement touche même toutes les formes de restauration.

Le pub The Three Stags

Son propriétaire soucieux de la biodiversité, est fier de sa ruche installée sur le toit de son pub qui produit un miel exquis. L'essentiel de ses approvisionnements se fait auprès de fournisseurs locaux. Par exemple, il s'approvisionne en poisson auprès d'un couple de petits pêcheurs basés en Cornouaille et il ne sert du poisson que lorsque la pêche le permet. Cet adepte du "fait maison, de saison" considère que c'est le chef qui doit être créatif et proposer des plats à partir de ce que les fermiers locaux peuvent lui fournir. Il apprécie de connaitre personnellement ses fournisseurs. Pour lui cela change tout. Il le fait par conviction, sans être sûr que ses clients y soient sensibles. Ses collaborateurs sont formés sur cette démarche dès leur arrivée dans l'établissement. Il souhaite qu'ils connaissent le menu et soient fiers des produits qu'ils servent. Membre de la SRA depuis quelques années, il apprécie les conseils que l'association dispense et le réseau de gens passionnés qu'elle constitue.

Le restaurant Grain Store

Créé par Bruno Loubet dans le quartier encore en chantier de King's Cross. Ce chef français, dirige également le bistrot réputé qui porte son nom dans l'hôtel The Zetter. Dans son nouveau concept, il change la perspective sur la façon de se nourrir. Il met en avant les légumes, la viande servant de garniture. Cette approche totalement originale, préfigure l'alimentation de demain où, dans un contexte de relocalisation, de productions durables, la viande sera chère et légumes seront rois. Àsa carte, la moitié de ses plats sont végétariens ou même vegan (sans aucune protéine d'origine animale) et la moitié des vins sont bios. Il suit de près ses consommations d'énergie avec l'objectif d'être neutre en carbone. À l'instar de plusieurs restaurants de Londres, il lutte contre le gaspillage et recycle tout ce qui peut l'être. Il ne travaille qu'avec des fournisseurs engagés dans une démarche durable. Et bien sûr implique son équipe dans sa démarche et favorise le tourisme vert. Il a été désigné par la SRA comme le "London Sustainable Restaurant of the Year".

The Duke of Cambridge

C'est le premier pub certifié bio d'Angleterre.  Il a été créé il y a 15 ans et propose des boissons et des repas bios. L'offre de plats s'adapte à ce que les petits producteurs des régions proches peuvent fournir en fonction de la saison. Un grand tableau à l'entrée de la salle de restaurant informe les clients des catégories de produits disponibles pour le jour. Par exemple : oignons : oui, aubergines et poivrons : non. Mieux, une carte du Royaume Uni indique où se situent ces différents producteurs. La viande provient de fermes respectant les pratiques de bien-être et de lutte contre la souffrance animale. Le poisson est fourni par des pêcheurs locaux pratiquant des méthodes de pêche durable et si possible certifiés MSC (Marine Stewardship Council). L'équipe réutilise et recycle tout ce qui peut l'être et achète de l'électricité provenant de producteurs d'énergie renouvelable.

Le restaurant végétarien The Gate

C'est selon la SRA, le restaurant qui a fait la plus remarquable progression de l'année sur le plan du développement durable, avec un approvisionnement de plus en plus local et de saison. Aux antipodes d'une cuisine végétarienne austère, il propose des repas plaisir qui s'inspirent des cuisines méditerranéennes et asiatiques. Les plats sont si appétissants et artistiquement présentés qu'à aucun moment le client ne regrette ses habituelles protéines animales.

La surprise du chef 

Plus surprenant encore, à la fin de la cérémonie de remise des "Awards de la Sustainable Restaurant Association" Raymond Blanc éprouva le besoin de récompenser à titre personnel celui qu'il désigne comme son héros de l'année pour le développement durable : Jill McDonald qui n'est autre que le PDG pour le royaume uni de la chaine McDonald's. Et devant une assistance médusée, il expliqua pourquoi : "Par ma culture, mes racines, mon terroir, ma cuisine gastronomique je n'ai rien de commun avec McDonald's. Mais reconnaissons que McDonald's a profondément changé. J'ai été effrayé lorsque pour mon établissement j'ai calculé le coût de mon simple choix de passer des oeufs standards à des oeufs bios.  Eux, sous l'impulsion de Jill McDonald, en quelques années, ont choisi de s'approvisionner en viande auprès de fournisseurs locaux, de prendre des oeufs de poules élevées en plein air, de servir du lait bio, d'utiliser des emballages éco conçus, de dédier de nombreux équipiers à la collecte des déchets d'emballage autour de leurs sites, de recycler leurs huiles alimentaires usagées, de proposer des menus variés avec des légumes, de proposer des frites avec une faible teneur en graisses…"

Et même au coeur de la gare de Saint Pancrass, en guise de buffet de la gare, le voyageur en attente de l'Eurostar trouvera "Le pain quotidien" : boutique de la chaine Belge, créée par Alain Coumont, dont le pain, les viennoiseries et les pâtisseries sont bios et le café équitable.