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du 12 octobre 2006
L'ÉVÉNEMENT

VERS UNE ANNULATION DE L'ACCORD DU 13 JUILLET 2004

VERS LA FIN DES 39 HEURES POUR LES CHR

Le commissaire du gouvernement a recommandé devant le Conseil d'État l'annulation de l'accord du 13 juillet 2004, pour soumettre les salariés des CHR aux 35 heures. Le Conseil d'État rendra sa décision dans 3 semaines.


Didier Chenet, Jacques Bellin et Laurence Lechaptois analysant les conséquences des conclusions du commissaire du gouvernement à l'issue de l'audience du Conseil d'état.

Faute d'un accord entre les partenaires sociaux, et ce, malgré les négociations marathon instaurées ces dernières semaines, c'est le Conseil d'État qui va être appelé à se prononcer sur la durée du travail dans les CHR. Lundi après-midi en audience au Conseil d'État, le commissaire du gouvernement a conclu au bien-fondé du recours de la CFDT demandant l'annulation de l'accord du 13 juillet 2004. Accord qui a instauré notamment la 6e semaine de congés conventionnels, les 2 jours fériés supplémentaires en contrepartie du maintien de la durée du travail à 39 heures.
Mais dans ses conclusions, le commissaire du gouvernement considère que trois titres de cet accord peuvent continuer à s'appliquer même en cas d'annulation de ce dernier. Il s'agit du titre IV relatif au statut des cadres qui distingue 3 catégories de cadres et prévoit une rémunération minimale ainsi qu'une indemnité de départ à la retraite majorée. Le calcul du Smic hôtelier instauré par l'accord en faisant disparaître la déduction de la valeur de la demi-nourriture dans le salaire de base pourrait être maintenu. Quant au régime de prévoyance mis en place par cet accord, il continuerait à être applicable.
Par contre, il a conclu à la non-validité de la durée et de l'aménagement du temps de travail qui est fixé à 39 heures par semaine. S'il reconnaît la validité des heures d'équivalence pour certaines professions, il rappelle que leur réglementation est très encadrée. En effet, les heures d'équivalence permettent de faire travailler les salariés - 39 heures pour les CHR - à une durée supérieure à la durée légale de travail, soit 35 heures en raison de temps d'inaction. Mais ces heures d'équivalence ne peuvent s'appliquer à tous les salariés d'un secteur d'activité et l'accord aurait dû préciser les salariés concernés et notamment exclure le personnel administratif. Outre cette condition de fond, il est aussi reproché un vice de forme. En effet, le ministère du Travail a dû publier un arrêté afin de rendre cet accord obligatoire à toutes les entreprises du secteur. Mais il doit aussi au préalable prendre un décret pour valider ce régime d'heures d'équivalence. Le décret et l'arrêté ont été publiés le même jour au Journal officiel.
L'annulation de ces heures d'équivalence entraîne l'annulation de la 6e semaine de congés payés, ainsi que les 2 jours fériés supplémentaires, et la réglementation sur le travail de nuit.
Mais l'annulation de cet arrêté d'extension n'est pas sans conséquence. Il faut faire comme s'il n'avait jamais existé et n'était jamais entré en application. En conséquence, les salariés vont se trouver soumis au droit commun, c'est-à-dire à 35 heures par semaine, et ce, à partir du 1er janvier 2005, date d'entrée en vigueur de cet accord. Les salariés seront donc en droit de demander la majoration des heures travaillées entre la 36e et la 39e pendant toute cette période antérieure. Le commissaire du gouvernement n'a pas considéré comme probants les arguments des 3 organisations patronales pour refuser de faire jouer la rétroactivité.

Heures supplémentaires contre 6e semaine de congé
Le Conseil d'État devrait rendre sa décision d'ici à 3 semaines, soit à la fin du mois d'octobre. Dans la grande majorité des cas, le Conseil d'État suit les recommandations du commissaire du gouvernement. Même si le collège patronal espère toujours que les sages ne fassent pas jouer la rétroactivité.
Concrètement, les salariés des CHR vont être soumis à la durée légale du travail de 35 heures par semaine à partir de la date où le Conseil d'État va rendre sa décision avec effet à partir du 1er janvier 2005. Ils vont donc être en droit de demander un rappel de salaire pour le paiement des heures effectuées entre la 36e et la 39e. Mais pour beaucoup d'entre eux, cela veut dire aussi aller devant les prud'hommes pour obtenir la majoration de ces heures. L'annulation de l'accord et de tous ses effets entraîne aussi l'annulation de la 6e semaine de congés conventionnels, que le salarié avait commencé à comptabiliser en juin 2005 pour une prise effective à partir de mai 2006. Sans parler des salariés embauchés en contrat à durée déterminée, comme par exemple les saisonniers ou les extras et qui ont bénéficié d'une indemnité de congés payés de 12 % prenant en compte cette 6e semaine de congés conventionnels, depuis le mois de juin 2005. Si les employeurs vont payer la majoration de ces heures, entre la 36e et la 39e, ils vont pouvoir aussi demander le remboursement de ce trop-perçu. En outre, la majoration de ces 4 premières heures pour les entreprises de moins de 20 salariés est fixée à 10 %. En sachant que 95 % des entreprises du secteur sont des TPE, il n'est pas vraiment sûr que ce calcul soit vraiment favorable au salarié qui voit disparaître sa 6e semaine de congé pour le paiement de ces heures. Il est vrai que pour les entreprises de plus de 20 salariés, cette majoration sera quant à elle de 25 % de la 36e à la 39e. Plus que le rappel de salaire, c'est surtout les répercussions de cette décision sur les fiches de paie de leurs salariés qu'il va falloir recalculer à partir du mois de janvier, sans parler du montant des allègements de charges sociales qui devra être calculé différemment, en raison de la majoration de ces heures.

Des syndicats de salariés partagés
"Les conclusions du commissaire du gouvernement montrent que nous ne nous sommes pas trompés", déclare Johanny Ramos de la CFDT, à l'issue de l'audience. "Normalement le Conseil d'État devrait nous donner gain de cause sur tout. Sur la prévoyance, mais aussi le rattrapage des heures avec la rétroactivité. Jusque-là, c'est tout bénéfice pour les salariés. Il s'agit d'une grande victoire pour les salariés", conclut le représentant de la CFDT.
Même satisfaction du côté de la CGT. "Je suis très satisfait des conclusions du commissaire du gouvernement qui nous donne raison. Nous revendiquons depuis très longtemps un retour au droit commun pour cette profession, pour qui la dérogation n'était plus justifiée", déclare Stéphane Fustec.
Position beaucoup plus mitigée pour FO. Toutefois, il faut préciser que cette organisation syndicale était signataire de l'accord du 13 juillet 2004 aux côtés de la CFT et de CFE/CGC avec l'Umih, le GNC et la CPIH pour les organisations patronales. Pour Denis Raguet de FO, "cela va entraîner un énorme préjudice pour les salariés qui vont perdre la 6e semaine de congés conventionnels, mais aussi les 2 jours fériés supplémentaires, pour revenir aux 35 heures de droit commun. En tout état de cause, aujourd'hui, on est encore dans l'attente d'une décision juridique. On va se trouver dans l'obligation de demander aux organisations patronales de négocier afin de pouvoir retrouver un accord équivalent à celui de 2004".
"C'est un réquisitoire sévère contre cet accord. Mais c'est aussi une condamnation des politiques qui n'ont pas assuré la sécurité de cet accord", considère le président du Synhorcat,
Didier Chenet. "Nous souhaitons que cette décision soit l'occasion pour la profession de reconstruire un nouvel accord, cette fois-ci juridiquement stable et prenant réellement les nécessités et spécificités du secteur des CHR", estime Didier Chenet.

Un réquisitoire sévère pour les employeurs
Par ailleurs, le Synhorcat considère que la suppression de la 6e semaine de congés payés, dont il avait fortement critiqué l'instauration, doit maintenant permettre de prendre des mesures adaptées aux demandes des salariés et de leurs employeurs, avec notamment la mise en place d'une véritable grille de salaires, ainsi que celle d'un mode organisationnel en adéquation avec les demandes de la clientèle. Pour Didier Chenet, "le Conseil d'État offre là une belle opportunité au collège patronal de s'unir pour reprendre les négociations". Le président de la Fagiht, Jacques Jond, n'est pas surpris par les conclusions du commissaire du gouvernement, même s'il déclare "que ce résultat n'est pas satisfaisant pour la profession dans son ensemble, autant du côté des employeurs que des salariés. Il s'agit d'une décision grave de conséquence".

Un accord perdant-perdant
Pour l'Umih, la CFDT a réussi à transformer un accord gagnant-gagnant en un accord 'perdant-perdant'. Les accords de juillet 2004 prévoyaient une 6e semaine de congés payés, un Smic supérieur de 280 euros au Smic de droit commun et 2 jours fériés.
Perdant-perdant : désormais, le temps de travail passerait à 35 heures, le Smic serait réduit au niveau du droit commun et la 6e semaine sera perdue pour les salariés.
L'Umih attend la décision du Conseil d'État pour la fin octobre. Son objectif est de renégocier un accord pérenne entre l'ensemble des organisations patronales et les organisations de salariés.
"Tout le monde est perdant, y compris les salariés, considère Jean-François Girault de la CPIH. On se bat depuis 5 ans pour négocier des avancées significatives qui sont remises en cause non par les partenaires sociaux, mais par la justice. Je regrette que le commissaire du gouvernement demande l'annulation de cet accord sur des vices de forme et non pas sur le bien-fondé des dispositions. Il s'agit plus de malfaçon que d'intention de mal faire."
Pascale Carbillet
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Voir l'article qui suit sur le sujet :
Annulation de l'accord de 2004, confusion totale (n° 3000 du 26 octobre 2006)

Voir l'article qui précède sur le sujet :
Temps de travail dans les CHR, les négociations bloquent sur les heures d'équivalence (n° 2996 du 28 septembre 2006)

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L'Hôtellerie Restauration n° 2998 Hebdo 12 octobre 2006 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE

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