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du 27 janvier 2005
HÉBERGEMENT

JACQUES JOND, PRÉSIDENT DE LA FAGIHT, LANCE UN CRI D'ALARME

L'HÔTELLERIE SAISONNIÈRE SE MEURT EN FRANCE

Dans le cadre du rapport général sur le devenir de l'hôtellerie indépendante française, la Fagiht a réalisé une analyse spécifique quant à l'avenir des entreprises saisonnières (moins de 9 mois d'activité par an). Ce type d'hôtellerie subit à l'évidence de manière aggravée toutes les vicissitudes rencontrées par l'hôtellerie indépendante. Pire, elle disparaît à vitesse grand V. Pour comprendre, découvrez dans son intégralité le rapport rédigé par Jacques Jond.

Pour ne pas se perdre dans des moyennes nationales qui occultent presque toujours les situations particulières, nous choisirons les références statistiques élaborées tout spécialement dans les Alpes du Nord, où l'évolution négative massive est inquiétante, non seulement au niveau professionnel hôtelier, mais aussi au plan de l'économie régionale et de l'aménagement du territoire.

Pourquoi ?
Les études de localisation et de taux de pénétration de l'hôtellerie saisonnière en France, menées par l'ONT, ont montré que le territoire le plus concerné par la saisonnalité est celui des Alpes (du Nord au Sud), en nombre d'hôtels de tourisme. Ce territoire connaît 2 saisons : hiver et été, tout spécialement dans les Alpes du Nord où l'on trouve, outre la plus forte concentration de stations de sports d'hiver en France (plus de la moitié), une forte présence de stations thermales dont plusieurs parmi les plus importantes de France, telles Aix-les-Bains, Évian, Brides-les-Bains… et également la plus forte concentration française d'hôtellerie de bords de lac (lac Léman, lac d'Annecy et lacs du Bourget et d'Aiguebelette).
Ce territoire est en outre couvert par quelque 150 stations dont la vocation est saisonnière. Leur hôtellerie ne peut d'ailleurs être que saisonnière. Pour des raisons climatiques incontournables, les incantations en faveur d'une ouverture sur 4 saisons sont une utopie pour tenter d'échapper aux réalités : les conséquences néfastes d'un tel irréalisme sont là.
Ces atouts touristiques de premier plan, la double saisonnalité pour au moins une moitié du parc hôtelier, auraient dû théoriquement permettre une meilleure résistance qu'ailleurs. Il
n'en est rien car, en fait, les mois de fréquentation 'rentables' sont au mieux de 4 par an, sauf exception.

Les pertes et les causes
L'ajout de mois supplémentaires d'ouverture, et donc de périodes de sous-fréquentation inéluctables, ne ferait qu'accélérer la disparition de cette hôtellerie ouverte en moyenne de 6 à 7 mois par an. Les charges financières liées à l'investissement (durée et taux des emprunts), les impôts locaux et les charges sociales, sont encore plus insupportables pour l'hôtellerie saisonnière que pour l'hôtellerie à l'année, en particulier par rapport à celle qui est implantée dans les centres urbains importants.
Notons que sur 3 961 hôtels saisonniers encore dénombrés à ce jour, seuls 28 sont des hôtels de chaînes intégrées : les financiers choisissent la rentabilité en se concentrant sur les centres urbains et les échangeurs autoroutiers. On les comprend…

Notre échantillon étudié de manière approfondie dans les Alpes du Nord concerne tout spécialement les deux Savoie :
• Stations de sports d'hiver et de montagne d'été ;
• Stations thermales et centres de villégiature d'été moyenne (montagne et bords de lacs).

En effet, il apparaît que l'autre région française de grand tourisme la plus saisonnière, la Côte d'Azur (soit les Alpes-Maritimes et le Var), présente des caractéristiques beaucoup moins typées, sans doute à cause de la présence de très importantes agglomérations, voire de métropoles comme Nice, Toulon, Cannes où l'hôtellerie permanente est largement prédominante, alors que l'hôtellerie saisonnière représente 50 % du parc total dans les Alpes de Savoie et 53 % des chambres.

Cette hôtellerie saisonnière ne représente que 22 % du parc total sur la Côte d'Azur et 17,6 % en chambres. La Côte d'Azur est donc peu significative puisque la présence de l'hôtellerie saisonnière est pratiquement identique à la moyenne française des régions les plus touristiques.

Évolution de l'échantillon Alpes de Savoie
En 10 ans, les seuls établissements saisonniers Alpes de Savoie constituant la moitié du parc hôtelier tourisme ont perdu 21 % de leurs effectifs et 14 % de leurs chambres. La perte totale du parc hôtelier étant de - 12 % (permanents et saisonniers), ce sont donc les 'saisonniers' qui ont subi la quasi totalité des disparitions d'hôtels indépendants de tourisme, la présence des chaînes étant relativement faible (5 % des établissements). Celles-ci contribuent à ramener la perte globale en chambres à - 9 %, compte tenu de leur capacité supérieure à la moyenne.
L'hôtellerie saisonnière (toujours indépendante) subit en quelque sorte de manière aggravée toutes les vicissitudes de l'hôtellerie indépendante en France.
Cette réalité nationale mise en exergue ci-dessus à partir d'un exemple majeur et incontournable est confirmée dans les autres régions françaises de grand tourisme dotées de stations thermales, de montagne d'été et de sports d'hiver, ou bien de stations balnéaires.
Le taux de pénétration beaucoup plus faible de l'hôtellerie saisonnière dans les régions hors Alpes de Savoie (tel moins de 22 % du parc hôtelier de tourisme contre plus de 50 %) et l'importance limitée en valeur absolue des hôtels saisonniers dans beaucoup de départements expliquent sans doute pourquoi l'économie locale, beaucoup moins touchée globalement par la disparition de l'hôtellerie saisonnière, réagit peu à un phénomène négatif grave et très marqué :

• Alpes de Savoie (2 départements) : 21 % de disparition d'hôtels de tourisme saisonniers en 10 ans, soit 134 établissements.
• Côte d'Azur (2 départements) : 12 % de disparition d'hôtels de tourisme saisonniers en 10 ans, soit 34 établissements.
• Pyrénées (5 départements) : 21 % de disparition d'hôtels de tourisme saisonniers en 10 ans, soit 94 établissements.
• Côte Atlantique (5 départements) : 20 % de disparition d'hôtels de tourisme saisonniers en 10 ans, soit 66 établissements.
• Bretagne (4 départements) : 16 % de disparition d'hôtels de tourisme saisonniers en 10 ans, soit 40 établissements.
• Auvergne (4 départements) : 29 % de disparition d'hôtels de tourisme saisonniers en 10 ans, soit 96 établissements.
Quant aux disparitions d'hôtels de tourisme saisonniers dans les Vosges, le Jura et le Doubs, elles atteignent des sommets en pourcentage par rapport à 1994, avec une diminution moyenne de 40 % de leur parc (soit 44 établissements).
Il ressort de l'analyse de ces résultats que la montagne d'été ou de sports d'hiver connaît le plus grave recul.  

Quels remèdes ?
Les aides régionales à la modernisation, aux agrandissements ou au financement des normes de sécurité, particulièrement développées en France pour l'hôtellerie, sont insuffisantes et peuvent même parfois pousser le chef d'entreprise à effectuer de gros travaux difficiles à amortir par la suite, dans le secteur de l'hôtellerie saisonnière. Si la France veut sauver ce qu'il reste de son parc d'hôtels saisonniers, particulièrement précieux dans le cadre de l'aménagement du territoire, parce qu'implanté dans des zones économiques fragiles de montagne ou du littoral, il est indispensable que le gouvernement intervienne largement sur des paramètres essentiels et non par des 'mesurettes' sans effets déterminants :
• Allongement de la durée des prêts à l'investissement (de 20 à 25 ans) pour les constructions, agrandissements et rénovations fondamentales.
• Réduction des frais financiers par bonification des taux d'intérêts ou tout autre moyen.
• Réduction, proportionnelle à la durée d'ouverture des hôtels saisonniers, des impôts locaux ou autres, du type des taxes foncières.

Ces pistes fondamentales ne sont pas exhaustives. Ce qui est certain, c'est que la plupart des mesures en vigueur pour l'industrie hôtelière permanente sont inadaptées aux entreprises saisonnières. Ce qui est certain aussi, c'est que l'industrie hôtelière saisonnière connaît et subit des problèmes spécifiques complexes et onéreux (recrutement du personnel sans cesse renouvelé, logement, nourriture, lenteur des retours sur investissements disproportionnés au CA possible). Cette vulnérabilité de l'hôtellerie saisonnière accompagnée pour le chef d'entreprise d'une prise de risques croissante, y compris sur ses biens, conduit à poser au gouvernement cette question lapidaire : "Estimez-vous prioritaire ou au moins très important pour la France de conserver son parc d'hôtellerie saisonnière, comme la Suisse ou l'Autriche, au titre de l'économie, de l'emploi, et surtout de l'aménagement du territoire ? Si oui, vous engagez-vous à entreprendre sans délai les réformes assurant sa survie ?" Le gouvernement est bien entendu libre de faire d'autres choix s'il ne considère pas l'hôtellerie saisonnière comme une pierre angulaire de l'économie touristique en France. Alors, il faut qu'il le déclare clairement aux chefs d'entreprise, pour que ceux-ci puissent à temps reconvertir leurs établissements en studios, appartements, résidences secondaires ou autres. zzz36v

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L'Hôtellerie Restauration n° 2909 Hebdo 27 janvier 2005 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE

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