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du 16 octobre 2008
JURIDIQUE

DU CÔTÉ DES PRUD'HOMMES

LA CLAUSE DE NON-CONCURRENCE S'APPLIQUE-T-ELLE PENDANT LA PÉRIODE D'ESSAI ?

L'employeur peut se protéger des activités concurrentes qu'un salarié pourrait exercer après avoir quitté l'entreprise en prévoyant une clause de non-concurrence dans le contrat de travail. Au départ du salarié, il peut décider de l'appliquer moyennant le versement d'une indemnité ou le dispenser de la respecter. Dans le cas d'un salarié qui quitte l'entreprise pendant sa période d'essai, est-ce que cette clause est valable, et doit-elle conduire l'employeur à choisir entre l'une de ces deux solutions ? Explications.

Lorsque le contrat de travail prévoit une clause de non-concurrence, tout le monde est conscient qu'elle peut s'appliquer lorsque le contrat est rompu ou que l'employeur libère le salarié de ses obligations. Mais que se passe-t-il lorsque le salarié est en période d'essai ? Doit-on considérer que la clause de non-concurrence peut s'appliquer ou doit-on considérer que la clause de non-concurrence ne s'applique que lorsque le contrat de travail devient définitif, c'est-à-dire lorsque la période d'essai est révolue ?
Répondre à cette question revient à pouvoir déterminer si la clause de non-concurrence doit ou non s'appliquer dans cette situation, ce qui est primordial afin de ne pas se trouver lié par une telle clause, alors que l'on aurait pu délier le salarié de son obligation et, par conséquent, dispenser l'entreprise de son obligation de verser une indemnité.

Il faut analyser la clause de non-concurrence et tenir compte de la durée des relations contractuelles
Parfois, la clause de non-concurrence est précisée sans équivoque dans le contrat de travail : "En cas de rupture du présent contrat pour quelque cause que ce soit, le salarié s'interdit…" Dans ces conditions, la Cour de cassation estime que "les juges du fond ont pu estimer, par une interprétation nécessairement exclusive de dénaturation, que les parties étaient convenues de rendre la clause de non-concurrence applicable dès la période d'essai", (Cass. soc du 3 février 1993, ou dans le même sens, Cass. soc du 17 juillet 1997, bull. civ. V, n° 280).
Mais certaines décisions vont plus loin sur les effets d'une telle situation. En effet, dans le cas d'un employeur qui ne déliait pas le salarié de la clause, mais refusait de lui verser la contrepartie pécuniaire au motif qu'il serait resté trop peu de temps dans l'entreprise pour "avoir pu acquérir des connaissances techniques spécifiques lui permettant de contribuer à une action concurrentielle", la cour d'appel d'Aix-en-Provence, dans une décision en date du 2 septembre 1997 (qui n'a pas été démentie par une décision de la Cour de cassation), a refusé cette analyse, considérant qu'il s'agirait alors d'une condition purement potestative (voir encadré) contraire à l'article 1174 du code civil, et condamne l'employeur à verser au salarié la contrepartie financière de la clause de non-concurrence.
Cette décision est à comparer avec celle de la Cour de cassation en date du 14 mars 1983 (Cass. soc. du 14 mars 1983, bull. civ. V n° 44) qui a estimé, interprétant l'intention des parties, que la clause n'était pas encore en vigueur au moment de la période d'essai, et a également analysé la situation au regard "de la brièveté du temps de passage chez l'employeur", qui ne lui permettait pas de revendiquer "une connaissance suffisante des secrets de l'entreprise pour être en mesure de se livrer à des divulgations utilisables par une entreprise concurrente".
Dans l'hypothèse où le contrat prévoit que "chacune des parties peut reprendre sa liberté sans préavis", et que, de surcroît, le salarié ne reste que quelques jours, la clause de non-concurrence est dépourvue de toute justification
réelle, et n'a pas vocation à s'appliquer (cour d'appel de Paris, 18e chambre, 18 avril 1989).

Il faut être vigilant sur les suites à donner
Une fois que l'on a déterminé si la clause de non-concurrence doit ou non s'appliquer, l'employeur doit être vigilant s'il ne veut pas être contraint de verser au salarié une indemnité. Le contrat va lui permettre, pendant une période donnée, de libérer le salarié. Cette possibilité varie de 8 à 15 jours à compter de la notification de la rupture. Attention : cela signifie que le salarié doit en avoir été informé avant le 8e ou le 15e jour. Rappelons qu'en la matière, la date de présentation du courrier recommandé avec accusé de réception est celle que les tribunaux prendront en compte.
Enfin, il faut savoir que les obligations qui naissent à la suite de la rupture de la période d'essai concernent également les salariés, car si la clause de non-concurrence s'applique durant la période d'essai, et si contractuellement une pénalité pour violation de la clause de non-concurrence est prévue, les juges du fond peuvent condamner le salarié qui a rompu son contrat pendant cette période pour être embauché chez un concurrent (en ce sens, notamment, Cass. soc. du 29 octobre 1973, bull. civ. V n° 525).
Compte tenu de l'incertitude qui peut résulter de l'interprétation de l'intention des parties, il est recommandé d'être le plus précis possible et de prévoir, dans la rédaction de la clause de non-concurrence, si elle s'applique ou non à la période d'essai.
Dina Topeza, avocat au barreau de Paris zzz60c JS0607

Qu'est-ce qu'une condition potestative ?

Le droit des contrats est dominé par le principe de l'égalité des parties (l'employeur et le salarié). Une condition est 'potestative' lorsque la naissance ou l'exécution de l'obligation dépend uniquement de la volonté d'une seule des parties au contrat. Une condition potestative est nulle. En revanche, une condition mixte, qui fait dépendre l'exécution d'une obligation à la fois de la volonté d'une des parties et de celle d'un tiers ou de la survenance d'un événement quelconque, est valable. zzz60c

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