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du 31 août 2006
L'ÉVÉNEMENT

EN ATTENDANT LA DÉCISION DU GOUVERNEMENT

L'INTERDICTION TOTALE DU TABAC EST-ELLE ÉVITABLE ?

Pour ou contre l'interdiction du tabac dans les CHR ? Les professionnels sont divisés. C'est par décret que le gouvernement mettra tout le monde d'accord.
Nadine Lemoine

La semaine dernière, c'est le ministre de la Santé, Xavier Bertrand, qui a mis le feu aux poudres en déclarant qu'il souhaitait que l'interdiction totale de fumer dans les lieux publics soit effective le plus tôt possible, en tout cas avant les élections.
Le calendrier semble ficelé : la commission d'information parlementaire qui planche sur la question doit rendre public son rapport entre la fin septembre et le début octobre. Xavier Bertrand sera lui-même auditionné le 27 septembre. Le gouvernement aurait programmé le décret imposant l'interdiction du tabac dans les lieux publics pour octobre avec une application au 1er janvier 2007. Mais il y aurait des aménagements pour les bars-tabacs, les discothèques et les casinos.
Devant les remous, Matignon tente alors de calmer le jeu en insistant sur le fait que "rien n'est définitivement arrêté". Cependant, y a-t-il encore quelque chose à négocier ? L'arrêt de la Cour de cassation de juin 2005 impose au chef d'entreprise d'assurer la protection de la santé de ses salariés, donc de les protéger des méfaits du tabagisme passif. Peut-on "aménager" ce texte afin que les patrons puissent obtenir des dérogations qui les protègent des plaintes que leurs salariés pourraient déposer contre eux ? Beaucoup de questions en suspens.

"Cela va pénaliser beaucoup d'entreprises"
Pour Francis Attrazic, vice-président de l'Umih, c'est l'étonnement qui domine : "Il est étonnant que ce sujet vienne sur la table maintenant. Le tabac, c'est un problème de société qui a fait l'objet d'une loi il y a 15 ans. Et l'on vient de s'apercevoir que les choses n'étaient pas faites correctement… Et comme d'habitude en France, on tombe dans les excès avec une interdiction totale du tabac. Certes, c'est un problème de santé publique majeur, mais essayons de voir ce qu'on peut faire sans mettre en péril les entreprises. Il y a des espaces fumeurs dans lequel le tabagisme passif est grandement limité. On a aussi des cabines pour 2 ou 3 personnes ou encore des systèmes d'aération très performants. Il y a de la prévention à faire auprès du public. On voit aussi que les gens sont de plus en plus 'civilisés' et respectent les zones fumeurs et leurs voisins. On peut approcher du risque zéro, mais dans la vie, on ne peut pas arriver au risque zéro. Est-ce que le risque zéro existe ? Tout le monde veut toujours ouvrir les parapluies ! Quel mal y a-t-il à fumer tranquillement un cigare accompagné d'un cognac, dans une salle à l'écart, après un bon repas ?"
Après l'étonnement, les revendications : "Lorsqu'on voit que des dispositions particulières devraient être accordées aux bars-tabacs, nous demandons à ce qu'elles soient élargies aux restaurants. S'il y a des solutions acceptables pour un certain type d'établissements, on doit pouvoir les appliquer à tous ceux qui peuvent l'assumer."
"Si la décision est prise, nous sommes légalistes, nous l'appliquerons, poursuit Francis Attrazic, mais nous n'y sommes pas favorables. Il y aura une baisse de chiffre d'affaires, c'est sûr, et cela va pénaliser beaucoup d'entreprises. Philosophiquement aussi, l'interdiction totale ne nous plaît pas. On est résigné mais nous ne sommes pas heureux."

"Éviter que le chef d'entreprise se retrouve dans une situation ingérable"
Didier Chenet, président du Synhorcat, insiste sur la protection des employeurs : "On a toujours eu comme position : 'Regardons les choses en face.' Nous, on le répète depuis l'arrêt de la Cour de cassation de 2005 qui veut que le chef d'entreprise protège ses salariés du tabagisme passif. Mon rôle est de dire : 'On doit assumer notre responsabilité.' Le gouvernement aujourd'hui va être obligé de légiférer et d'interdire partout le tabac afin d'éviter demain toute 'judiciarisation' qui viserait les employeurs. Nous ne sommes pas pour l'interdiction de fumer de façon idéologique ou philosophique. Mais elle évitera au chef d'entreprise de se retrouver dans une situation ingérable. Cela fait des mois qu'on travaille avec le ministère et la commission parlementaire. Il y a eu un véritable dialogue. On considère que c'est un bon exemple de négociation et de concertation."
Un cas particulier, le café-tabac : "Le café-tabac se trouve dans une situation difficile, vu qu'il vend ce produit. L'interdiction de fumer pose aux cafés-tabacs un vrai problème commercial. Le client qui vient acheter son paquet de cigarettes en profite souvent pour prendre un café et fumer. Trouver un aménagement, cela ne protège pas les professionnels des éventuels recours des salariés. Nous devons trouver une solution qui protège la responsabilité pénale du dirigeant par rapport à son salarié. Comment résoudre le problème des cafés-tabacs ? Quelle solution va proposer le gouvernement ? C'est lui le premier prescripteur ! Il doit prendre ses responsabilités. Il faut au moins trouver un palliatif provisoire. Il reste que nul ne peut ignorer la loi !", rappelle le président du Synhorcat, qui souhaite d'ailleurs la création d'un fonds de solidarité, afin d'aider les employeurs attaqués en justice par un salarié. "Cela peut représenter un risque majeur pour les entreprises jusqu'à les mettre en faillite", prévient Didier Chenet.
Quant à la baisse d'activité, il ne la redoute pas : "À court terme, les restaurants vont peut-être enregistrer une baisse d'activité. Certains parlent de 20 %, je n'y crois pas. Elle sera sûrement moindre. Et la baisse sera très limitée à long terme."
Il y voit même un bon point pour les petits établissements : "Alors que la loi Evin était inapplicable dans les petits restaurants et leur a causé beaucoup de soucis, l'interdiction de fumer, ce n'est pas négatif pour eux. Bien au contraire !"
Le président du Synhorcat espère que le gouvernement évitera d'avoir recours au décret : "Ce serait dommage. C'est un sujet suffisamment trans-courants politiques pour être évoqué devant le Parlement et on devrait arriver à un consensus."

"La liberté de chacun doit être respectée"
Jean-François Girault, président de la CPIH, est remonté : "On est totalement opposés à cette interdiction. Je pense que la liberté de chacun doit être respectée. Je veux la conservation de la loi Evin et pas autre chose. On a déjà des difficultés à récupérer de la clientèle, ce n'est pas le moment de compliquer les choses. On a suffisamment de soucis pour ne pas mettre ça en avant à la rentrée des vacances. C'est le droit de chaque entreprise de dire si elle veut accueillir des fumeurs ou non. C'est bien de vouloir faire avancer les choses, mais il faut d'abord préserver les entreprises, donc les emplois. Le salarié a toujours le droit de changer d'entreprise si cela ne lui convient pas."
"Pourquoi il y aurait une dérogation pour les tabacs et pas pour les bars ?, demande Jean-François Girault. Et une terrasse, elle est dans l'entreprise ou dehors ? Et dans le cas d'une terrasse semi-ouverte ? C'est un vrai problème. Pourtant, ce n'est pas aux professionnels de faire la police. On peut demander à un client d'arrêter de fumer, mais on n'a pas les moyens de l'y contraindre. On ne va pas appeler la police quand même ? On n'est pas un lieu public mais un
lieu qui accueille du public aussi avec ses défauts. Après, c'est un problème de courtoisie entre clients."
"Il faut renforcer l'application de la loi Evin. Elle doit être appliquée, et seulement la loi Évin. On n'est pas aux États-Unis ! Restons un pays de liberté", lance le président de la CPIH.

"Les restaurants sont des lieux privés, pas des lieux publics"
Jacques Jond, président de la Fagiht, demande également l'application de la loi Evin : "Nous demandons que la loi Evin, qui n'a jamais été appliquée, le soit. Elle apporterait déjà de gros progrès en matière de lutte antitabac."
"Nous en avons assez ! Il est inadmissible d'entendre parler de l'interdiction de fumer dans les lieux publics et d'y incorporer l'industrie hôtelière ! C'est révoltant ! Nous sommes des lieux privés qui fonctionnent avec des fonds et des investissements privés avec les risques que cela comporte. Si nous devons être traités comme les hôtels de ville, etc., alors l'État doit payer et prendre en charge les risques. On est en France ou dans un régime soviétique ?", s'écrie Jacques Jond.
"Les intégristes de tout bord, qui prétendent faire la loi, c'est intolérable ! Leur intolérance est intolérable. C'était la position de tous les syndicats il y a environ 18 mois. Nous, nous sommes restés fidèles à la liberté, à la lutte contre les contraintes. C'est juste un constat. Une contrainte étatique, ce n'est ni plus ni moins du dirigisme pour faire plaisir à certains lobbys. La Fagiht est un syndicat libre", martèle le président de la Fagiht, qui ajoute : "Si le gouvernement persiste, il en paiera les conséquences. Hélas ! Mais on ne peut pas empêcher les gens de se suicider."

Les campagnes gouvernementales fustigent le tabac et le tabagisme passif dans les lieux publics.
Le restaurant est-il un lieu public ?

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L'Hôtellerie Restauration n° 2992 Hebdo 31 août 2006 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE

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