Une journée avec Vincent Bogaert, brasseur artisanal

Aix Noulette (62) Depuis neuf ans, Vincent Bogaert dirige la Brasserie Saint-Germain, située dans le nord de la France. Brasseur autodidacte, il aime ce métier qu'il considère encore méconnu et pourtant porteur d'emplois. Reportage.

Publié le 18 avril 2012 à 12:22
4 h 30 : Il ne fait pas encore jour dans les rues d'Aix-Noulette, et pourtant Vincent Bogaert est déjà à pied d'oeuvre. D'un pas décidé, il franchit les portes de la Brasserie régionale Saint-Germain. Construite en 2003 dans une ancienne menuiserie du nord de la France, celle-ci est le fruit de l'association de trois brasseurs régionaux : Vincent, son frère Stéphane et Hervé Descamps (créateur de la micro-brasserie de Saint-Omer, L'Audomaroise). L'entreprise a aujourd'hui une belle capacité de production annuelle de 8 000 hectolitres. Ici, on fabrique des bières artisanales, non pasteurisées et bénéficiant d'une refermentation en bouteilles, leur assurant une conservation naturelle. Ces qualités ont permis aux trois brasseurs d'être récompensés lors de multiples concours nationaux et internationaux. Dernière récompense en date, lors du Salon de l'agriculture avec une médaille d'or pour la blonde réserviste de garde, une médaille d'argent pour la bière triple, et une de bronze pour la blanche.

4 h 45 : Chaque matin, c'est le même rituel. Vincent commence par vérifier que tout est en ordre dans sa brasserie, qui fait également office de point de ventes. Ensuite, il s'occupe du nettoyage et de la désinfection de son matériel en atelier. Enfin, il s'active autour de la préparation de la levure de bière, indispensable à la fabrication de la boisson.

6 h 15 : Toute l'équipe est maintenant sur le pont. Brasseurs, personnel du conditionnement, manutentionnaires, commercial… Vincent est entouré de ses huit employés. Après le concassage du malt, le brassage, la fermentation et la garde (voir encadré), il ne reste plus que la dernière étape à réaliser : celle de l'embouteillage. "Ces deux dernières années, confie-t-il, nous avons réalisé de nombreux investissements tant en matériel, qu'en personnel. Notre but est de permettre à la brasserie une croissance régulière, tout en maintenant une qualité optimale et un caractère artisanal à nos productions." Avec 1,4 M€ de chiffre d'affaires, Vincent n'a pas à rougir de sa réussite. D'autant que ce quadragénaire a appris les rudiments du métier en autodidacte, puisqu'il n'existe aucune école de brasseur à ce jour.

13 h : La longue étape de l'embouteillage terminée, c'est le moment du conditionnement des bières. Puis après un déjeuner pris sur le pouce, Vincent se charge de la partie administrative de son travail. Règlement des factures, relances clientèle, enregistrement des numéros de lots pour assurer la traçabilité des produits… Celui-ci n'a pas le temps de chômer. Mais ce qui le passionne bien davantage, c'est incontestablement son engagement auprès du syndicat des brasseurs du Nord : "Nous menons toutes sortes d'actions, comme l'organisation d'événements visant à promouvoir la bière, la rédaction de recommandations environnementales - rejet d'eau, économies d'énergie… -, ou encore la mise en route d'une réflexion autour d'un identifiant géographique protégé. Le métier de brasseur est finalement méconnu. C'est à nous de mieux nous faire connaître."

15 h : La Brasserie Saint-Germain ouvre ses portes. Avec une quinzaine de passages par jour, Vincent reçoit toutes sortes de clients. "Des cavistes, souhaitant renouveler leurs stocks, des restaurateurs en formation, des particuliers : nous sommes là pour informer et conseiller sur nos neuf produits à la vente."

16 h 45 : Un homme déboule justement dans la boutique. Ce dernier a une demande un peu particulière : "J'organise prochainement une soirée avec de gros clients. Il me faudrait une bière sur mesure, dotée d'une grande richesse aromatique." Une bière à façon, rien de plus stimulant à réaliser pour un brasseur. Crayon en main, tous deux élaborent la recette : "On va cibler la catégorie de bières, le degré d'alcool, la variété de couleur de malt, le style de levure, ainsi que le conditionnement désiré." Les demandes des clients constituent un mini-laboratoire d'essai pour Vincent. "Imaginer de nouvelles recettes de bières constitue un aspect très important de notre profession. Si on ne se renouvelle pas, on meurt. C'est identique dans tous les métiers."

18 h 20 : À la hâte, Vincent se charge de livrer une commande de bières pour l'inauguration d'un grand magasin. Baptêmes, mariages, réceptions pour de grandes entreprises, événements locaux… L'équipe de brasseurs fournit régulièrement professionnels et particuliers de la région.

19 h : Combatif et obstiné, Vincent sillonne la région entre Arras et Lens. Son objectif : convaincre les cafetiers et restaurateurs d'ajouter des bières locales à leur carte. Pour cela, il n'hésite pas à aller faire du porte-à-porte. "Le Nord et l'Alsace sont très réputés pour la bière. Et pourtant, les restaurateurs du coin ne proposent souvent que des bières internationales. Je vais donc les rencontrer pour leur rappeler qu'il existe toute une gamme de produits issus de brasseurs locaux." D'ailleurs, Vincent aime à répéter qu'il réalise ses bières à partir de houblon issu à 100 % des Flandres françaises. "C'est un choix qui nous permet de gérer nos approvisionnements dans le respect du développement durable."

20 h 10 : De retour dans sa brasserie, il vérifie que tout est en place pour le lendemain. Avant son départ, Vincent Bogaert évoque le bel avenir de sa profession. Les brasseurs ont incontestablement de beaux jours devant eux, assène-t-il. "Il est temps de prendre conscience que la France n'est pas seulement un pays de vin ! Chez nous, depuis des millénaires, on fabrique de la bière." Et visiblement, les consommateurs en redemandent : il y a neuf ans, l'Hexagone comptait 123 brasseurs de bières. Aujourd'hui, il y en aurait 442 ! Preuve que la demande est forte et qu'il y a des opportunités d'emplois à saisir dans ce secteur d'activités.

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Publié par Mylène SACKSICK



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