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du 12 janvier 2005
HISTOIRE DE

HÔTEL MARTINEZ

ROBERT GINOYER SE RANGE DES VOITURES

Cannes (06) Le chef voiturier du Martinez a pris sa retraite après 46 années de bons et loyaux services.


Robert Ginoyer est la mémoire vivante du Martinez.

Robert Ginoyer, tout le monde le connaît à l'Hôtel Martinez à Cannes. Et réciproquement. Les employés, mais aussi les clients qui lui confient les clés de leur voiture depuis 1990, année à laquelle il est devenu 'jockey' (chauffeur) avant de passer voiturier, puis chef voiturier en 2001, et après avoir occupé les postes d'assistant loge de nuit, postier, liftier, chasseur et groom. Pour lui, le Martinez est quasiment une 'histoire de famille'. Dans le domicile familial, quartier de la gendarmerie, il a consacré une pièce pour stocker les 800 CD qu'il a gravés, des heures de films relatant les grands moments de la vie de l'hôtel de La Croisette. "J'ai toujours une caméra ou un appareil photo dans le coffre", commente-t-il amusé. à 61 ans, le nouveau retraité compte bien profiter de son temps libre pour numériser les 100 films super 8 restants. Pas étonnant que sa femme Jeannine lui disait simplement "Va à ton hôtel" quand il partait travailler. Retraité depuis presque 1 mois maintenant, Robert Ginoyer joue, à sa façon, les prolongations. Le Cannois passe tous les jours devant le Martinez pour accompagner son petit-fils à l'école. Et ne se fait pas prier pour rendosser l'uniforme à l'occasion d'une interview.

Coluche, Jean Gabin
Assis dans le bar de l'hôtel, sa casquette marron (la marque distinctive du voiturier), assortie à son costume, posée sur la table basse, l'ancien salarié tourne doucement les pages de l'un des (nombreux) albums qu'il a consacré au Martinez. Sur sa poitrine à gauche, son nom Robert est épinglé. Les années et les anecdotes défilent. Là, une photo de Coluche avec lequel il a eu la joie de manger dans l'arrière-pays niçois, ou encore un cliché de cette BMW entrée carrément dans le hall de l'hôtel à la faveur d'une course-poursuite. "Le directeur de l'hôtel m'a appelé à 4 heures. Quand je suis arrivé il m'a dit : 'Ce nouveau parking vous convient-il ?'", se remémore-t-il amusé. Un de ses plus beaux souvenirs remonte à ses 15 ans. Le jeune garçon, qui est groom, se trouve devant la porte avec des voituriers quand arrive Jean Gabin. "Il est venu droit sur moi. J'étais impressionné. Il m'a tapé sur l'épaule et dit : 'Robert, n'aie pas peur. Je ne vais pas te manger'." Des bons moments. Et des tristes aussi. Comme ce matin du 16 décembre 1968 où son père se fait mortellement faucher par une voiture, juste devant l'hôtel.

"Faire de mon mieux"
C'est grâce à son père, Léon, chef électricien du palace, qu'il fait ses premières armes en 1959 en tant que groom. Il a 15 ans. À l'époque, on l'appelle "le petit". 1 à 2 heures en extra, assez pour se rendre compte que le monde de l'hôtellerie lui plaît bien. Une passion du travail qui ne l'a jamais quitté. "On savait que cela pouvait être dur, notamment à cause des horaires, mais finalement, l'ambiance faisait passer les difficultés", explique-t-il. Et d'ajouter : "C'est pour cela que l'on reste." "Restait", corrige le retraité. "J'ai toujours essayé de faire de mon mieux. Les voituriers sont les premiers à accueillir les clients", poursuit-il. Sa recette ? Sourire, politesse, sens de l'accueil et de la discrétion… "Je viens d'une famille d'ouvriers, et j'ai pu rencontrer des stars, des hommes politiques, tout en sachant rester à ma place, sans être envieux." Pas le temps de rêver. À la maison, ses 3 enfants occupent ses coupures et jours de repos. À l'hôtel, ce sont ses obligations au comité d'entreprise. Et sa traditionnelle prestation de père Noël assurée depuis 1979 lors de la cérémonie du sapin de Noël offert par la direction pour les enfants des salariés. "Une fois, j'ai oublié d'enlever ma gourmette. Mes enfants ont eu de gros doutes sur l'identité du père Noël !", raconte-t-il. En décembre dernier, il a rangé sa tenue rouge (confectionnée par sa femme). "Je compte bien la remettre l'an prochain, en famille."
À l'époque des débuts de Robert Ginoyer, le Martinez appartenait au domaine public. En 1981, il entre dans le giron de la famille Taittinger qui le cède, l'été dernier, au fonds de pension Starwood Capital. Témoin en première ligne de l'histoire du palace, l'ancien voiturier y a puisé une grande partie de sa motivation. "J'ai vu l'hôtel se transformer, embellir. La clientèle est montée en puissance de même que les équipes. C'est vrai que cela était très encourageant pour nous." Actuellement, selon lui, "il ne reste que 3 ou 4 anciens dans mon cas, la plupart bagagistes". Et s'il se réjouit que des jeunes prennent la relève, il reste lucide sur le changement de mentalité et d'attitude. "Ils ne feront jamais 40 ans dans un même établissement. Ils ont des opportunités pour aller travailler à l'étranger, ils bougent."
Pêche, jeu de boules avec les copains, chasse et vie de famille, les jours s'annoncent déjà bien remplis. "J'étais prêt à partir", précise Robert Ginoyer. Peut-être que, au hasard de ses pas, il échouera chez l'un de ses copains garagistes, dans le quartier, chez lequel il avait pris l'habitude d'aller se documenter sur les grosses cylindrées qui lui passaient entre les mains. "Les gros cubes, c'est pour le chef voiturier." Sa favorite : la dernière Rolls Royce Phantom, celle qui a un parapluie dans chacune des portières arrière. "Un bijou."
Lydie Anastassion
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EN DATES
1944   
Naissance à Cannes

1959   
Robert Ginoyer entre comme groom au Martinez en tant qu'extra

Avril 1964   
Mariage avec Jeannine

Juin 1964   
Embauché définitivement comme chasseur

Décembre 1968   
Décès de son père

2001   
Passe chef voiturier

Avril 2005
Reçoit la médaille d'or du Travail
Décembre 2005   
Prend sa retraite

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L'Hôtellerie Restauration n° 2959 Hebdo 12 janvier 2006 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE

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