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de novembre 2003
À LA UNE

Jacques Maximin

Cuisine et indépendances

Convoyeur de fonds de la précieuse gastronomie française, Jacques Maximin continue son chemin dans le haut pays niçois. Coups de gueule et coups de cœur d'un personnage authentique qui travaille sans filet.

Texte et photos Katia Kulawick

JacquesMaximin2.jpg (9241 octets) JacquesMaximin3.jpg (9254 octets) JacquesMaximin4.jpg (18922 octets)

JacquesMaximin.jpg (17513 octets)Sept heures, au cœur du mois d'août : devant son café et ses gitane, assis à 'sa table' au restaurant, Jacques Maximin passe les premiers coups de fils à ses producteurs pour prendre la température du jour. Puis direction le marché de Nice, au pas de course. Premier stop aux fruits et légumes. Il a entendu dire que des cèpes sont passés ici ce matin, "ça m'intrigue cette histoire. Tu sais d'où ils viennent ?" Il harangue le maraîcher tout en faisant le tour du hangar pour voir les nouveautés. Il repère des petits pois de la région. "T'as une idée du prix ? C'est plus cher que ta bagnole...", annonce le patron. Jacques Maximin ne discute jamais les prix, c'est sa philosophie. "Je fais mon choix et je compte après", dit-il. "Les fraises sont très belles, c'est rare d'en avoir au mois d'août. Je prends." "C'est quoi là-dedans ?", demande-t-il au mareyeur où il vient récupérer, entre autres, des langoustines vivantes et un turbot blond. "Les Saint-Jacques viennent d'où ?" Il jette un œil aux langoustines, qui ont l'air en pleine forme. "Maximin, c'est un emmerdeur, mais quand il voit qu'on s'occupe bien de lui, il nous adopte", confie le mareyeur au café du marché. Il est 9 heures. Il croise son ancien pâtissier, des connaissances le saluent de tous les côtés. Bill, son petit chien, ne le quitte pas d'une semelle. La course contre la montre continue chez un maraîcher de Vence où il trouvera ce matin de délicieuses fleurs de courgettes. Les consignes de Maximin sont claires, ses exigences sont fermes. La qualité d'abord, il veut ce qu'il y a de mieux, de plus rare, d'unique, de saisonnier. Et pour cela, il faut tout le temps être à l'affût. "Tu ne veux pas faire des cornichons rien que pour moi ?", demande-t-il à la maraîchère.
Sur son autoradio, on entend sa chronique matinale 'L'échappée gourmande', où il distille, tous les matins à 9 h 30 sur Radio Bleue Azur, ses recettes et ses envies du jour.
Enième coup de fil à son pêcheur, toujours en mer, qui ne répond toujours pas. Maximin file sur le port de Cagnes pour en savoir plus : mais son pêcheur, personne ne l'a vu revenir, il n'a rien pris ce matin et a même déchiré ses filets, pour cause de mistral. Si la pêche aux informations est aussi importante pour Jacques Maximin, c'est que tous les jours, il reconstruit sa carte en fonction de la pêche du jour. "Je suis du signe du poisson. La démarche de mon travail se fait d'abord d'après le poisson. Je construis ma carte autour de ça. Elle change tous les jours, pour ne pas lasser." Selon les quantités, il met en place 1 à 4 menus, plus des suggestions. Avec l'expérience, il fait tout au feeling, travaille sans filet, comme un acrobate qui retombe toujours sur ses pieds. De temps en temps, il lui arrive de téléphoner à ses anciens 'élèves' pour leur demander une recette, parce que lui ne prend plus de notes, même s'il conserve tous ses cahiers de cuisine.

Les bonnes adresses du Sud de Jacques Maximin
a L'Hôtel-restaurant des Etrangers
7, boulevard de Verdun
06380 Sospel
Tél. : 04 93 04 00 09

a Restaurant
La Jarre
14, rue Saint-Esprit
06600 Antibes-Juan-les-Pins
Tél. : 04 93 34 50 12

a Josy Jo Restaurant
2, rue Planastel
06800 Cagnes-sur-Mer
Tél. : 04 93 20 68 76

a La Merenda
43, avenue de la Gare
06800 Cagnes-sur-Mer
Tél. : 04 93 20 64 36

a Le Clos
Saint-Pierre
5, place de l'Eglise
06650 Le Rouret
Tél. : 04 93 77 39 18

a   L'Auberge du Vieux-Château
Place du panorama
06530 Cabris
Tél. : 04 93 60 50 12

Préparer le menu selon le marché
10 heures. De retour au restaurant, pause-café cigarette et journaux du jour, commande de pain. Les haricots verts extrafins qu'il attend depuis des jours ont finalement été livrés. Il déballe, jette un œil sur la provenance : Kenya. "Ça, je n'en veux pas, demain ça repart." Maximin privilégie les produits cultivés dans la région. "Les gens se disent, 'ah les marchés du Sud', mais les plus gros centres sont Perpignan et Nantes, entre autres. Ici, il n'y a presque plus de terrains." Brin de causette avec son producteur de mûres et de framboises, à qui il rend hommage dans sa carte, avant de passer chez le boucher de Vence pour récupérer un ris de veau français. Cette idée le met dans tous ses états. "Ça, avec les petits pois..." Maintenant qu'il a fait ses courses, le chef va passer 1 heure à préparer la liste de ses denrées, avant de déjeuner en ville avec son épouse. A la conversation, l'état de la saison et la baisse de la TVA... "Une saison comme ça, on ne l'a jamais vécue, même avec la guerre du Golfe, commente Madame Maximin. Comment baisser les prix alors que la marge est déjà si faible ? Embaucher, ça nous plairait. Moi, j'aurai besoin d'une lingère. Mais si on embauche, c'est qu'il y a du monde et qu'on travaille..." En été, le restaurant n'est ouvert que le soir (et principalement sur réservations), un avantage qui lui permet de préparer son menu selon le marché du matin. L'après-midi est consacré à l'élaboration de la carte, qui sort finalement en salle à la dernière minute, puis direction les fourneaux. Langoustines, homards, asperges, mûres, girolles, loup sauvage, saint-pierre, groseilles, truffes d'été, selle d'agneau, ris de veau français. Ici, le rythme des saisons existe encore. Et il a encore un goût. Et quel goût ! <

Jacques Maximin
689, chemin de la Gaude
06140 Vence
Tél. : 04 93 58 90 75 zzz18p zzz22v

Portrait

AlleePaulBocuse.jpg (14372 octets)Si sa cuisine vient du Sud, Jacques Maximin vient du Nord. C'est peut-être pour cela qu'il apprécie tant cette région. Né en 1948, il arrive à Monaco en 1965 après un apprentissage au Touquet. "Je travaillais avec une blouse d'écolier bleu gitane, parce que mon père n'avait pas eu le temps de m'acheter une blouse blanche." De ce père qui tenait un bar-tabac, mais qui était également trancheur au Westminster au Touquet et mécanicien, il a retenu et retransmis sa passion automobile, aujourd'hui entre les mains de son fils, pilote.
Entre 1976 et 1980, Jacques Maximin repense complètement le paysage de la cuisine régionale et montre que l'on peut cuisiner "autre chose que de la ratatouille niçoise et des plats avec de l'ail". Suivent les 2 années qui l'ont le plus marqué : la naissance de son fils en 1978 et son statut de MOF en 1979. Le rêve d'une vie.
En 1983, il achète sa maison actuelle, une belle bâtisse qui date du début du siècle, ancien lieu de villégiature de Catherine Deneuve et Françoise Dorléac, avant de la transformer, en partie, en restaurant en 1996.
Dans sa carrière, Jacques Maximin a travaillé pour de nombreuses maisons, mais certaines l'ont plus marqué que d'autres : Prunier, le Pré Catelan, l'Hermitage à La Baule, Le Moulin de Mougins avec Vergé, La Bonne Auberge à Antibes. A 28 ans, il entre au Negresco. Sans compter ses expériences à l'étranger : Hong-Kong, Jakarta, Bangkok, la Californie, l'Afrique du Sud, l'Australie, Tokyo, les 100 ans de la statue de la Liberté avec Alain Chapel, et l'ouverture d'un restaurant-boîte chic, le Club A avec Ricardo Amaral dans les années 80 à New York.
De 1962 à 1990, il restera employé ("tout le monde m'a appris quelque chose", dit-il) avant de voler enfin de ses propres ailes en ouvrant son Théâtre à Nice. Pour la première fois, il est chez lui. Et voit les choses en grand. Il est le premier à installer une cuisine ouverte, sur la scène, derrière un immense rideau qui se lève selon son humeur. "J'ai tout fait, du 1 fourchette au 3 étoiles Michelin, du petit hôtel au 4 étoiles luxe, du banquet à la pizzeria. J'ai tapé dans toute sorte de restauration. Ce qui fait que j'étais plus armé qu'un autre. Arrivé au Negresco, je savais tout faire."
Entre-temps, il cofonde la chambre syndicale de la Haute Cuisine française ("l'élite pour l'élitisme, on avait un grand programme. La formation, des changements sociaux, mais personne n'est arrivé à se mettre d'accord").
A 55 ans, Jacques Maximin a servi à peu près tous les people que contient cette terre, ses rencontres, nombreuses, comme avec Raymond Oliver ou Alain Decaux. "Comme on admire Zinedine Zidane aujourd'hui, j'admirais Jean Troisgros." Nommé chevalier des Arts et des Lettres, Maître cuisinier de France, et depuis le 4 juillet, chevalier de l'ordre national du Mérite, 2 étoiles Michelin depuis plus de 20 ans, Jacques Maximin peut en effet ne "pas être jaloux du bonheur des autres".
Sur la terrasse du restaurant et dans le jardin où règne une sérénité absolue, une allée Paul Bocuse, des arbres splendides, quelques raretés, des kumquats en fleurs, des sculptures de César, Novello et Arman, tous troqués. Au bout du jardin, quelques bustes de résine, qu'il a fait mouler directement sur 'ses' maîtres cuisiniers en 1990 pour les exposer dans les hauteurs de son restaurant niçois, "comme s'ils me surveillaient". Chapel, Robuchon, Girardet et d'autres, il y en a 12 en tout et sont d'une présence étonnante. "Avant, je les avais sur ma terrasse, mais ils faisaient peur aux clients."

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L'Hôtellerie Restauration n° 2846 Magazine 6 novembre 2003 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE

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