du 24 avril 2008 |
VIE PROFESSIONNELLE |
ALORS QUE LE PARLEMENT DÉBAT DE LA LOI SUR LES OGM
Jean Terlon (Umih 91) milite pour préserver le choix du consommateur
Le président de l'Umih de l'Essonne a été un des tout premiers signataires de la pétition 'Il faut sauver l'amendement 252', présentée en nouvelle lecture aux députés à la mi-mai. Cet amendement prévoit "que la mise en culture, la commercialisation et l'utilisation ne peuvent se faire que dans le respect des structures agricoles, des écosystèmes locaux et des filières de production et commerciales qualifiées sans OGM". Pour Jean Terlon, cuisiniers et restaurateurs doivent monter au créneau pour son maintien dans le projet de loi.
Propos recueillis par Sylvie Soubes
Au centre, Jean Terlon avec la secrétaire d'état à l'écologie Nathalie Kosciusko-Morizet lors de la Semaine du Goût dans l'Essonne. |
L'Hôtellerie Restauration
: Que représente pour vous cet amendement ?
Jean Terlon
: Il protège des OGM ou PGM les autres cultures traditionnelles, et surtout
les AOC, le Label Rouge, l'IGP et l'agriculture bio. C'est extrêmement important
pour la cuisine et la restauration. C'est aussi - et là, je me place en tant
que citoyen - le choix de consommer avec ou sans OGM. Je vous rappelle que le "libre
choix de produire (règles de coexistence) et de consommer sans OGM" est
l'une des conclusions du Grenelle de l'environnement.
Qu'est-ce qui vous fait dire qu'il pourrait être
supprimé ?
Cet amendement vient d'être sous amendé
au Sénat en 2e lecture, le rendant plus compliqué à
mettre en oeuvre, et donnant de ce fait aux députés pro OGM la possibilité
de le rediscuter en 2e lecture, voire de l'éliminer. Si les sénateurs
n'avaient pas modifié cet amendement, il aurait définitivement été
adopté, et c'est ce que voulait le chef de l'État. Déjà,
la loi sur les OGM est bien loin des conclusions du Grenelle de l'environnement…
La disparition de l'amendement 252 réduirait à néant la liberté
de choix de consommer avec ou sans
OGM.
Nous ne pouvons pas accepter cela.
Vous estimez-vous soutenu par la secrétaire
d'État à l'Écologie dans ce dossier ?
Comme vous avez pu le suivre, Nathalie Kosciusko-Morizet
ne s'est pas opposée à cet amendement, d'où la levée de bouclier
des pro OGM dans l'hémicycle. Pour la connaître personnellement, son
engagement écologique et sa nomination comme secrétaire d'État
à l'Écologie ne sont pas le fruit du hasard. Le président de
la République l'a nommée à ce poste pour faire bouger les choses
et les mentalités, entre autres sur les OGM. De ce fait, j'espère qu'elle
soutient mon action auprès de ma profession.
Où en est la navette parlementaire ?
Le projet de loi sur les OGM va revenir à
l'Assemblée nationale à la mi-mai en deuxième lecture, il faut
se mobiliser dès maintenant, au cas où…
La profession a donc encore des cartes à
jouer ?
Absolument, et surtout les chefs cuisiniers. Je
regrette que nous ayons été les grands absents du débat sur les OGM
durant le Grenelle de l'environnement.
D'autres syndicats professionnels y ont siégé et pas notre secteur. Nous
sommes pourtant les prescripteurs d'une agriculture de qualité, et nous défendons
tous les jours le bien manger. Le président de la République veut faire
inscrire à l'Unesco notre gastronomie comme patrimoine mondial. Mais demain,
si on laisse faire, que nous restera-t-il comme produits agricoles ? Nous devons
avoir le choix et préserver ce choix. Aujourd'hui, j'appelle tous les professionnels à soutenir et à
signer la pétition du Comité de soutien à l'amendement 252, qui
est accessible sur le net. Il faut que nous montions au créneau, et que nous
interpellions nos députés avant qu'il ne soit trop tard. De grands noms
de la cuisine, comme Olivier Roellinger et Régis Marcon, m'ont
d'ores et déjà assuré de leur soutien.
Sur le net : amendement252.blogspot.com
Lettre de soutien de Régis Marcon
à Jean Terlon "Je suis né ici en Haute-Loire à Saint-Bonnet-le-Froid. J'aime ce pays. Ici, les saisons sont très marquées et nous avons l'habitude d'être patient, d'attendre les produits saisonniers, asperges, cerises, fraises, champignons. J'ai connu, enfant, les grenouilles de pays, les écrevisses et les truites de rivière, et on m'a dit qu'elles avaient disparu parce qu'on les avait trop braconné. Premier mensonge. Ce n'est pas bien de mentir à un enfant ! D'autant plus que quelques années plus tard, j'apprenais que cela venait des engrais et pesticides. L'agriculture changeait, il fallait produire plus, quitte à ne plus respecter notre environnement naturel. Trente ans plus tard, me voilà cuisinier. Mon engagement est de faire découvrir notre pays par notre gastronomie avec de bons produits. Bio de préférence ou d'agriculture raisonnée. C'est notre démarche et celle de beaucoup de mes collègues qui parlent de leur région. Je me suis toujours intéressé à l'alimentation, j'ai rencontré des nutritionnistes, des cancérologues, des chercheurs… Alors, quand on me parle d'organisme génétiquement modifié, que dire, je suis comme vous. Je suis inquiet en écoutant tel ou tel chercheur. Les avis sont différents. Avons-nous assez de recul ? Nous ne sommes pas dans un processus d'hybridation, mais de manipulation génétique. Depuis de nombreuses années, nous avons été trompés à plusieurs reprises. Avec les OGM, on prétend nourrir le monde, mais n'oublions pas de quelle façon nous avons su le piller. Il n'est pas trop tard pour aider cette agriculture en conciliant le nourrir tout en allant vers le bien nourrir. Une chose est sûre : ne sommes-nous pas sous l'emprise de certaines lobbies par rapport aux OGM ? Pour ma part, je dis non aux OGM, car je n'ai pas envie de mentir à mes enfants. Je crois au progrès. Je l'ai prouvé, engagé dans une démarche Écolabel, respectueuse de l'environnement et pour un développement durable. Je me dois d'être sincère envers mes clients, mes collaborateurs, ma famille et envers moi-même. Je veux rester fidèle à Margaridou qui disait que 'la cuisine ne peut-être que quand elle vous ramène aux choses premières'." |
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L'Hôtellerie Restauration n° 3078 Hebdo 24 avril 2008 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE