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du 7 juin 2007
RESTAURATION

SAINT-BONNET-LE-FROID, 200 HABITANTS, 3 ÉTOILES ET 3 'BIB' MICHELIN

L'IRRÉDUCTIBLE VILLAGE GASTRONOME

Un étoilé Michelin, trois Bibs Gourmands, des commerces fleurissants, des rues proprettes, des réservations complètes : Saint-Bonnet-le-Froid affiche son insolente offre touristique, qui ferait pâlir plus d'une capitale régionale. Comment un si petit village, isolé de surcroît, concentre-t-il l'attention des plus fins gourmets ?


Régis Marcon, le chef aux 3 étoiles


L'Auberge des Cimes, de Régis Marcon, installée en haut du village.

Nous sommes en 2007. La Haute-Loire n'est pas plus que d'autres épargnée par la désertification des campagnes. Pourtant un village peuplé d'irréductibles bons vivants, gastronomes et adeptes de banquets, fait de la résistance et attire les foules de pèlerins en quête de bonne chère. En effet, à plus de 1 000 mètres d'altitude, Saint-Bonnet-le-Froid n'a que l'apparence d'un petit village tranquille. Et pour cause, l'activité économique, centrée essentiellement sur le tourisme culinaire, va bon train. Il n'est qu'à regarder le ratio entre le nombre d'habitants (200) et le nombre de lits (200) ! Un record. En outre, la bourgade peut se targuer d'afficher la plus forte concentration de restaurants rapportée à sa population : un triple étoilé Michelin (Régis Marcon), trois Bibs Gourmands (Alain Chatelard, Le Fort du Pré et La Coulemelle, les deux derniers sacrés cette année), plus un restaurant traditionnel repris depuis peu par deux jeunes du village, sans compter le bar PMU et le salon de thé. Saint-Bonnet cumule les talents et accumule les récompenses.
Un hasard ? Peut-être pas. Car la tradition de restaurateurs ne date pas d'hier et la culture de la gastronomie fait partie intégrante de cette bourgade montagnarde. Fromages de chèvre, morilles sauvages, truites, asperges, myrtilles, boeuf Fin Gras du Mézenc (l'Ardèche est toute proche) figurent parmi les richesses de la vallée. Au-delà de cela, l'histoire du village et sa renommée se confondent avec celles de ses habitants et la dynamique créée il y a une trentaine d'années par une poignée de ces autochtones dépasse aujourd'hui les frontières du département, suscitant l'afflux ininterrompu des voyageurs de passage comme des habitués.


La Chanterelle, la boulangerie salon de thé Régis Marcon, haut lieu de passage de Saint-Bonnet.

Une bande de copains d'école
Deux facteurs expliquent cette réussite. Le premier est géographique. À Saint-Bonnet, les hivers sont rudes, l'entraide indispensable. La neige a créé des réflexes de bonne entente et l'on se serre les coudes. De là est née une solidarité jamais remise en cause qui se transmet de génération en génération. Le second facteur est humain, car cette solidarité naturelle et de bon voisinage s'est vite muée en esprit de corps. Un microcosme s'est créé, et le village pourrait presque se suffire à lui-même, si ses activités ne le conduisaient au partage et aux rencontres. Depuis plusieurs générations, les familles se connaissent et se respectent. Le mot concurrence n'existe pas, la compétition n'a pas droit de cité. Ainsi, les mères de Régis Marcon et d'André Chatelard, du restaurant éponyme auréolé d'un Bib, étaient déjà amies, toutes deux cuisinières. Elles ont transmis leur passion à leur fils qui sont toujours restés au village. Aujourd'hui, l'image des Chatelard et des Marcon est très forte, et cette notoriété attire.
Ensuite, l'amitié a fait le reste ; c'est l'histoire d'une bande de copains, qui ont fréquenté les mêmes bancs de l'école communale et les pistes de ski et ne se sont jamais quittés depuis. Les quatre frères Marcon, André et les autres, réunis dans le 'club des neiges' dans les années 1970, ont très tôt choisi de rester au village, leur village, et de le faire vivre. C'est cet attachement viscéral à leur pays qui a sauvé Saint-Bonnet et a permis cette émulation. Aujourd'hui encore, la fratrie Marcon reste très impliquée dans la vie locale ; Guy, le marchand de vin, vient d'ouvrir une épicerie-cave avec son fils Joannes. André est l'édile, influent et dynamique, ses autres fonctions nationales lui sont bien utiles pour plaider la cause de ses concitoyens et soutenir le développement du commerce local. Famille toujours, le frère d'André Chatelard, René, est le boucher attitré du bourg.
Au quotidien, le principe des vases communicants prévaut : pas de rivalité, on la joue 'collectif'. Le village fonctionne de façon organique. Chaque membre de la communauté pourvoit à ses besoins et contribue par son activité à sa pérennité. Par exemple, quand l'un des restaurants est fermé ou complet, l'adresse d'un confrère est aussitôt donnée, naturellement. Chacun veille à ce qu'aucun visiteur ne passe son chemin ou ne reparte de Saint-Bonnet insatisfait.

Habitués et locaux convergent à Saint-Bonnet
Des clients choyés qui viennent essentiellement des environs. André Chatelard, qui s'installa au début comme pâtissier, l'explique : "La clientèle est très fidèle. Elle sait payer le prix juste et connaît les bons produits. Ce sont essentiellement des amateurs de la région, qui nous font confiance et ont leurs repères chez nous, depuis longtemps d'ailleurs puisque mes parents possédaient le restaurant." Des habitués séduits par l'accueil, qui remplissent les restaurants, l'hôtel Le Clos des Cimes de Régis Marcon, mais aussi les chambres d'hôte et les gîtes alentour, et obligent à la réservation, hautement recommandée ! De Saint-Étienne ou de Lyon surtout, mais aussi de la vallée du Rhône et de la Provence, ils viennent en famille, le temps d'une journée ou d'un week-end, parfois davantage. La clientèle étrangère est elle aussi au rendez-vous (Britanniques et Néerlandais en tête), mais elle n'est pas majoritaire. L'activité mariage également n'est pas négligeable. Car les résidents secondaires choisissent volontiers de marier leurs enfants dans ce cadre bucolique, où l'on sait que l'on pourra bénéficier d'un menu de très belle qualité. D'ailleurs les gîtes et chambres d'hôte n'ont pas tardé d'essaimer, fleurant là une bonne source de revenus. Dernier projet en date : les 10 chambres 'luxe' troglodytes de Régis et Jacques Marcon, autour desquelles un jardin botanique de deux hectares bénéficiera à tout le village.
À Saint-Bonnet aussi, on a des idées et les initiatives vont bon train. Mis à part les mois de janvier et février, traditionnellement consacrés au repos hivernal, l'année est chargée et les manifestations nombreuses. Il y a toujours une fête ou une activité d'organisées. Jamais en panne d'inspiration, les habitants savent amener à eux les clients potentiels. Ainsi du boeuf de Pâques le dimanche des Rameaux ou de la fête aux champignons, qui reste le moment phare de la fin d'automne. Le premier samedi après la Toussaint, les deux jours ne drainent pas moins de 30 000 curieux et gourmands !
Les gestes de bonne entente ne s'arrêtent pas là : l'opération "Trois jours, trois chefs" a été instaurée depuis cinq ans. Le principe est simple : un forfait permet de goûter aux trois cuisines d'André Chatelard, du Fort du Pré et de La Coulemelle, en passant deux nuits au Fort du Pré. Une offre sur mesure bien pensée qui ne fera pas oublier de sitôt cette place forte de l'art culinaire. Peu de risque cependant car le Rallye de Monte-Carlo repasse par Saint-Bonnet après dix ans d'éclipse.
Véronique Raisin
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L'Hôtellerie Restauration n° 3032 Hebdo 7 juin 2007 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE

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