École hôtelière et religion : une situation sereine malgré quelques incidents

Paris Pourtant protégés par la motivation de ses élèves, les établissements de formation restent intrinsèquement exposés à la montée des revendications confessionnelles puisqu'on y enseigne la manipulation de l'un des dogmes religieux : la nourriture.

Publié le 02 février 2016 à 15:33

"J'ai été choqué !",
concède Vincent Gordien. En 2014, cet ancien des Frères Blanc, figure de la brasserie parisienne, était jury professionnel au CFA Médéric pour les examens pratiques du bac pro 'restaurant'. "Pour l'épreuve d'analyse sensorielle - nez, oeil et palais -, le pâté de foie de volaille [1/3 de volaille et 2/3 de porc, NDLR] sort en thème. Une candidate gênée se présente à nous comme étant de confession musulmane. Elle avoue n'avoir aucune idée du goût porc puisqu'elle n'en a jamais mangé. Elle n'était pas revendicatrice. La situation aurait facilement pu s'arranger avec le tirage d'un sujet de remplacement mais ce ne fut pas possible", regrette l'entrepreneur. Il reste que les incidents liés aux interdits alimentaires sont rarissimes comme le confirme Cyrille Jeannes, président de l'Aflyht, l'association française des lycées d'hôtellerie et de tourisme : "Nous sommes plus préoccupés par la modification des règles de redistribution de la taxe professionnelle que par d'hypothétiques encoches à la laïcité dans nos établissements. La motivation de nos élèves nous protège et les postulants savent très bien ce qui les attend avant d'intégrer l'école."

 

Le voile ou la Halde

Pourtant, des incidents surviennent, comme dans cette célèbre école de gastronomie parisienne. Plusieurs professeurs rapportent cet épisode : "Les places en formation pâtisserie pour adultes sont très demandées, alors un entretien valide la motivation des candidats. Ce fut le cas pour une trentenaire, charmante le jour de la sélection qui se présentera à la rentrée 2014 voilée, et dans une posture plus dure ! L'affaire est remontée jusqu'à la direction. L'élève a alors menacé de saisir la Halde [Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité]. La hiérarchie a cédé. Elle a fait ses quatre mois et demi de formation avec son voile qui dépassait cependant à peine de son calot de pâtissière."

Une autre source issue de la même école évoque un autre problème avec une jeune fille, cette fois de confession israélite, expulsée par son professeur pour avoir violement perturbé un cours de pâtisserie sous prétexte que la gélatine contenait du porc : "Ce sont les deux seuls incidents qui m'ont été rapportés dans toute ma carrière.

Un professeur de CFA se souvient : "L'année dernière, j'ai eu un élève de CAP qui terrorisait ses camarades avec la nourriture 'haram' (impropre) et le Coran, qu'il n'avait jamais lu. Il est aujourd'hui en prison."

 

La nécessité d'un cadre pour les enseignants

Les incidents sont si exceptionnels, pour l'instant, que la diplomatie et le bon sens suffisent à les éradiquer. "Je suis professeur de cuisine et je ne bois pas de lait de vache, ce qui ne m'empêche pas d'en utiliser tous les jours. Par contre, personne ne me forcera à en absorber. Sur ce précepte, si un élève ne veut pas goûter sa quiche, je ne l'oblige pas mais si elle est mal assaisonnée, tant pis pour lui, il perdra des points. Ceux qui mettent des gants pour ne pas être en contact avec la viande de porc, je les encourage, c'est encore mieux pour l'hygiène. On peut aborder cette problématique avec de l'humour. Par exemple, quand un jeune me demande, en exagérant son indignation pour faire l'intéressant, pourquoi il y a du porc dans la recette, je lui réponds que c'est pour que les élèves ne mangent pas dans les assiettes des clients ! La démarche d'apaisement n'exclut pas d'avoir un cadre. D'une manière générale, pour les élèves, j'applique les règles strictes de la laïcité et le programme. Les récalcitrants sont exclus. Quant aux formations pour adultes, j'arrondis les angles. Ainsi lorsque l'on goûte les plats, si l'un d'entre eux contient un interdit alimentaire, j'en propose un autre, sans qu'on me le demande, pour que chacun participe à la convivialité de la dégustation", explique un professeur de cuisine qui enseigne dans un quartier défavorisé francilien.

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Publié par Francois PONT



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