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du 6 octobre 2005
GASTRONOMIE

Nouvelles clientèles, nouveaux comportements et modes de consommation… les brigades de salle sont en première ligne de l'évolution de la restauration gastronomique.
Lydie Anastassion

Vers un renouveau du service en salle


Philippe Caillouet, directeur de salle de La Palme d'Or à l'Hôtel Martinez à Cannes (06) et Meilleur ouvrier de France.

Habituée à avoir une place de choix dans les médias, la cuisine, son évolution et ses chefs parfois, monopolise le débat. Rien sur la salle. Pourtant, il fut un temps où les maîtres d'hôtel tenaient le haut du pavé. Dans les années folles, quand le savoir-vivre et la discrétion étaient les maîtres mots, et le repas presque relégué au second plan. Depuis, la révolution gastronomique - nécessaire - étant passée par là, les transferts des cuisiniers prennent des allures de Mercato footbalistique. Plus exposées et paradoxalement ignorées, les équipes de salle doivent dans le même temps assurer une continuité de la prestation, se mettre au diapason des nouvelles clientèles, des nouveaux comportements et des modes de consommation. Tout sauf de l'immobilisme.
"Dans le futur, à quoi pourrait ressembler un restaurant étoilé s'adaptant à tous les types de clientèle ?", demande Denis Courtiade, directeur du restaurant Alain Ducasse (3 étoiles au guide Michelin) au Plaza Athénée à Paris. "Le restaurant a terminé d'imposer quoi que ce soit aux clients, comme par exemple le port de la cravate. Maintenant, la tendance est plutôt au relâchement vestimentaire. Le restaurant étoilé de demain se doit d'être ouvert à tous les types de clientèles, d'un côté, les tenants des traditions qui veulent que les choses restent telles qu'elles, de l'autre, ceux qui grâce à un pouvoir d'achat nouvellement acquis, par exemple, découvrent nos restaurants." 'Sa' solution : un restaurant modulable en fonction de la clientèle. "La prestation est identique pour tous, mais les clients trop 'différents' ne se voient pas", explique-t-il. La clé du succès : cultiver l'élitisme tout en devenant contemporain.
Savoir être, commercialisation, de nouvelles exigences prennent le pas sur les compétences techniques. Même si elles doivent être extrêmement bien maîtrisées, les techniques se sont simplifiées. En salle, le guéridon autour duquel s'élaborait l'échange entre le maître d'hôtel et le convive se fait de plus en plus rare. "On a bien souvent choisi de supprimer les découpages alors qu'il aurait peut-être suffi de faire évoluer les techniques afin d'être en accord avec les contraintes économiques", constate Philippe Caillouet, directeur de salle de La Palme d'Or à l'Hôtel Martinez à Cannes (06) et Meilleur ouvrier de France.

Accueil et conseil
La relation se joue principalement au niveau de l'accueil et du conseil prodigué au client par le serveur. "La mutation de l'assiette va de pair avec celle du personnel de salle", constate Francis Sellam, professeur de restaurant au lycée hôtelier Jean Quarré à Paris (XIXe). "Dans les établissements très haut de gamme, les connaissances techniques pèseront moins au moment du recrutement que le bagage intellectuel", précise-t-il. Un point de vue partagé par Franck Languille, président de l'Association de la coupe Georges Baptiste : "Le maître d'hôtel sera trilingue, aura voyagé, sera mobile, en plus de posséder un cursus hôtelier."
Habitués au sur mesure, les clients veulent au restaurant une assiette non imposée. Un exercice qui peut se révéler difficile, mais qui, à coup sûr, fidélise. "Or, c'est bien la brigade de salle qui prendra note de cette demande de sur mesure, la proposera même dans certains cas si elle connaît bien ses clients et qui la fera remonter au chef", poursuit Denis Courtiade. 'Plus' au service du client et 'moins' au service de la cuisine ? "La notion de service, c'est anticiper, déceler les attentes du client avant qu'il ne les ait exprimées", résume Philippe Caillouet.
"Comment redonner l'envie et le plaisir à l'action de service ?", questionne encore Denis Courtiade. Pour attirer et surtout fidéliser ces employés qualifiés, les employeurs doivent mettre en place une politique managériale. Au restaurant Alain Ducasse au Plaza Athénée, le directeur confie une mission à chacun de ses employés. Chargé de l'approvisionnement en fromages, de leur mise en place et présentation sur le chariot, le serveur va être amené à rencontrer les fournisseurs et les affineurs. "En résumé, le chargé de mission doit nous apporter des idées, des innovations, des solutions. Il est ensuite mis en avant par et pour le travail qu'il a accompli et le résultat validé", explique Denis Courtiade. Et de mettre en avant certaines des créations de son équipe nées grâce aux 'ateliers de créativité' : ramasse-miettes modernisé, nouveaux uniformes, musique d'ambiance pour le restaurant, cache paquet de cigarettes… "Redonnons aux garçons de salle responsabilités, liberté de décision, implication sur les cartes et les menus, sur les stratégies de vente", invite-t-il encore, avant d'ajouter : "En les écoutant, certains chefs pourraient même y entendre les commentaires constructifs des clients, car le client est notre richesse. Et le maître d'hôtel, celui qui lui apporte l'addition." < zzz46s zzz68m

2 QUESTIONS À GIL GALASSO, MOF 2004, ENSEIGNANT AU LYCÉE HÔTELIER DE BIARRITZ : "DÉDRAMATISONS LE SERVICE EN RESTAURATION"
Polyvalents, les maîtres d'hôtel doivent être capables de renseigner et de conseiller les clients sur les accords mets et vins.


Ici, Gil Galasso (MOF 2004) en pleine épreuve de dégustation lors de la dernière édition du concours des MOF maître du service et de la table. Outre la reconnaissance de 5 vins, les candidats devaient dégager des arguments permettant de les accorder avec un même plat.

L'Hôtellerie Restauration Quel profil doit avoir, selon vous,un jeune professionnel ?
Gil Galasso
Au-delà de savoir parler sur les produits, ainsi qu'on le lui enseigne à l'école, il doit maîtriser d'autres sujets démontrant ainsi un bon niveau de culture générale et une élocution irréprochable. Cela ne remet pas en cause les savoirs indispensables sur les produits, les vins, les cuissons, mais on se rend compte que l'ensemble de ces savoirs ne représente qu'une faible part des sujets abordés par les clients.

Comment revaloriser les techniques de salle ?
Premièrement, dédramatisons le service au restaurant. La revalorisation des techniques de salle passe par davantage de spectacle devant le client. Par exemple, il serait intéressant de jeter un oeil sur les techniques de jonglage avec les couverts développées au Japon, même si je suis parfaitement conscient que ce type de démonstration ne peut pas s'adapter dans certaines maisons. À l'aide de magiciens professionnels, et de sites dédiés à la magie, j'ai travaillé sur 4 à 5 tours de magie en rapport avec les arts de la table. Aux États-Unis, c'est assez fréquent qu'un magicien professionnel apparaisse les vendredis et samedis soir, en revêtant un uniforme de chef de rang lambda, ce qui laisse croire aux clients qu'il fait partie de l'équipe du service, ou plus exactement que tous les serveurs ont cette capacité.

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