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![]() du 24 avril 2008 |
L'ÉVÉNEMENT |
"La hausse des prix des produits alimentaires vous oblige-t-elle à augmenter vos tarifs ?"
"Dans
une impasse"
Laurence Bretheau, Le Pantagruelion,
Saint-Hilaire-des-Loges (85)
"On est dans une impasse. Soit on n'augmente pas nos tarifs,
mais on ne pourra plus travailler certains produits, par exemple pour les poissons,
le turbot ou la lotte, et on choisira à la place des produits moins nobles.
Soit on pratique une augmentation, mais on ne sait pas si la clientèle suivra.
Et puis on tient à conserver un bon rapport qualité-prix. De toute façon,
on est obligés de subir l'augmentation des produits de base. Impossible de
se passer de beurre, crème, oeufs ou farine et pourtant tous ces produits ont
pris 25 %, voire plus. À la carte, on répercute un peu cette hausse
des prix, mais on n'a pas touché au prix des menus. Et même si on finit
par augmenter nos tarifs, on ne pourra jamais le faire dans les proportions de ce
que nous subissons : le consommateur ne viendrait plus !"
E.
B.
Une hausse limitée le midi
Cyril Martin, Au Fil des Saisons, Clermont-Ferrand
(63)
"J'ai augmenté mes tarifs à midi mais pas le soir",
reconnaît Cyril Martin. Installé
en centre-ville de Clermont-Ferrand depuis septembre 2006, il est vrai que ses prix
étaient très bas. Ainsi, le premier menu est passé à 12 E,
contre 11, et le deuxième à 14 E contre 13,50.
"J'avais de plus en plus de mal à trouver des produits me permettant de rester
dans les clous. Tout a augmenté. Je m'en rends bien compte quand je fais mes
courses." De toute façon, les chiffres précis ne seront connus qu'après
le travail du comptable. Le jeune chef persévère malgré tout en soirée.
Il sélectionne encore plus les produits travaillés pour conserver son
créneau entre 26 à 30 E. "Mais quand on veut griller du gigot d'agneau
ou des pièces de boeuf achetés chez le boucher, ce n'est pas toujours facile."
P. Bo.
Pour la prochaine carte
Jérôme Delpuech, Brasserie
Le 24 à Clermont-Ferrand (63)
"Nous avons résisté jusqu'à maintenant. Mais
une hausse est prévue pour le changement de carte, très prochainement.
Ce sera peu. Le menu de départ passera
de 19 à 20 E et les autres aussi, dans les mêmes proportions".
Et de souligner que l'augmentation est généralisée : "Le pain
que nous achetons, les fruits secs que nous utilisons, et tout le reste… Il
fallait amortir ce mouvement."
P.
Bo.
"Interdits d'augmentation"
Louis-Bernard Puech - Hôtel-Restaurant
Beausejour, Calvinet (15)
"Nous ne pouvons pas répercuter les hausses sur nos tarifs.
Sinon les clients ne viendront plus. Nous sommes interdits d'augmentation. C'est
que nous ne sommes pas en ville, mais à la campagne. Et dans le Cantal en
plus. Un critique parisien qui est passé la semaine dernière était
étonné de voir des tarifs si bas. Et pour venir chez nous, il faut prendre
en compte le coût des carburants, celui des péages… À l'heure
où même les produits de saison restent chers, nous allons devoir trouver
d'autres solutions. Cela peut se traduire par des cartes réduites, changeantes
selon les arrivages et les promotions sur les marchés, et des menus imposés,
donc une gestion maîtrisée des marchandises et des tarifs corrects."
P.
B.
"Les petits producteurs n'ont pas trop bougé"
Thierry Renou, Le Patio, Arcachon (33)
"Est-ce
que l'augmentation est si forte qu'on le dit ? Je ne sais pas. Pour ma part, les
tarifs sur la carte n'ont pas varié car je travaille avec de petits producteurs,
fidèles, qui n'ont pas trop bougé. Quoi qu'il en soit, pour compenser
de fortes hausses de prix, je pense qu'il faut être très rigoureux sur
les achats mais aussi sur les pertes. Et si cela ne suffit pas, je ne suis pas chaud
pour allumer le client, la hausse ne sera donc pas violente ! Aujourd'hui, le restaurant
est un plaisir qui reste onéreux dans des maisons comme la nôtre, où
sont travaillés des produits nobles. La qualité a certes un prix, mais
le client aussi."
B.
D.
"La solution ? Faire baisser ma propre rémunération"
Jean-Michel Vigna, Milano des Docks,
Marseille (13)
"Le ratio matières premières/CA a pris 8 points.
C'est énorme et mes résultats
se sont dégradés. Je n'ai rien
fait jusqu'à maintenant. J'attends le changement de carte pour répercuter la
hausse des denrées alimentaires sur mes prix de vente. Théoriquement, elle
devrait être de 10 %, mais, dans un univers très concurrentiel, il n'en est pas
question. Si j'augmentais mes prix de 10 % je perdrais des clients. La seule
solution pour moi est de faire baisser ma propre rémunération. Je me refuse,
pour compenser, à diminuer la taille des portions, proposer des aliments de
moins bonne qualité ou réduire le personnel. On nous avait promis une TVA à 5,5
%. J'attends toujours que le Président tienne ses promesses de campagne. Ce
serait la vraie bonne solution !"
D.
F.-N.
"Nous avons notre TIPP à nous"
Pascal Nebout, Château de l'Yeuse,
Cognac (16)
"Nous avons, depuis le début de
l'année, répercuté modestement la hausse des produits alimentaires,
mais en prenant soin de ne pas mécontenter nos clients. Le menu découverte
passe ainsi de 44 à 46 E, tandis que le menu dégustation à
75 E ne varie pas. Nous avons également raccourci volontairement notre
carte, tout en la rendant plus attractive en la changeant toutes les deux semaines.
Cette politique me permet de jouer avec les prix en fonction des achats, de proposer
les premières asperges, et de tenir compte des variations du marché. Nous
fonctionnons sur le principe de la taxe flottante des produits pétroliers :
si telle denrée diminue, nous diminuons d'autant le prix du plat, si elle augmente,
c'est le contraire. Mais nous constatons quand même que la clientèle,
pour des raisons d'économies, se rapproche plus des menus clés en main
que des cartes aux additions aléatoires."
J.-P.
G
Augmenter le café, le vin, la bière…
Pascal Lefebvre, Auberge de la Marine,
Le Crotoy (80)
"Nous devons augmenter un peu nos tarifs
à cause des achats, du prix du gaz et de l'augmentation du Smic", annonce
Pascal Lefebvre. Travaillant à l'ardoise, ce restaurateur ne fait "pas
trop attention au prix des petits produits", et fixe ses tarifs à partir
de ses achats principaux, la viande que lui fournit son père et qui varie peu,
et le poisson, dont les prix dépendent des cours. Pour ce dernier, "les
fax se multiplient" pour annoncer les hausses.
Sur des produits de base, en revanche, Pascal Lefebvre va augmenter
le café, qu'il avait maintenu à 1 E, le demi pression (2 E), la carte
des vins, qui va prendre 3 à
4 %. "Les fournisseurs augmentent leurs prix à cause du gasoil pour le
transport, du Smic pour l'entreprise de nettoyage. Le gaz nous affecte aussi. J'essaie
de baisser de quelques points la part matières (actuellement 35 %), pour ne
pas augmenter nos plats." J.
G.
Utiliser des produits moins nobles
Marc Ogé, La Musarde, Hauteville-lès-Dijon
(21)
"Ma philosophie est de ne jamais toucher
le client. Et même si comme tous mes confrères restaurateurs, j'observe
une flambée des prix réellement hallucinante, j'essaie de maintenir autant
que possible les prix de ma carte et de mes menus. Pour pouvoir continuer mon activité,
je vais quand même être obligé d'augmenter mes tarifs, mais ce
sera de 1 euro seulement, pas plus. À côté de ça je vais
continuer à faire scrupuleusement attention lorsque je vais faire mes courses
: troquer les poissons sauvages, comme le bar qui était à mon menu cet
hiver, par de l'élevage ou par des poissons de catégorie inférieure
moins noble. À la place du sandre, je vais cuisiner du cabillaud dans ma
prochaine carte de printemps… Pour les asperges, que je choisis chez un producteur
local, je n'ai par contre pas encore trouvé de solution ; 11 E la botte,
vous imaginez ! Ce que je trouve dommageable, c'est que ce soit le client qui pâtisse
de cette conjoncture défavorable."
M.
H.
"Aucune répercussion sur les tarifs"
Georges Viklovszki, Restaurant Georges
- À la Ville de Lyon, Metz (57) :
"Aucune répercussion sur les tarifs. Nos prix sont envoyés
aux différents guides et restent bloqués pendant un an. Chez nous, ce
serait même la tendance inverse : par exemple, en 2005, je proposais un menu
homard à 56 E et aujourd'hui, il est affiché à 50 E.
On sent une baisse du pouvoir d'achat chez les clients. Ils viennent moins souvent
ou regardent à la dépense. Donc on joue le jeu et on réduit nos
marges. En tout cas, il n'y aura pas de hausse jusqu'en octobre. Après, on
réfléchira à une très légère augmentation de 1 à
2 E. Mais si le taux de la TVA venait à baisser, ce en quoi je crois
toujours, nos prix ne bougeront pas."
JB
Presse
"On module"
Jean-Christophe Rousseau, Le Portanel,
Bages (11)
"On n'a pas été obligé
de modifier les prix sur notre carte, car nos plats sont constitués en grande
partie du produit de la pêche sur l'étang de Bages, juste en bas du restaurant
: le loup, la saucanelle,
la cranquette, et surtout l'anguille. De ce côté-là, on est donc
assuré d'une certaine stabilité des prix. Mais sur les produits d'épicerie,
on ressent sensiblement les augmentations sur les factures de nos fournisseurs,
notamment avec certaines pâtes qui ont flambé de 25 %. Pas de quoi cependant
nous obliger à répercuter les hausses pour l'instant. On arrive toujours
à sortir des menus à partir de 20 E le midi en tenant une qualité
constante; mais on module. Nous profitons des changements sur la carte, qui varie
très fréquemment, pour privilégier les produits dont les hausses
sont les moins fortes."
F.
M.
Travailler en direct avec les petits producteurs
Pierre Caillet, Le Bec au Cauchois, Valmont
(76)
"La hausse des produits alimentaires
est un réel problème. En ce qui me concerne, je ne la répercute pas
globalement sur mon prix de vente, car j'arrive à en compenser une partie par le coût de revient quasiment nul des produits maraîchers que je
cultive dans mon jardin ou que je ramasse. Cela nous oblige aussi à faire très
attention aux stocks et à l'optimisation des produits afin de limiter les
pertes. L'augmentation des prix est aussi, en ce qui me concerne, un peu moins
forte avec les petits producteurs avec lesquels je travaille en direct, et avec
lesquels il est encore possible de négocier parfois. Les prix des produits, bien
qu'en augmentation, sont toujours un peu plus accessibles pendant la pleine
saison. Mais, le plus gros problème je pense, c'est l'augmentation constante des
charges. Et là, aucune parade n'est possible."
St.
S.
"Les mêmes
tarifs qu'en 2007"
Éric Brendel, Les Tilleuls, Bruère-Allichamps
(18)
"Non je n'ai pas
augmenté mes tarifs, car j'ai essayé de contourner la hausse des prix.
Pour cela, je m'approvisionne au niveau local. Ma viande est livrée par un
boucher [proche], j'achète mes légumes, mes fromages, mes oeufs et mes
volailles sur les marchés où les prix sont moins chers que chez Metro.
Mais il ne faut acheter que les produits de saison et ne pas vouloir de fraises
l'hiver. Pour le poisson, je travaille uniquement avec un professionnel à
Rungis en fonction des arrivages. Grâce à cela, je n'ai pas ressenti
la hausse du prix du poisson. On trouve ainsi du rouget à 10 E HT
le kilo. Si l'on tisse des liens avec les producteurs locaux, on peut lutter contre
la hausse des prix. D'ailleurs mes tarifs sont les mêmes qu'en 2007."
zzz22v
Complément d'article 3078p4
“Des achats très calculés”
Christophe Girardot, La Table de Montesquieu, Labrède
(33)
“Nous voulons avons une image de très bon rapport qualité-prix, aussi notre
politique est d’afficher des tarifs qui ne bougent pas, 28 E pour la formule de
menu entrée + plat ou plat + dessert, renouvelée tous les mois. Il s’agit donc
pour nous de travailler nos marges et coefficients en réalisant des achats très
calculés, en particulier en privilégiant systématiquement les produits de
saison. Lorsque nous voulons mettre à la carte des produits exceptionnels, comme
de belles langoustines ou du caviar d’Aquitaine, nous ajoutons un supplément à
la carte. L’important est d’offrir ce choix-là au client.”
B. D.
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L'Hôtellerie Restauration n° 3078 Hebdo 24 avril 2008 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE