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du 21 juillet 2005
HÉBERGEMENT

ALORS QU'UN VASTE EFFORT DE MODERNISATION S'IMPOSE

L'HÔTELLERIE FRANÇAISE DOIT S'INVENTER UN NOUVEL AVENIR

Par Mark Watkins, Coach Omnium


Ma quête est d'alerter les pouvoirs publics et les professionnels afin que l'on fasse quelque chose pour notre hôtellerie. Mark Watkins

Mes collaborateurs et moi n'avons pas pour habitude de porter un regard autre que rationnel sur l'économie ou sur un secteur d'activité, y compris l'hôtellerie dans laquelle nous sommes spécialisés. Coach Omnium est une société d'études dont les consultants tentent dans leur travail au quotidien d'analyser objectivement et "sans faire de sentiments" les évolutions du marché. Nos clients n'attendent pas autre de nous. Notre impartialité et notre liberté de conscience font la réputation de Coach Omnium.
Pour autant, à la lumière de quantités d'enquêtes faites auprès de la clientèle hôtelière depuis plus de 20 ans (Coach Omnium interroge chaque année entre 25.000 et 30.000 clients d'hôtels et de restaurants), de grands nombres d'audits et de visites d'hôtels réalisés, mais aussi en suivant les indicateurs conjoncturels, j'en arrive au constat que… l'hôtellerie va mal !
Loin de tout catastrophisme, je veux tirer la sonnette d'alarme pour évoquer une hôtellerie qui commence à être enrobée dans des difficultés inextricables. Ma démarche pose les problèmes de la pérennité de l'hôtellerie en France, du doute de l'existence d'une hôtellerie de qualité sans être obligé de chercher dans le haut de gamme, d'une frustration de la clientèle hôtelière et enfin de l'image même de la France et de son tourisme. Au moment où l'on présente notre pays comme la première destination touristique du monde, où Maison de la France doit se doter de moyens supplémentaires de promotion et où l'on mesure que le poids des recettes et des emplois touristiques n'est pas si négligeable que cela, il est temps de prendre conscience de la réalité de l'hôtellerie dans notre pays.
On estime que près d'un quart de l'hôtellerie française classée est vieillissante, voire vétuste et qu'un bon tiers est à bout de souffle dans son produit. Quant au restant de l'hôtellerie, à peine 1/6e du parc serait irréprochable. Car notre offre hôtelière est devenue minimaliste, sans valeur ajoutée, pauvre, lassante. Ce sont les consommateurs qui le disent. Les professionnels qui se montrent fiers de leur bon accueil doivent savoir qu'un sourire à la réception d'un hôtel ne peut pas faire oublier au client la déception qu'il perçoit une fois qu'il referme la porte de sa chambre derrière lui.
Il ne s'agit pas pour moi de donner une opinion sur les changements profonds qui se sont opérées dans le monde des groupes hôteliers, dont beaucoup dépendent à présent de fonds d'investissements aux stratégies purement spéculatives. Mon objectif n'est pas non plus d'accuser et de dénoncer les fauteurs de troubles, et encore moins de jouer au donneur de leçons. Ma quête est d'alerter les pouvoirs publics et les professionnels qu'il faut faire quelque chose pour notre hôtellerie. Elle s'appauvrit de jour en jour en même temps qu'elle augmente ses prix exagérément. Bientôt, elle ne sera plus capable de plaire à sa clientèle, qui se dit déjà lassée par ce qu'elle trouve.
Qui parle de la situation de notre offre hôtelière en train de péricliter ? Pas les syndicats hôteliers qui se concentrent sur leur rôle de défenseurs de la profession, notamment avec leur combat pour la baisse de la TVA ou encore la revalorisation de notre branche auprès des jeunes. Pas les associations de consommateurs qui ne se préoccupent que rarement de l'hôtellerie en France. Quant aux groupes hôteliers, malgré leurs moyens de faire avancer l'offre, ils n'ont pas pour vocation de s'intéresser à l'ensemble de la profession. Ils ont déjà fort à faire dans leur propre activité. Les uns et les autres acteurs ne traitent qu'une petite partie du problème.
Or, ce problème de l'hôtellerie concerne bien plus de thèmes que ceux abordés par les collectifs de professionnels. La plupart de ces sujets doivent être traités en urgence, mais aussi en profondeur. Dans un secteur qui ne sait pas anticiper, qui ne possède plus aucun visionnaire, qui est très conservateur, où l'innovation est rare,… ce message sera difficile à passer.
Je le dis par avance, mon propos ne sera pas forcément positif. Il ne faudra pas attendre de moi que je présente avec la langue de bois une image idyllique de la profession. Ce que j'ai à dire ne plaira pas à tout le monde. Quand quelqu'un a le cancer, il faut le lui dire et ne pas faire passer la maladie pour un simple rhume. C'est donc un électrochoc qu'il faut passer à l'hôtellerie, pour que le cœur reprenne force et vigueur.
J'aime l'hôtellerie depuis toujours et je n'ai qu'une envie : qu'elle aille mieux et que sa clientèle retrouve clairement du plaisir à la fréquenter. Cependant, j'ai le sentiment que les hôteliers et ceux qui les entourent commettent un acte manqué, un gâchis. Bref, peut mieux faire… à condition de prendre conscience de la réalité de la situation, de recouvrer une rentabilité et d'être aidés. Enfin, personne ne pourra m'accuser de ne voir que le mauvais côté de la médaille. Les ouvrages que j'ai écrit et les nombreux études, analyses et articles sur l'hôtellerie que j'ai eu l'occasion de publier dans le presse professionnelle et économique depuis près de 15 ans confirmeront que j'ai plutôt tendance à aider la profession, qu'à l'accuser. C'est en tout cas ce que j'ai la faiblesse de penser.
Passé ce stade du constat que je vais développer ci-après de manière sans doute trop sommaire et je m'en excuse d'avance, il sera temps de réunir les bonnes volontés du côté du privé comme du public, pour trouver des solutions afin d'améliorer l'offre hôtelière, de la porter vers l'excellence et que celle-ci serve à l'image du tourisme français. J'en rêverais. zzz36i zzz36v zzz20o

Panorama sur l'hôtellerie - Ce qu'on peut en retenir…

L'évolution de l'hôtellerie classée en France
Le problème de l'hôtellerie non classée
Les nuitées hôtelières
Les chaînes hôtelières
Une fragilisation de l'offre hôtelière française
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Problématique externe à la profession :

- L'imprévisibilité & la dépendance du tourisme
- Des changements d'habitudes de consommer par la clientèle
- La piste aux étoiles brouillée
- Les conséquences des 35 heures
- La chasse aux notes de frais
- L'échec de la qualification/certification
- Des règles concurrentielles complexes
- La CDEC, un tigre de papier
- Des conditions d'exercice défavorables

 

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Problématique interne à la profession :

- Trop de petits hôtels
- Une insuffisance de fonds propres et financement complexe
- Un patent retard de modernité
- Un manque évident d'entretien des hôtels
- Une gestion au jour le jour
- Insuffisamment de rénovations lourdes
- Une prise en compte insuffisante des clients par les hôteliers
- Méconnaissance du marché & de ses mécanismes
- Un grand conservatisme
- La difficulté de trouver du personnel

- Une image floue et inintelligible
- Trop d'indépendants isolés
- Que faire ?

 

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Le parc hôtelier français s’est globalement stabilisé depuis ces dernières années, tournant autour de 18 000 hôtels classés (soit 600 000 chambres disponibles), contre 20 400 en 1991. Il n'existe pas de statistiques officielles sur le nombre d'hôtels non classés, que l'on estime selon les sources à un volume se situant entre 9 000 et 14 000 établissements…

Évolution du nombre d'hôtels classés en France

1994

2004

Variation Hôtels/10 ans

Variation en %

0 & 1 étoile 4 751 3 996 - 755 - 15,9 %
2 étoiles 10 602 9 867 - 735 - 6,9 %
3 étoiles 3 267 3 635 + 368 + 11,3 %
4 étoiles & luxe 527 719 + 192 + 36,4 %
Total 19 147 18 217 - 930 - 4,8%
Source : Insee

En 10 ans, l'offre hôtelière classée s'est peu à peu dégarnie en nombre d'hôtels, perdant 5 % d'adresses. Dans un même temps, elle s'est de plus en plus qualifiée en niveaux de gammes. L'hôtellerie économique — du 0 au 2 étoiles — est passée de 80 % du parc total en 1994 (soit 15.353 hôtels) à 76 % en 2004 (soit 13.863 hôtels), diminuant au passage de 1.490 hôtels. L'offre hôtelière de moyen et de haut de gamme s'est au contraire accrue de 560 hôtels.
La réduction du nombre d'hôtels, avec une concentration de la perte sur les gammes économiques s'explique globalement par :

  • des liquidations judiciaires, notamment dans les petites structures indépendantes à bas prix par manque de rentabilisation et d'attrait par la clientèle,
  • des cessations d'activité par des exploitants prenant leur retraite,
  • un transfert d'hôtels classés vers l'hôtellerie non classée soit par demande volontaire de déclassement (certains hôtels 0 étoile, y compris de chaînes, demandent un déclassement pour échapper à la taxe de séjours dans certaines communes), soit par non conformité avec les normes en vigueur.
  • un redéploiement dans les centre villes où le foncier et les prix de revient plus chers justifient la création d'hôtels plus haut de gamme. La clientèle étrangère recherche également des hôtels 3 et 4 étoiles en centre ville et stimule ainsi la création de ces établissements.

Le problème de l'hôtellerie non classée

En parallèle des hôtels classés se trouvent entre 9.000 et 14.000 hôtels non classés, dit autrefois hôtels de préfecture (car leur contrôle supposé dépendait du ministère de l'intérieur). Tous ne sont pas des établissements non conformes à la demande. On y trouve des petits hôtels de luxe et de charme ne disposant pas de suffisamment de chambres pour être classés. Ou encore des hôtels confortables pour lesquels des détails dans leur produit font qu'ils ne peuvent prétendre à des étoiles. On recense également à ce jour 174 hôtels de chaînes de catégorie superéconomique (0 étoile) ayant demandé à ne plus être homologués. Mais ce vivier marginal regorge aussi de maisons borgnes, louant au mois, ou de pensions. Beaucoup sont insalubres et vétustes, hors d'un vrai contrôle des autorités. Le vrai problème est que ce manque de garantie en matière d'hygiène et de confort est occulté par le fait que tous ces établissements non classés peuvent porter une enseigne "hôtel" comme leur cousines classées. La confusion est donc de mise pour la clientèle, notamment étrangère qui a de fortes chances d'être déçue et de faire des amalgames. Une réglementation devrait certainement s'imposer pour pouvoir distinguer mieux les hôtels de tourisme des autres.

Sur ce même laps de temps, la capacité moyenne des hôtels augmente très légèrement passant de 29 chambres à 33 chambres aujourd’hui. Malgré cette faible évolution, l’hôtellerie française possède cette particularité d’être composée d'une majorité de petits établissements, mais la situation est identique dans le reste des pays européens où la capacité moyenne hôtelière est de 30 chambres par établissement. En ce qui concerne l'hôtellerie française, avec ses 18.000 unités classées, son offre est plutôt hétérogène et inéquitablement répartie en termes de qualité.

La petite taille des hôtels français pose le problème finalement peu évoqué de la rentabilité. On sait qu’en dessous de 40 à 45 chambres environ (selon la gamme et la localisation), il est difficile de s’y retrouver dans ses comptes. Par ailleurs, paradoxalement, plus un hôtel est grand, meilleur est généralement son taux d’occupation car il peut travailler avec plusieurs segments de clientèles complémentaires. Et meilleure est sa rentabilité parce qu’on amortit mieux les charges fixes d’exploitation, qui finalement représentent la majorité des frais (entre 80 et 90 %).
Or, la rentabilité d'une affaire hôtelière lui permet de durer, de réinvestir, de soutenir la qualité de ses équipements et de son confort et par conséquent, de favoriser la satisfaction du consommateur.

Contre toute idée reçue, l’hôtellerie française se modernise, même si la clientèle juge que cela se fait trop modérément et trop lentement. Si on trouve encore de nombreux établissements vieillots ou même vétustes, il se crée globalement près de 4 % d'entreprises nouvelles par an (dont la moitié environ concernent des créations d'hôtels) – soit 626 en 2004 contre 485 défaillances (liquidations judiciaires). Environ 1.500 hôtels ont fait l'objet d'une reprise en 2004. On peut estimer qu'actuellement environ 6 % du parc hôtelier bénéficie chaque année d'une rénovation en profondeur ou au moins significative. Cela reste très insuffisant.

Les nuitées hôtelières – volumes annuels clientèle française et étrangère
Hôtellerie classée en France

Années

Nuitées hôtelières
(en milliers)

Progression/année précédente

Nuitées clientèle française
(en milliers)

Progression/année précédente

1995

144.687

90.348

1996

145.714

+ 0,7 %

90.720

+ 0,4 %

1997

153.283

+ 5,2 %

92.662

+ 2,1 %

1998

161.550

+ 5,4 %

95.286

+ 2,8 %

1999

180.542

+ 11,7 %

108.774

+ 14,1 %

2000

184.530

+ 2,2 %

110.342

+ 1,4 %

2001

191.228

+ 3,6 %

115.576

+ 4,7 %

2002

192.056

+ 0,4 %

114.454

- 0,9 %

2003

184.859

- 3,7 %

115.535

+ 0,9 %

2004 *

180.000

- 2,6 %

113.000

- 1,8 %

* estimation Coach Omnium Source Insee

Nota : la clientèle française représente en moyenne 62 % du nombre total des nuitées hôtelières.

Selon les données de l'Insee, on constate que le volume général des nuitées hôtelières ne cesse d'augmenter depuis au moins 10 ans, soit plus de 24 %, avec parallèlement une diminution quantitative de l'offre.

< Les chaînes hôtelières intégrées (les réseaux qui réunissent des filiales de groupes hôteliers et/ou des franchisés) continuent à se développer mais d’une manière désormais "molle", même si bien sûr en 40 ans leur croissance sur le marché français a été de 100 % (le premier hôtel de chaîne intégrée en France a été créé en 1964) !

Aujourd’hui, si elles ne représentent que 16 % du nombre d’hôtels classés français (soit environ 2.900 hôtels en filiales, franchises et mandats de gestion), elles réunissent 38 % du nombre de chambres construites et tout de même près de 52,7 % de parts de marché. Autrement dit, plus d'une nuitée hôtelière en France sur deux (dans l'hôtellerie classée) se déroule dans un hôtel de chaîne intégrée. Cela s'explique par leur taux d'occupation plus important que chez les indépendants, grâce à l'effet de réseau et à la notoriété des marques, et aussi par leur taille moyenne qui grimpe en France à 79 chambres, contre 24 chez les indépendants. C'est en France, que l'on observe la plus forte concentration en hôtels de chaînes de l'ensemble des pays européens.

Les chaînes logées à meilleure enseigne

Il faut reconnaître que globalement les chaînes hôtelières intégrées, y compris leurs franchisés, se portent mieux en termes d'activité et de rentabilité que les hôteliers indépendants. Pour autant, les chaînes sont elles aussi confrontées à des problèmes qui leurs sont propres. En premier, elles subissent elles aussi un vieillissement de leur parc qui commence sérieusement à se voir ici et là. Elles connaissent comme pour les indépendants des problèmes de personnel. Quant à l'activité, même si les grandes enseignes gagnent en parts de marché, la concentration de la demande sur les milieux de semaine, les coups de freins sur les prix et les raccourcissements de la durée des séjours, elles connaissant également. Enfin, la concurrence qu'elles se livrent les force à toujours devoir investir davantage en moyens promotionnels et de communication pour accroître leur impact commercial. Mais aussi à enrichir leur offre sur le terrain. Tout cela concourre à augmenter les charges de manière inversement proportionnelle à la hausse des recettes. Les bénéfices sont donc en réduction et la seule façon de réunir plus de moyens est de recruter de nouveaux hôtels. Mais les franchisés sont devenus une denrée rare que tout le monde chasse de façon forcenée.

S'il s'agit d'un vrai succès, les chaînes hôtelières intégrées partagent très souvent leur clientèle avec les hôteliers indépendants. En fonction de son motif de séjour, le public aime pouvoir choisir parmi une forme d'hôtellerie diversifiée. La plupart du temps, il apprécie de savoir qu'il existe ces deux formes d'hébergement, fonctionnelle ou de charme, auxquelles il peut faire appel selon ses envies ou ses besoins. Ainsi, l'hôtellerie de chaîne correspond davantage à une demande de clientèle d'affaires (qui voyage dans un but professionnel) et l'hôtellerie indépendante attire plus facilement une clientèle de loisirs. Même si cette définition demeure bien sûr trop schématique. Quoi qu'il en soit, c'est parfois le même client qui se déplace pour affaires en semaine et à titre privé en week-end.

Les chaînes hôtelières bénéficient souvent de taux d’occupations supérieurs de 10 à 15 points, à hôtels comparables, à ceux des indépendants. Elles sont également en moyenne plus chères de 20 %. Aujourd'hui, les phénomènes de concentration s'intensifient dans l'hôtellerie, comme dans les autres secteurs d'activité économique. A peine 4 groupes hôteliers contrôlent plus de la moitié des chaînes hôtelières en Europe, dont une domination hégémonique par le groupe Accor, qui réunit à lui seul 28,5 % du parc des chaînes intégrées. Rien qu'en France, 25 enseignes de chaînes ont disparu en 10 ans en raison de fusions-absorptions ou encore de faillites.

A côté des chaînes hôtelières intégrées, se trouvent une vingtaine d’enseignes de chaînes volontaires dans l’Hexagone, qui fédèrent près de 6.000 hôtels. Dans l’ensemble, presque 60 % des hôteliers français n’adhèrent à aucun réseau, ce qui les isole et les laissent livrés à eux-mêmes.

• A la question, "les chaînes hôtelières intégrées vont-elles faire disparaître l'hôtellerie indépendante ?", que peut-on répondre ?

Le développement des chaînes hôtelières s'est considérablement ralenti depuis ces dernières années, passant de 9 % jusqu'à 13 % d'hôtels supplémentaires par an à environ + 3 % en moyenne annuelle depuis ces quatre dernières années. Même si en 5 ans, par exemple, les indépendants ont perdu 5 % d'hôtels et les chaînes en ont accueilli 21 % de plus. A noter que les chaînes hôtelières volontaires stagnent depuis longtemps en volume global d'affiliés. Si l'argent ne manque pas à la plupart des grands groupes hôteliers pour assurer leur développement grâce à la présence de beaucoup d'investisseurs motivés de financer des hôtels (les groupes n'investissent quasiment plus en propre), ce sont les terrains stratégiquement acceptables ou économiquement éligibles qui manquent en France.

De plus, le marché retourne vers les centre villes où le foncier coûte plus cher et où les contraintes architecturales sont intensément plus fortes qu'en périphéries. Du coup, les modèles économiques des chaînes s'en trouvent souvent contrariés. La clientèle souhaite que l'offre hôtelière soit diversifiée entre hôtellerie de chaîne — en principe fonctionnelle et pratique — et hôtellerie indépendante — en principe de charme et agréable. Ces deux formes d'hôtelleries sont davantage complémentaires que concurrentes. Si une majorité de réseaux recherchent des franchisés pour augmenter leur parc, mais ces derniers sont de plus en plus rares, les hôtels de moins de 50 à 80 chambres, selon les catégories, n'intéressent pas les chaînes hôtelières intégrées, même en franchise. Ils garderont donc leur place comme indépendants dans les quartiers, les campagnes et les petites villes.

Pour autant, il faut reconnaître que les chaînes hôtelières à défaut de prendre matériellement la place des indépendants, gagnent chaque année un peu plus de parts de marché. Autrement dit, l'augmentation du nombre de nuitées hôtelières profite globalement depuis ces dernières années aux chaînes hôtelières intégrées plutôt qu'aux indépendants.

Taux de pénétration des chaînes hôtelières intégrées / parc hôtelier global d'Europe occidentale

Nombre Hôtels Chaînes

Part de l'offre chaînes en 2005

Part de l'offre chaînes en 2000

Nombre Chambres Chaînes

Part de l'offre chaînes en 2005

Part de l'offre chaînes en 2000

Allemagne

871

4 %

4 %

146 279

22 %

24 %

Autriche

111

1 %

1 %

16 846

6 %

3 %

Belgique

136

8 %

6 %

18 299

39 %

39 %

Espagne

835

5 %

9 %

129 106

20 %

23 %

France

2 922

16 %

13 %

230 155

38 %

35 %

Grande-Bretagne

1 505

7 %

8 %

160 927

30 %

33 %

Irlande

61

7 %

4 %

8 023

19 %

10 %

Italie

253

1 %

1 %

37 590

4 %

4 %

Luxembourg

13

4 %

6 %

1 572

21 %

28 %

Pays-Bas

265

9 %

10 %

32 792

35 %

38 %

Portugal

88

5 %

4 %

12 664

11 %

10 %

Suisse

93

2 %

3 %

11 948

9 %

10 %

Moyenne Europe

7.153

5 %

6 %

806 201

20 %

19 %

Source Coach Omnium

< Une fragilisation de l'offre hôtelière française

Les hôteliers français vivent de plus en plus difficilement leur métier à cause de conditions d'exercice qui sont devenues de plus en plus complexes à gérer, mais aussi de facteurs externes imprévisibles et plutôt négatifs. Il n'est plus possible aujourd'hui de parler de cycles. Ce phénomène est dépassé en hôtellerie et dans le tourisme en général.

Si l'offre s'améliore petit à petit grâce à des programmes de rénovation bien entrepris mais aussi à la disparition progressive d'établissements très vétustes, la clientèle hôtelière trouve que de nombreux efforts sont encore à faire par les professionnels. Ces derniers souffrent globalement, même s'il ne faut jamais généraliser, de phénomènes structurels internes mais également exogènes.

1) – Les contraintes externes à la profession hôtelière :

La piste aux étoiles est brouillée

Le thème de la refonte des normes hôtelières est engagé depuis de nombreuses années sans qu'on sache comment traiter le problème. Le classement des hôtels français est-il obsolète ? Beaucoup pensent que oui. Correspond-t-il vraiment aux attentes actuelles de la clientèle ? Beaucoup pensent que non. On sait que retoucher en profondeur aux normes de classement provoquerait certainement une levée de boucliers par les professionnels, car cela supposerait des investissements que les hôteliers ne seraient pas prêts ou pas capables de réaliser. Pour autant, si 62 % des clients d'hôtels disent se référer aux étoiles pour sélectionner un hôtel, ils sont également conscients que le classement n'est ni un gage de qualité, ni un indicateur tarifaire. Mais la confusion est de mise quand il s'agit de comprendre à quoi correspondent les étoiles. 3/4 des clients d'hôtels pensent qu'il s'agit d'un classement de l'excellence des services, alors qu'il ne s'agit principalement que de normes d'espaces et d'équipement disponible. Les étoiles sont concurrencées par les enseignes de chaînes qui disposent d'une forte notoriété, mais aussi parfois par les classements internes des réseaux, comme les cheminées pour Logis de France.

< L'imprévisibilité & la dépendance du tourisme : les fameux cycles dont on a si souvent parlé en hôtellerie n'existent plus. Les hôteliers comme pour l'ensemble des professionnels du tourisme vivent une véritable dépendance par rapport à tout phénomène externe qui finit par influer directement ou indirectement sur leur activité. Les revirements économiques, l'insécurité et les attentats, le déséquilibre monétaire, les nouvelles lois sociales, la chute du moral des consommateurs ou la baisse de leur niveau de vie, les phénomènes climatiques, les changements de périodes de vacances et de grands week-ends,… la moindre modification des conditions de fonctionnement du marché, y compris parfois à l'autre bout du monde, peut affecter les hôteliers dans leur activité, à la hausse et surtout à la baisse. Cela provoque parallèlement une impossibilité de planifier qui se mesure par des mois d'activité hôtelière qui se suivent sans jamais se ressembler.

< Des changements d'habitudes de consommer : on l'observe depuis quelques années maintenant, la clientèle s'y prend de plus en plus tard pour réserver ses séjours. C'est également vrai dans les entreprises quand elles commandent leurs séminaires, mais aussi les grands congrès ou conventions. Par ailleurs, le mode de consommation s'est considérablement "décompartimenté" : on ne peut plus associer un segment de clientèle à un type ou à une gamme de produit. Par exemple, la clientèle qui fréquente l'hôtellerie de luxe, séjourne aussi dans des 3 étoiles, voire occasionnellement dans des hôtels superéconomiques de chaînes. Le motif de séjour hôtelier, professionnel ou privé, joue un rôle dans le choix du type d'hôtel. Les voyageurs "descendent" souvent d'une catégorie quand ils passent d'un déplacement professionnel à un déplacement à caractère personnel. Le voyage s'est également démocratisé, notamment grâce à une facilité d'accès aux informations par Internet. Du coup, la clientèle qui voyage de plus en plus, a une forte propension à comparer toutes les prestations et à ne plus savoir associer un prix au service rendu. Ces multiples habitudes de consommation perturbent les hôteliers à qui la clientèle exige de plus en plus de prestations, y compris en se trompant de gammes.

L'échec de la qualification/certification

Les hôteliers ne sont pas adeptes des contrôles et évaluations de la qualité de leurs prestations. Si les chaînes hôtelières imposent, surtout les réseaux intégrés, des contrôles qualité (visites-mystère et prélèvements alimentaires), les hôteliers indépendants échappent à cette démarche dans la majorité des cas ou en tout cas ne s'y adonnent pas. Il existe bien le label Hotelcert, mais depuis son lancement et malgré la promotion importante faite autour de cette démarche de qualité, à peine 112 hôtels avaient été certifiés au 1er août 2004 (environ 150 à ce jour). Et encore, un certain nombre quittent le référencement ayant l'impression que le coût n'a pas été amorti par un supplément de clients ! Parallèlement, il existe pléthore de labels, de chartes et à présent celui du ministère du tourisme "Qualité France" pour lequel les professionnels ne se bousculent pas plus que pour les autres formes de distinctions imposant des contrôles. Le fond du problème est qu'aucune qualification ou certification actuellement en vigueur en hôtellerie n'apporte, au travers des référentiels et des démarches, la garantie de qualité dans les prestations et au final, la promesse d'un séjour réussi et d'une satisfaction optimale pour la clientèle. Mais c'est sans doute mieux que rien car l'hôtellerie française offre actuellement le pire et le meilleur réunis.

< Les 35 heures : On ne se rend pas vraiment compte des conséquences négatives que la mise en place des 35 heures a eu pour l'hôtellerie, tant on a cru que l'augmentation des loisirs des salariés allait provoquer une explosion de la demande hôtelière. Si quelques destinations de courts séjours (week-end) en ont profité notamment avec une clientèle plutôt élitiste disposant d'un bon pouvoir d'achat, la RTT a plutôt créé une baisse irréversible d'activité pour les hôtels. Le temps libre ne s'étant pas accompagné de revenus disponibles supplémentaires, il n'a pas favorisé les achats touristiques. Cela a même modifié la distribution de la demande en encourageant des pics d'activité entre les mardis et les jeudis, seulement. Du coup, la RTT est à la source de nombreuses frustrations. D'abord chez les clients qui ont du mal à trouver de la place en milieux de semaines dans beaucoup d'hôtels, à cause de la concentration de la demande. Ensuite chez les hébergeurs qui vivent une perte sèche en tourisme d'affaires qu'ils ne parviennent souvent pas à compenser avec une clientèle de loisirs. Le phénomène des 35 heures affecte également les séminaires que les entreprises veulent plus courts, moins nombreux et réunissant davantage de participants.

< La chasse aux notes de frais : il y a d'un côté les ménages français dont plusieurs études récentes révèlent que leurs revenus disponibles ont plus que diminué durant ces trente dernières années. Il en va de même dans la plupart des pays européens générateurs de tourisme en France et même des Etats-Unis, avec de surcroît un dollar faible face à l'euro. Par ailleurs, la structure même de notre société aux divorces courants, aux familles recomposées et donc moins riches, au nombre grandissant de retraités, d'inactifs et de chômeurs, aux ménages avec un taux de surendettement record,… correspond à un toboggan d'appauvrissement généralisé.

La CDEC, un tigre de papier

La Loi Raffarin de juillet 1996 étendant une obligation de demande d'autorisation d'exploiter pour les projets de création ou d'extension des hôtels de plus de 30 chambres en province et 50 en Ile-de-France a eu le mérite d'imposer aux investisseurs la réalisation d'une étude de marché préalable et de les contraindre à demander poliment à la collectivité une autorisation de venir agrandir le parc hôtelier. Tout le monde s'accordera à dire que l'objet de cette Loi est sain destiné notamment à protéger les hôteliers contre une éventuelle surcapacité de l'offre, même si certains y verront un obstacle à la liberté d'entreprendre qui fait partie de nos constitutions. C'est dans son application que l'on trouve le plus de problèmes. Ainsi, l'étude de marché demandée n'est pas de nature à remettre en cause le projet par son propre investisseur. Quant il est réalisé, le projet est déjà engagé partiellement : compromis de vente du terrain signé, notamment. Par ailleurs, on a tendance à donner un avis sur la constitution de chambres d'hôtels supplémentaires uniquement à la vue du nombre de chambres déjà disponibles. Mais on ne prend pas en compte les aspects qualitatifs où le parc hôtelier local peut être constitué d'un grand nombre d'établissements vétustes. Un nouvel hôtel offre forcément un confort supérieur au public visé. Par ailleurs, la majorité des projets sont acceptés. Enfin, de nombreux votants aux CDEC sont incompétents en tourisme et en hôtellerie, ce qui crée un doute sur la crédibilité de la réglementation. Au 1er janvier 2004, sur un total cumulé de 665 dossiers examinés, 588 ont obtenu l'autorisation de la CDEC, soit 88 %. Les projets refusés concernent à plus de 80 % des hôtels situés en périphéries et des hôtels de chaînes, alors que ces dernières offrent le plus de garanties aux consommateurs.

De l'autre côté, il y a les entreprises dont l'environnement économique est plus que trouble, notamment depuis 2001. Les augmentations considérables actuelles et à venir des prix des matières premières et des énergies, les hausses des coûts d'importations, l'inflation des coûts de production ne devraient pas améliorer ou même geler cette situation avant longtemps. Pour la clientèle des particuliers, un séjour à l'hôtel est la plupart du temps onéreux et elle cherche à se rattraper sur les repas et les autres extras. C'est une des raisons pour lesquelles seulement 15 % des Français choisissent l'hôtellerie pour leurs séjours privés, et ce chiffre a tendance à diminuer d'année en année. Quant aux entreprises, les séjours hôteliers restent indispensables lors des déplacements de leurs collaborateurs, mais les volontés vont dans le sens de la réduction significative des notes de frais. Réduction de la durée des séjours, choix d'hôtels moins chers, plafonnement des dépenses, etc. sont la réaction des entreprises dans la période actuelle. En 12 ans, l'hôtellerie a ainsi vu ses clients passer de 46,6 % de moyens et gros utilisateurs (de 1 à plusieurs nuitées par semaine) en 1993 à seulement 26,6 % en 2005, soit presque moitié moins de gros clients.

< Des règles concurrentielles complexes : la pression concurrentielle due à une baisse ou à une irrégularité de la demande, la para concurrence, le dumping tarifaire généralisé et la distribution par l'Internet ont enlevé de la sérénité aux hôteliers qui doivent engager de plus en plus de moyens pour trouver leur clientèle et leur rentabilité.
Si Internet a été une chance pour les hôteliers, découvrant là un moyen de trouver une clientèle qu'ils n'auraient jamais pu obtenir autrement (Internet mettant en valeur de manière égalitaire les prestataires), le Web, avec ses règles jusque-là inconnues, a littéralement changé la façon pour le public d'acheter ses voyages et par conséquent pour les hôteliers de gérer leurs plannings et surtout leur politique tarifaire.
Quant aux autres formes d'hébergement touristique marchand, elles ne font que s'accroître en volume et en qualité. Les chambres d'hôtes n'ont plus rien à envier aux hôtels en termes de rapport qualité/prestations/prix et trouvent un public de plus en plus large et fidélisé. Les résidences de tourisme, qui peuvent être financées par défiscalisation (tandis qu'elle a été supprimée en janvier 1996 pour les non-exploitants hôteliers) trouvent également leur clientèle, notamment dans les centre villes et parmi la clientèle d'affaires. Ces succès se font souvent au détriment de l'hôtellerie qui n'a pas su s'adapter.

< Des conditions d'exercice défavorables : même si on ne doit pas comparer l'hôtellerie française à celle d'autres pays (bien que la clientèle fasse ces comparaisons en termes de prestations !), il faut reconnaître qu'avec la Belgique, les hôtels français exercent leur activité sous un régime économique bien moins favorable pour les entreprises, y compris hôtelières, que dans la plupart des autres pays européens — voir tableau ci-après. La France impose en effet un des plus forts taux de prélèvements obligatoires aux entreprises et aux particuliers, le coût de la main d'œuvre y est un des plus élevés (bloquant les salaires : plus de 40 % du personnel hôtelier est smicard), l'immobilier et les coûts de construction explosent tout comme le coût des produits consommables (nourriture, produits d'entretien, etc.) et de la sous-traitance (nettoyage des chambres et linge, contrats de maintenance, entretien des espaces verts,…).
La législation française sur le travail y est une des plus rigides ne favorisant pas l'embauche et surtout encourageant la généralisation des CDD, les charges d'énergie sont en forte hausse (fuel, gaz — même si l'électricité y est encore la moins chère d'Europe grâce au nucléaire, mais pour combien de temps encore ?) ainsi que le prix de l'eau.

Des prix de chambres qui s'envolent depuis le passage à l'euro : Bien que les hôteliers aient fortement augmenté leurs prix pour compenser la hausse des charges — soit 24,8 % entre 1998 et 2004 (durant la coupe du monde de football et surtout depuis le passage à l'euro), contre 11,3 % pour l'ensemble de l'économie française, selon l'Insee — leurs taux d'occupation en yo-yo, l'influence d'Internet, la réduction de la durée moyenne des séjours et le repli de la clientèle d'affaires et étrangère pour le moyen-haut de gamme, ont gommé tout le bénéfice des accroissements tarifaires. Avec de plus le risque — vérifié dans les études de Coach Omnium — que la clientèle trouve désormais les hôtels trop chers, y compris dans le superéconomique.

En 5 ans, l'hôtellerie française a perdu entre 3 % et 30 %, selon les catégories, de Résultat Brut d'Exploitation. Par ailleurs, on constate qu'un hôtelier français gagne moins à prestation comparable que ses confrères européens.

Comparaison de la rentabilité d'un hôtel selon quelques pays européens en fonction des conditions d'exploitations

HOTEL de type 2* tourisme de 25 chambres

sans restaurant, 50 % de taux d'occupation

En milliers d'euros

F

SP

I

G-B

D

NL

G

RECETTES ANNUELLES, hors taxes

330

272

335

285

355

302

352

R.B.E.

92

109

130

103

124

97

193

% R.B.E. sur C.A.

28 %

40 %

39 %

36 %

35 %

32 %

55 %

2) - Problématique interne à la profession hôtelière :

< Trop de petits hôtels : le parc hôtelier se compose de structures plutôt trop petites, même si la clientèle peut apprécier les hôtels à taille humaine et que cela représente un atout sur le plan marketing. Pour autant, il n'en va pas de même sur le plan économique. Il est prouvé qu'il est difficile de rentabiliser une affaire hôtelière de moins de 40 à 45 chambres en moyenne, selon la gamme. Au contraire, plus un hôtel est grand, plus il peut traiter de segments de clientèle complémentaires ; par ailleurs, il lui est également plus facile d'amortir ses frais fixes qui forment l'essentiel des charges d'un hôtel (80 à 90 %). Certes, les petits hôtels forment souvent une offre de charme, mais cela n'est pas systématique, loin s'en faut ! Si la clientèle peut aimer ce genre d'établissement, leur modèle économique est contestable.
Par ailleurs, les hôtels sont majoritairement des micro entreprises : 90 % ont moins de 10 salariés et les 2/3 environ proposent de la restauration. Ce qui signifie que l'entrepreneur est dans la plupart des cas un membre du personnel. Il est pris par un quotidien intensif et ne dispose pas, faute de temps, du recul nécessaire pour anticiper dans ses affaires.

< Une insuffisance de fonds propres et un financement complexe : la faible capacité moyenne des hôtels français, une activité en dents de scie qui s'érode et une tendance à raisonner sur le court terme font que les exploitations ne disposent pas de fonds propres en suffisance. Les hôteliers sont dans une incapacité de prévoir leurs besoins en financements (rénovations, modernisation de l'offre, etc.). Dans un même temps, la plupart des sociétés financières et banques demandent au moins 40 % d'apports pour accéder aux crédits, y compris pour effectuer des rénovations de l'outil de travail ou de l'offre à la clientèle. C'est d'autant plus frustrant que les taux d'intérêts des crédits sont actuellement plutôt bas. La fragilité financière est par conséquent de mise, alourdie par une contribution ou un soutien désormais frileux de la part des banques en cours d'activité, qui n'hésitent pas à couper les autorisations de découverts à la moindre alerte.
Du coup, beaucoup d'hôteliers et propriétaires d'hôtels abandonnent ou minimisent tout engagement de modernisation de leur établissement. Quand on sait qu'un hôtel devrait être rénové dans ses revêtements et son mobilier au moins tous les 7 ans, voire 5 ans pour les unités qui reçoivent beaucoup de clients en groupes, et que l'amortissement initial d'un hôtel ne s'envisage pas avant 10 à 12 ans, on comprend où se trouve le risque de vieillissement de l'hôtellerie française. Enfin, pour les chanceux qui ont pu obtenir des crédits à l'équipement, l'irrégularité et l'imprévisibilité de l'activité en font dans beaucoup de cas des surendettés.
Il existe dans beaucoup de régions des aides et subventions à la modernisation de l'hôtellerie, réservées d'ailleurs en priorité aux indépendants (les chaînes intégrées, y compris leurs franchisés qui sont pourtant des indépendants également, en sont exclus). Mais l'accès à ces aides est très complexe et la plupart des professionnels non conseillés ne savent pas en bénéficier — voire ne savent pas qu'elles existent. Par ailleurs, ces aides sont plafonnées dans le meilleur des cas à 25 % de l'investissement, mais plus couramment à environ 20 %, et le propriétaire n'a bien souvent pas les moyens de réunir les 3/4 de ses besoins restants.

< Un patent retard de modernité : par rapport à l'évolution de l'immobilier de bureau, mais aussi au confort de l'habitat et même au design automobile, l'hôtellerie a pris un grand retard de modernité. Les appréciations générales sur l'hôtellerie française par sa clientèle vont dans ce sens : 41,9 % des voyageurs dénoncent ce retard de modernité. Il ne s'agit pas seulement d'esthétique et de mode décorative, il s'agit plus profondément de critiques sur le vieillissement des équipements, sur les matières utilisées, sur le confort acoustique, sur les éclairages, sur les aménagements,… la liste est longue.
Dans la plupart des cas de rénovations, les exploitants se contentent de renouveler les revêtements et plus rarement le mobilier, sans tenir forcément compte du plaisir, de l'ergonomie et du confort du client. Les rénovations ne sont pas les seules concernées. Les créations d'hôtels bénéficient parfois de choix techniques plus aboutis, mais là encore l'offre se résume à du déjà vu et revu. L'hôtellerie a un triple problème :

  • Un phénomène de non renouvellement de l'offre, qui se situe selon une modélisation établie et immuable de la chambre, des couloirs d'étages et des lobbies,
  • Un phénomène de mimétisme où les uns, même les architectes, recopient les autres, y compris dans leurs erreurs,
  • Un manque patent d'innovation, d'originalité, de valeur ajoutée et de volonté de créer, hormis parfois dans la seule décoration.

Il faut se plonger dans les hôtels de luxe pour découvrir parfois des traces d'inventivité et se réconcilier avec la prestation hôtelière.

La chambre d'hôtel, un sanctuaire : Il faut comprendre que comme pour sa voiture, le client d'hôtel voit indirectement en sa chambre d'hôtel un prolongement de son domicile. Elle est pour lui un véritable sanctuaire, un lieu protégé et intime une fois qu'il y pose ses valises. Personne ne doit pouvoir y pénétrer et aucune pollution non plus. Tout ce qui nuit à la qualité de son séjour (bruits des voisins ou du personnel, saleté, équipement qui ne fonctionne pas, mobilier non ergonomique, manque d'eau chaude,…) est vécu par lui comme une véritable agression, pour laquelle il saura tenir rigueur, voire rancune à l'hôtelier qui lui a infligé même involontaire ces désagréments. Une chambre d'hôtel mal pensée, mal conçue et mal entretenue est considérée comme pire qu'une faute professionnelle par les consommateurs : c'est un acte de malveillance. Les hôteliers ont rarement conscience de cette situation qui prend de plus en plus d'importance.

L'hôtellerie, ni du côté des indépendants, ni du côté des chaînes, ne bénéficie pas des fruits d'une grande créativité ou d'une recherche poussée sur l'évolution du produit. Le design est plutôt fonctionnel — mais pas toujours — et beaucoup d'éléments basiques de la chambre d'hôtel sont sous valorisés, apportant ainsi une frustration chez les clients.
Les hôteliers raisonnent en termes de "fonctions", mais pas strictement en termes de qualité et d'adaptation à la clientèle. Ils revendiquent qu'il ne faut pas comparer leurs hôtels avec ceux des autres pays, tant ils sont persuadés offrir un bon rapport prestation/prix. Mais le retard de modernité dont nous parlons se juge par rapport à ce que les voyageurs ont l'habitude de trouver ici et là et qui est à présent nettement plus pauvre dans les hôtels (que les clients ont pourtant le sentiment de payer au prix fort).
Ainsi trouve-t-on encore régulièrement des téléviseurs à petit écran et bas de gamme, nichés sur des potences (comme à l'hôpital) alors que la plupart des clients d'hôtels, y compris dans les classes populaires possèdent des grands modèles. Les programmes télévisuels de la plupart des hôtels sont pauvres en nombres de chaînes et en qualité, tandis que près d'un 1/3 des Français ont chez eux le câble ou le satellite.
On rencontre dans beaucoup d'hôtels français — rien qu'en parlant de la chambre — une robinetterie vieillotte, des meubles anguleux en formica, des moquettes dont les clients ne veulent plus à cause des acariens et de l'hygiène, un éclairage dégradant, des systèmes d'occultation inefficaces, une insonorisation peu performante (le bruit est le premier motif de plainte des clients), une literie "approximative", des espaces de rangement trop petits, un système de chauffage impossible à régler, des décorations affligeantes, un équipement électrique d'un autre âge,…

En résumé, la plupart des voyageurs trouvent que l'hôtellerie, y compris dans beaucoup de chaînes, offre moins bien en confort et en équipement que ce qu'ils ont chez eux. L'offre ne correspond plus à l'évolution qualitative de la demande. L'appauvrissement tant du produit hôtelier que du service est marquant. Pour "re"séduire la clientèle, les hôteliers doivent trouver de nouvelles idées et "gadgetiser" leur produit dans le bon sens du terme. Encore faut-il pouvoir réunir les fonds pour y parvenir.
Pour terminer, le retard de modernité ne se situe pas uniquement dans la prestation fournie au client, on le retrouve également dans l'outil de travail. Selon l'Insee, si 97 % des commerces et des services de plus de 10 salariés sont équipés en micro-ordinateurs, parmi les branches les plus en retrait se situe celle des hôtels avec seulement 64 % d'entreprises équipées.

Au final, le plus important dans un hôtel en général pour les clients d'hôtels — plusieurs réponses possibles

 

En voyage professionnel

En voyage privé

Le confort de la chambre

41 %

41,4 %

La propreté

40,3 %

49 %

La qualité de la restauration

32,6 %

16,3 %

Le calme, le respect du silence

26,6 %

19,8 %

L'accueil

24,5 %

45,6 %

La qualité du petit-déjeuner

21,7 %

17,2 %

La qualité de la literie

19 %

23,6 %

Internet

10,5 %

La salle de bains

2,5 %

7,4 %

Source Coach Omnium

Les principaux reproches réguliers faits par les clients d'hôtels sur les chambres d'hôtels en France — plusieurs réponses possibles

 

En voyage privé

Bruits, nuisances sonores internes, manque d'isolation phonique

44,5 %

Odeurs désagréables (tabac, produits d'entretien, renfermé, moisi)

12,6 %

Manque de propreté/hygiène

10,1 %

Manque d'espace (locaux et lits)

7,6 %

Vétusté du mobilier, des équipements

6,7 %

Dysfonctionnements dans les installations

5,6 %

Décoration de mauvais goût ou trop standardisée

5 %

Température ambiante mal adaptée ou non réglable

4,7 %

Température de l'eau (trop froide)

3,7 %

Literie de mauvaise qualité

2,5 %

Source Coach Omnium — Copyright©2005

Le niveau d'équipement des ménages crée de nouvelles exigences des clients auprès des hôteliers
Les ménages français se sont largement équipés, même si leurs revenus disponibles se sont nettement dégradés depuis ces dernières années. En 2005, 75 % des Français possèdent un téléphone portable (contre 69 % en 2004), 45 % des ménages possèdent un micro ordinateur chez eux, dont 31 % ont un accès sur Internet. Le home cinéma fait une percée spectaculaire (190.000 unités vendues en 2002 et 400.000 en 2003) grâce à un enrichissement de l'offre et à une sensible baisse des prix. Il en va de même et pour les mêmes raisons des téléviseurs à écran plasma et LCD (cristaux liquides). 80,7 % des foyers français possèdent une voiture, 94,8 % ont au moins un téléviseur couleur (dont 76 % dépassent les 56 cm d'écran).
Sources Insee

< Un manque évident d'entretien : il n'y a pas que les problèmes de ménage que dénoncent la clientèle. Dans une majorité d'hôtels français, passés 3 ans, le manque d'entretien des revêtements, des mobiliers, des équipements est parfaitement visible. Il n'existe pas en France de culture du détail comme dans l'hôtellerie au Japon, aux Etats-Unis et en Suisse. Des traces de frottement chaussures et de valises sur des portes peuvent y rester durant des années.

Le Home sweet home idéal des Français

Les modes de vie ont bien sûr évolué et cela se retrouve dans l'habitat. L'habitation rêvée entend séparer l'espace des adultes de celui des enfants. Elle accorde aussi une place plus importante à la salle de bains dans laquelle on passe davantage de temps, injonction à l'épanouissement personnel oblige. Les Français partagent l'envie de vivre dans un lieu "sain" et "saint" : absence d'amiante, de bruit, qualité de l'eau et de l'air, bonne luminosité,… sont des revendications absolues. L'isolation phonique arrive en tête des demandes antinuisances. Les baies vitrées se multiplient. Les activités traditionnellement extérieures comme le cinéma, le travail, voire le sport, intègrent le domicile. Côté déco, les styles contemporains et rustiques campagnards sont plébiscités, ponctués de touches d'exotisme, d'objets et de meubles venus d'ailleurs. En matière d'architecture, les besoins de racines, de terroir s'accentuent. Les bastides, malouinières, longères fermettes ont encore de beaux jours devant elles.

Les activités liées au corps relèvent désormais d'un savoir-vivre. Source de plaisir, la salle de bains devient donc une pièce à part entière qui rappelle le boudoir des siècles passés et fait appel à l'évasion. Côté équipement, les Français continuent à préférer la douche à la baignoire, mais ils la veulent dotée d'un système "balnéo". Ils peuvent même lui ajouter hammam, sauna ou vue sur les arbres.

< En hausse : les maisons en bois, les parquets à larges lattes dans des tons chauds ou très pales, les tomettes (et en général tous les revêtements de sols "authentiques"), les couleurs vives, la cheminée, la pierre apparente.

< En baisse : les moquettes associées aux acariens, les matériaux considérés artificiels, les plafonds bas (sauf dans la chambre où il peut être rassurant).

Nos hôtels regorgent de détails régulièrement constatés et qui choquent :
- des morceaux de revêtements de meubles arrachés (arêtes de plan de travail, de porte-bagage,…),
- des rideaux en partie décrochés,
- des abats-jour de lampes, couvertures de lits et moquettes tachées (de longue date),
- des ampoules ou régulateurs de température HS,
- des chaînes de télévision mal captées,
- des radios ou musique d'ambiance qui grésillent,
- des cintres cassés,
- des vitres fendues,
- des odeurs de remontées de wc,
- des traces d'humidité (salpêtre, moisissure) sur les murs, les joints de baignoire et les rideaux de douche, faute de ventilation correcte,
- des boissons du minibar vidées et remplacées par de l'eau par un client précédent, etc. Bref, faute d'attention, de moyens en personnel ou de formation, les hôteliers gâchent bien souvent leur prestation par des négligences que leur clientèle ne leur pardonne que difficilement.

< Une gestion au jour le jour : happés par leur quotidien très prenant et par l'impossibilité de réellement prévoir leur activité, les hôteliers vivent au jour le jour, sans anticiper, sans organiser réellement leurs lendemains, sans prévoir. Il s'agit là d'un lourd handicap qui joue tant sur les besoins d'entretien en profondeur de leur patrimoine que de leur trésorerie qui les lâche par absence de provisions.

< Insuffisamment de rénovations lourdes : les hôtels les plus structurés et bien gérés provisionnent environ 5 % de leur chiffre d'affaires en prévision de leurs futures rénovations légères. Mais la plupart des hôteliers, faute de prévision, de moyens ou de prise de conscience n'ont pas adopté cette démarche. Par ailleurs, on peut en être surpris, beaucoup de professionnels ne comprennent pas l'intérêt de rénover régulièrement leur hôtel, alors que c'est simplement un moyen de garder sa clientèle. En conséquence, les rénovations qui devraient se faire tous les 5 ans en moyenne, ne se font pas et on assiste à une détérioration très visible des établissements. Un phénomène qui se généralise d'autant plus fortement qu'il existe un grand nombre d'hôteliers, arrivés à l'âge de la retraite, qui souhaitent vendre leur affaire. En attendant un acheteur éventuel — qui le plus souvent tarde à se présenter — , ils ont abandonné tout effort d'entretien de leur établissement

< Une prise en compte insuffisante des clients par les hôteliers : est-ce que les hôteliers pensent suffisamment à leurs clients quand ils créent des services ou conçoivent leur produit ? A croire les voyageurs qui s'expriment sur le sujet, on serait en proie aux doutes. Les exemples ne manquent pas pour illustrer les choix des hôteliers imposés à leurs clients et qui ne satisfont pas toujours ces derniers :
- les petits téléviseurs des chambres sur potence (déjà évoqués) ne correspondent pas à ce que les clients aiment.
- les rideaux de douches sont jugés antihygiéniques, tout comme la moquette.
- les baignoires sont considérées par les hôteliers comme des gages de standing tandis que seulement 15 % des clients veulent prendre des bains lors de leurs séjours. Et la baignoire est mal conçue pour prendre des douches.
- les produits d'accueil des chambres rappellent de vulgaires liquides pour la vaisselle. De plus, ils sont parfois difficiles à ouvrir sous la douche.
- les lits deviennent trop petits en largeur et même en longueur (sachant que les hommes ont considérablement grandi en 30 ans).
- les cintres antivol sont peu pratiques à manipuler dans des penderies souvent mal éclairées.
- des horaires de petit-déjeuner ou de dîner (ou d'ouverture de la réception) ne correspondent pas aux modes de vie des voyageurs.
- beaucoup des nouveaux hôtels aux façades de verre, de béton et d'acier qui ressemblent de l'extérieur plus à des immeubles de bureaux, voire des hangars, qu'à des lieux de séjours.
- des parkings sont en insuffisance ou mal éclairés la nuit.
- des programmes de fidélisation, y compris des chaînes hôtelières, qui sont de véritables usines à gaz incompréhensibles et donc peu motivants.
- des serviettes en nombre insuffisants dans les salles de bains.
- des façades d'hôtels qui sont laissés à l'abandon, sans soin, et qui ne donnent pas envie de s'arrêter et d'y choisir une chambre…

La liste des choix hôteliers d'équipement et de confort, qui favorisent avant tout les intérêts des exploitants plutôt que ceux de leurs clients, ne manquent pas et désignent les professionnels comme étant peu à l'écoute de leurs clientèles.

< Méconnaissance du marché & de ses mécanismes : toutes les études que réalise Coach Omnium sur le secteur confirment que la grande majorité des hôteliers méconnaissent les règles, les fonctionnements et les mécanismes du marché hôtelier. Dans beaucoup de cas, les attentes et les besoins de la clientèle ne sont pas connus et sont donc peu pris en compte. Comment commercialiser son établissement, comment le mettre sur le marché, comment cibler et recruter telle ou telle cible de clientèle, comment s'imposer face à la concurrence sont beaucoup de questions qui ne trouvent pas de réponses, par méconnaissance et manque de formation adaptée. Il faut dire à leur décharge que si les hôteliers ne maîtrisent pas toutes les subtilités du marketing hôtelier et ignorent bien souvent comment fonctionne le marché, cela s'explique surtout parce qu'ils ont "le nez dans le guidon" et ne parviennent pas à prendre du recul.

Le "juste-prix" malmené

Le chef de fil du "yield management", autrement dit l'adaptation d'une politique tarifaire à géométrie (très) variable en temps réel, est né dans l'univers du transport aérien. Il a été suivi plus modestement par les loueurs de voitures et par l'hôtellerie, notamment de chaînes. Internet n'a fait qu'accélérer le processus. Les voyageurs, à qui l'on avait fait croire qu'il s'agissait pour eux d'un énorme progrès, ont assisté presque désarmés à cette foire aux prix. Du coup, rien qu'en parlant d'hôtellerie, la notion de juste prix n'existe plus. Ou plutôt, ni les hôteliers, ni leurs clients ne savent réellement quel est le vrai prix pour une chambre d'hôtel. Dans les avions, les voyageurs ont toujours l'impression que leur voisin paie forcément moins cher qu'eux. Tout semble désormais toujours trop onéreux. La conséquence est rude. Les calicots qui ornent les frontons d'hôtels donnant des prix à –30 % le week-end déstabilisent les clients. Ils ont l'impression de faire une mauvaise affaire en séjournant en semaine. Mais plus largement, les clients ont le sentiment de tout le temps se faire avoir dans leurs achats touristiques. L'adaptation des prix aux périodes, au niveau de la demande et aux segments de clients reste une bonne idée. Mais il faudra à l'avenir simplement mieux expliquer aux consommateurs pourquoi ils paient à certains moments moins chers.

< Un grand conservatisme : le tourisme en général et l'hôtellerie en particulier sont conduits par des professionnels souvent motivés, mobilisés et qui font un travail très dur. Même si une généralisation n'est pas raisonnable, la profession subit un traditionalisme frileux et un conservatisme très ancré. Le métier reproduit depuis des générations les mêmes façons de penser, de voir sa prestation, de voir ses clients. Du coup, le retard de modernité — y compris dans les esprits — est patent. Le personnel a tendance à être toujours traité de la même manière qu'il y a des décennies, les smicards sont légion, la recherche pour faire progresser le produit n'existe pas et l'on modélise toujours le même type de chambres depuis trop longtemps. Le travail se fait toujours de la même manière sans se remettre en question. Cette situation, contre toute attente, existe aussi dans les chaînes hôtelières et parfois chez les jeunes professionnels. Cela fait glisser petit à petit le secteur dans la marge du progrès social et économique, avec pour conséquence une paupérisation de l'offre et un manque de rentabilisation des entreprises.

< La difficulté de trouver du personnel : un des maux de cette période pour les hôteliers est leur difficulté à trouver mais aussi à garder leur personnel. Le turn-over est mirobolant. C'est encore plus vrai en restauration. La jeune génération actuelle n'est plus attirée par cette profession devenue trop marginale ou en tout cas pas assez conventionnelle par ses horaires de travail, la faiblesse des salaires proposés, ses journées de repos décalées et dans l'ensemble par la dégradation de son image vis-à-vis du public. Il s'en suit une perte évidente d'énergie de la part des professionnels à toujours devoir rechercher du personnel et une dilution de la productivité potentielle. Les bas salaires nuisent à la compétitivité de l'hôtellerie-restauration, ainsi 24 % des clients d'hôtels et 38 % des clients de restaurants se plaignent de l'incompétence du personnel, d'un accueil désagréable ou encore d'un accueil impersonnel, selon les études de Coach Omnium. Il faut ajouter que champion du nombre de smicards (plus de 40 % des effectifs salariés), l'hôtellerie emploie une proportion très faible de cadres : seulement 8 % contre 19 % dans l'ensemble des services. Bien sûr, avec 170.000 emplois salariés, le seul secteur hôtelier était malgré tout à la pointe de la création d'emplois (+ 4,5 % entre 1999 et 2001), ce qui n'est plus le cas depuis 4 ans, contrairement à la restauration pure.

< Une image floue et peu intelligible : à vouloir trouver légitimement une compensation ou une réponse à l'impact commercial des chaînes hôtelières, les indépendants souvent aidés par les CDT et les CCI, ont créé des labels dans tous les coins de France, sans homogénéisation entre eux. On peut en dénombrer au moins près de 150 qui concernent de près ou de loin l'hôtellerie, sans compter les classements internes des chaînes hôtelières (Balladins, B&B, Mercure, mais aussi Relais & Châteaux, Logis de France, Châteaux & Hôtels de France,…). Le nouveau label "Qualité France" est supposé à terme supplanter les labels hôteliers ; mais l'exercice s'avèrera difficile car ce plan n'est pas crédibilisé par son contenu et par les moyens qui y sont associés, et surtout il se trouve trop éloigné de la réalité du terrain. Les hôteliers ont plus à cœur de vivre avec un label localisé qui a été forgé selon leurs propres souhaits, que de se voir imposer des contraintes venues d'ailleurs.
Si la labellisation est une démarche louable, la clientèle ne s'y retrouve pas. Le simple fait d'apposer un panonceau "label" sur le fronton d'un hôtel ne dit pas ce qu'il est censé promettre comme garanties. Par ailleurs, la plupart des labels correspondent davantage dans leur contenu à ce que les hôteliers veulent bien donner, pas à ce que les clients aimeraient trouver dans les hôtels comme qualité de produits et de prestations. Enfin, l'autre problème des labels est qu'il ne bénéficient que rarement d'une promotion musclée, faute de moyens. En résumé, les labels brouillent davantage l'image de l'hôtellerie française qu'ils ne lui rendent le service attendu.

< Trop d'indépendants isolés : près de 60 % des hôteliers classés sont seuls, sans adhérer et participer à un réseau commercial comme une chaîne intégrée ou volontaire. Certains parviennent à s'en sortir malgré cela, mais le sort malheureux de beaucoup d'exploitants est lié aussi à leur isolement dans un univers où la clientèle qui accepte de voyager grâce à une forte démocratisation des déplacements, a de plus en plus besoin d'être rassurée par des marques. Si un certain nombre d'hôteliers indépendants optent pour la solitude commerciale par choix délibéré, considérant qu'ils peuvent très bien évoluer ainsi, les autres sont simplement bloqués par des préjugés à l'encontre des chaînes quelles qu'elles soient. Seulement 16 % des indépendants isolés pourraient envisager de s'affilier.

• 3 hôteliers indépendants sur 10 expriment un avis plutôt défavorable envers les réseaux, aussi bien volontaires qu'intégrés. Comme premier élément de justification de cette opinion négative on trouve la concurrence perçue par les indépendants comme déloyale et désavantageuse pour leurs établissements. Il y a chez beaucoup de ces perplexes des personnes qui ont des préjugés sur l'univers des chaînes ou alimentent une jalousie ou plus simplement un complexe.

A noter que quand on parle de "chaînes", les hôteliers indépendants pensent surtout aux réseaux intégrés et aux groupes hôteliers. Les chaînes volontaires sont davantage assimilées à des regroupements d'indépendants et ne sont donc pas forcément associées aux chaînes intégrées.

Une offre qui veut trop monter en gamme

Les tendances sont là. On développe les campings 3 et 4 étoiles, les chambres d'hôtes 3 et 4 épis (Gîtes de France), les résidences de tourisme 3 et 4 étoiles. Il en va de même pour l'hôtellerie, avec une logique annoncée de montée en gamme et de "qualification de l'offre". Mais on perd de vue plusieurs références. D'une part la qualité doit se retrouver partout, y compris dans le super-économique. Même un sandwich considéré comme du "bas de gamme" de la restauration devrait être de qualité. Le haut de gamme ne peut avoir le monopole de la qualité. D'autre part, la montée en gamme suppose fatalement une augmentation des prix de l'offre. Or, le public des cadres, cadres supérieurs et professions libérales, premier concerné par ces prestations et cœur de cible, est la classe sociale qui a le plus perdu en pouvoir d'achat et en revenus disponibles depuis ces dernières années. Cette tranche de la population n'est donc plus capable de se payer des séjours devenus trop chers pour son budget. Il est probable que des opérateurs comme par exemple Pierre & Vacances ou le Club Med, subissent de plein fouet cette désaffectation de cette clientèle à cause de leurs tarifs devenus trop élevés, même si un enrichissement de la prestation a pu avoir lieu.

On peut nettement observer que le premier frein des indépendants à l'affiliation à un réseau est avant tout la crainte d'une perte d'indépendance, justement. Le fait qu'ils n'y voient pas d'intérêt n'est pas réellement un frein, plutôt une manière bien particulière de voir les choses en fonction de leur situation. "Tant que nous n’aurons pas une grosse baisse du CA, nous n’avons pas de raison d’adhérer, c’est le CA qui décide. Tant que j’arrive à m’en sortir seul, je garde mon indépendance totale." "Nous avons notre clientèle, notre réseau de commercialisation, je ne vois pas ce qu’une chaîne pourrait m’apporter de plus." Ceux-là ne sont pas spécialement contre les chaînes, d'ailleurs 67,2 % d'entre eux répondent qu'ils y étaient indifférents ou favorables.

Le principal frein à l'affiliation à un réseau hôtelier est bien le souci de garder son indépendance. Mais pas seulement. 4 hôteliers sur 10 parmi ceux qui l'ont cités, ont un avis défavorable sur les chaînes. "On marche bien sans être affilié, on a une clientèle individuelle, et on préfère être indépendant, pour ne pas subir de contraintes. Dans les chaînes, on ne peut pas travailler librement, il n’y a pas de proximité avec le client, c’est plus impersonnel. Nous on travaille avec des clients fidèles. On n’a pas envie qu’on nous dise comment on doit faire notre travail." La plupart sont inquiets face à l'ingérence dont pourrait faire preuve la chaîne dans leur affaire, selon leurs craintes. "Il y a déjà des établissements de chaînes volontaires sur la ville. Dans les hôtels de chaînes (intégrées), les directeurs d’hôtels sont plus des gestionnaires et des commerciaux que des hôteliers. Nous on préfère se concentrer sur l’accueil de nos clients."

Parmi les réponses " autres ", on retrouve des griefs particuliers contre les chaînes, tels que le manque de transparence, une politique trop agressive, etc.. Mais pour la plupart, ce sont des hôteliers bientôt à la retraite, qui ont mis l'hôtel en vente ou qui sont saisonniers. Il y a aussi des hôteliers qui savent être trop atypiques pour intéresser une chaîne.

Cette longue litanie, non exhaustive, sur les faiblesses de l'hôtellerie et de ses opérateurs, souvent dénoncées par la clientèle que Coach Omnium interviewe toute l'année, ne doit pas être prise pour un jugement agressif et négatif — même si cela en a pris la forme — mais plutôt comme un appel pour que la profession bouge et retrouve une vie vitaminée et bienheureuse.

Ces éléments à forte influence perturbent la marche du secteur hôtelier qui sans être totalement critique, laisse des blessés voire des morts sur le bord de la route. Les meilleurs s'en sortent bien sûr mieux que les autres, mais au prix d'énormes efforts que l'hôtellerie n'avait pas eu à faire depuis plusieurs décennies.

< Alors, que faire ?

Face à une situation de l'offre hôtelière française qui est alarmante, nous n'avons pas de solutions toutes trouvées. Cela se saurait. Il serait efficace qu'un groupe thématique puisse se composer pour travailler sur une recherche de solutions pour permettre à l'hôtellerie de se moderniser et surtout d'adapter son offre aux attentes de la clientèle hôtelière.

Ce groupe pourrait idéalement se composer de :

  • représentants des pouvoirs publics et des collectivités locales (CRT, Régions, CDT…),
  • représentants de l'hôtellerie indépendante,
  • représentants des chaînes hôtelières intégrées et volontaires,
  • représentants du monde bancaire,
  • représentants des consommateurs,
  • de consultants spécialisés.

Il est probable que les pouvoirs publics devront faire des propositions, si celles-ci ne viennent pas des représentants de la profession hôtelière. Parmi les pistes possibles :

  • Moderniser les normes hôtelières serait un commencement, pour les adapter aux attentes de la clientèle (et non seulement à celles des professionnels).
  • Réintroduire les BIC hôteliers (la défiscalisation, supprimée en 1996) pour trouver des fonds privés qui puissent aider à la rénovation/modernisation des hôtels. La demande d'investir en hôtellerie est forte à condition qu'il y ait un avantage fiscal.
  • Généraliser les subventions et les aides (qui existent dans certaines régions), avec un ciblage des bénéficiaires prioritaires (hôtels indépendants et franchisés, hôtels en milieu rural et dans des sites à valoriser, etc.).
  • Favoriser fiscalement la transmission des entreprises hôtelières, sous la condition que les repreneurs s'engagent à réaliser des opérations planifiées de rénovations et de valorisation des hôtels.
  • Co-financer des prestations de conseil par des architectes et consultants spécialisés afin que les rénovations ne se limitent pas à une simple remise en peinture ou des actes "cosmétiques", mais qu'un travail de fond accompagné soit mené pour qualifier la modernisation, et la rendre gratifiante et conforme aux attentes des clients. La modernisation devrait également concerner les façades d'hôtels qui sont souvent dévalorisées et peu accueillantes.
  • Rendre les opérations de certification plus attractives pour les hôteliers et les adapter réellement à la clientèle.
  • Proposer des formations aux hôteliers pour mieux connaître et comprendre la clientèle hôtelière.

< Coach Omnium organise une conférence sur ce thème de la problématique de l'hôtellerie qui aura lieu le 19 septembre au Pavillon Kléber à Paris.
< Un atelier organisé par Coach Omnium sera également présenté lors du Salon InnovHôtel qui aura lieu en mars 2006 à Paris Expo. zzz36v zzz20h

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75015 Paris
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