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Le vin, cela s'apprend

Connaître les vins ? En faire son métier ? Un beau rêve qui demande du travail. Le vin, cela s'apprend. Voyage d'une année avec les élèves en sommellerie du lycée hôtelier de Chamalières.

m Pierre Boyer zzz46o

Ils sont dix, de 19 à 22 ans, avec déjà un diplôme d'un métier de l'hôtellerie-restauration en poche. Ils ont suivi une année de cours. Ils ont découvert le service du vin, fait 6 semaines de stage dans une grande maison, et passé un examen au mois de mai. Leur but : obtenir la mention sommellerie et en faire leur métier. Aujourd'hui, ils travaillent dans des restaurants, des caves, en France et à l'étranger.
Après avoir retrouvé le chemin du lycée hôtelier de Chamalières, en septembre 1999, les étudiants en sommellerie sont repartis chez un vigneron à Châteaugay (Puy-de-Dôme) pour trois demi-journées bien remplies. Vendanges obligent. "C'est fatigant, mais intéressant", souligne Rémy Bled. "Quand on a vu, on comprend mieux", ajoutent Stéphane Thivat et Cyril Sibal. Mais la théorie conserve une place importante. Pas question de faire l'impasse sur les connaissances de base : vinification, œnologie, géographie. Un vignoble, c'est une région, un terroir. Sans oublier gestion, informatique, anglais, etc.

Travaux pratiques
Et il y a, bien entendu, les travaux pratiques : les dégustations. Toutes sortes de dégustations. Les bordeaux de saint-émilion en février : Philippe Raymond, œnologue pour le Syndicat viticole de Saint-Emilion, a présenté les vins et les sols. Puis les bouteilles ont été débouchées : des AOC (Appellation d'origine contrôlée) ont précédé des grands crus classés. Dans la salle dédiée à la sommellerie, chaque élève a placé devant lui six verres, un morceau de pain et une carafe d'eau. Tout d'abord la robe, puis le nez ; enfin les papilles. Il faut mettre tous ses sens en éveil. La gorgée roule dans la bouche, longuement, avant d'être recrachée dans le récipient prévu à cet effet. A tour de rôle, les élèves parlent : appréciation, impression, commentaires. "Il a des reflets tuilés, des larmes fines et harmonieuses, des arômes de fruits rouges, une attaque souple en bouche avec une belle évolution", annonce Vincent Imbertis sur un Château Balestard la Tonnelle de 1990. "Il a des notes très compotées, mûres. On sent que l'année 1990 a été particulièrement ensoleillée, souligne l'intervenant. Mais il commence à décliner. Il est à boire maintenant. C'est souvent le problème des millésimes très chauds."
Un scénario similaire se reproduit quelques semaines plus tard avec des côtes du rhône.

La réputation ne suffit pas
Projections de diapositives pour voir où poussent les vignes, les coteaux en terrasses du Condrieux ; les galets de Châteauneuf qui emmagasinent la chaleur pendant la journée et la libèrent la nuit : Sophie et Denis Neytard, cavistes à Moulins, expliquent, racontent les vins et leurs cépages.
Alexandre de Oliveria, qui prépare alors le concours Ruinart, décrit un côte rôtie : "Après un nez boisé, plutôt discret et épicé, la mise en bouche est souple mais avec un final légèrement astreignant. Je le verrai bien avec un gibier." Verdict : "C'est vrai qu'il est un peu fermé, un peu léger pour un côte rôtie. Il n'est pas représentatif de ce cru", confirme Denis Neytard. "Cela montre bien toute la difficulté de votre futur métier, intervient Pierre Pelux, professeur de sommellerie. Le nom et la réputation ne suffisent pas. Il faut donc savoir acheter, mettre à la carte et vendre." Et tenir compte de l'évolution des goûts des clients. La dégustation se poursuit par des travaux pratiques : l'accord mets/vins. A chaque plat deux vins sont présentés. Les futurs sommeliers goûtent, donnent leur point de vue. Le condrieu est trop aromatique sur la Salade de flétan au vinaigre balsamique selon Bertrand Rajot, il préfère le saint-péray. Sur l'Emincé de volaille sauce à la crème, un croze-hermitage paraît un peu rustique, peut-être qu'un rosé aurait fait l'affaire. "Mais ils sont difficiles à placer", souligne Pierre Pelux. Avec le fromage, impossible de marier quelque breuvage que ce soit sur une pâte cuite pimentée italienne. C'était un clin d'œil du professeur de salle, Laurent Enjevin. En revanche, pour la Terrine au chocolat, un muscat Beaume-de- Venise fait l'unanimité devant un saint-péray méthode champenoise.
L'apprentissage ne s'arrête pas là. Des cours sont consacrés aux autres boissons : alcools, whiskies, mais sans dégustation. Les élèves se penchent sur les bières, les eaux minérales et gazeuses, les sodas.

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Pierre Pelux, professeur d'œnologie, face à face avec son élève en stage, Bertrand Rajot et Cyril Tévenet, sommelier de Léon de Lyon.

Dans de grandes maisons
Les semaines passent. Arrive la période des stages. Ils se déroulent tous dans de grandes maisons, des Relais & Châteaux, des restaurants avec des macarons au Guide Rouge. "Je tiens à ce que tous les élèves découvrent le travail dans un gastronomique. Cela leur fait une bonne expérience, même s'ils n'y retournent pas par la suite", soutient Pierre Pelux. Bertrand Rajot part chez Léon de Lyon. Quelques jours plus tard, son professeur vient sur place pour dresser une évaluation du stage. Le sommelier, Cyril Tévenet, autodidacte, est content de son disciple. "Il s'intéresse, reste discret. Je n'ai jamais eu à expliquer deux fois la même chose. Et il n'hésite pas à poser des questions quand il a un doute." Le stagiaire se montre satisfait lui aussi : "C'est le meilleur stage que j'ai fait depuis le début de mes études."
"L'avantage des grandes maisons, c'est que l'on voit que ce qu'on a appris existe", ajoute Cyril Tévenet qui, passionné depuis toujours par le vin, est entré chez Léon de Lyon comme chef de rang, avant de passer second maître d'hôtel et de devenir responsable sommelier. "Ici, le service est convivial, soigné mais pas guindé." Fin mai, c'est le jour J, l'examen final avec ses quatre épreuves : technique, commercialisation, anglais et analyse sensorielle. Un peu tremblant pour le carafage, quelques hésitations pour le service du champagne, les gestes ne sont pas encore sûrs. C'est bien normal. Un candidat oublie de goûter le champagne avant de le servir. Manque de chance, c'est la seule bouteille bouchonnée du lot.

Un atout en poche
Proposer des vins à partir d'un menu tiré au sort n'est pas toujours évident. Surtout quand le jury demande d'un air faussement naïf : "Et comme eau, que nous conseillez-vous ? Et comme digestif ?"
Les résultats sont connus en juillet. Sur les 10 étudiants, 2 seulement ont été recalés. 3 ont eu une note supérieure à 13/20. Ils sont dignes du titre de cadets sommeliers décernés par leurs désormais confrères de l'Association des sommeliers Auvergne-Limousin. Maintenant chacun vaque à ses occupations en utilisant plus ou moins les nouvelles compétences apprises, selon le poste trouvé. Rémy Bled effectue son service militaire. Il va ensuite partir à l'étranger où "il y a pas mal de débouchés". Alexandre de Oliveria vise surtout "le plus que cela représente", tout comme Vincent Imbertis qui ajoute : "C'est un atout si l'on veut changer de métier." Stéphane Thivat, qui voulait "avoir une spécialité", est aujourd'hui comblé : commis sommelier chez Marc Veyrat à Annecy. Pierre Keirle a abandonné la filière pour se tourner vers la pâtisserie. Cyril Sibal, qui disait "c'est un plus dans la vie active, cela permet aussi de devenir caviste ou représentant", travaille à l'ambassade d'Auvergne à Paris. Bertrand Rajot se déclarait plutôt attiré par le travail de caviste. Il est ravi. Il a été embauché chez Léon de Lyon après son stage. Aurore Ratinier est déçue par la formation ; elle espérait surtout apprendre les accords mets/vins. Elle est commise de salle en Angleterre, dans une station balnéaire. Etienne Bossard, qui comptait sur les débouchés supplémentaires apportés par cette formation, est chef de rang sommelier à l'Amphitryon à Clermont-Ferrand. Simon Pomarat termine un contrat à durée déterminée dans un hypermarché clermontois. Il va chercher une place de commercial.
Et maintenant, une nouvelle promotion a pris place dans la salle œnologie du lycée de Chamalières, avec 11 futurs sommeliers. Sur la zone Auvergne-Limousin, la sommellerie est enseignée au lycée hôtelier de Chamalières
(Tél. : 04 73 37 75 04) et à celui de La Chaise-Dieu (Tél. : 04 71 00 08 66).n

Travaux pratiques et dégustation de bordeaux :

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A gauche, Pierre Keirle, Stéphane Thivat, Simon Pomarat, Vincent Imbertis ; à droite, Etienne Bossard et Remy Bled.

1. D'abord la robe. Alexandre de Oliveria.
2. Puis le nez. Etienne Bossard.
3. Et les papilles. Stéphane Thivat.
4. Accord mets/vins. Aurore Ratinier, entourée par Etienne Bossard et Simon Pomarat, va se faire une idée d'un condrieux sur la Salade de flétan au vinaigre balsamique.

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Jour de l'examen : Vincent Imbertis très appliqué.

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Alexandre de Oliveria pour un service en carafe devant Patrick Voss, commercial de JF Lurton sur le Puy-de-Dôme, et Michel Girard, professeur au lycée de Chamalières.

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Bernard Richard, un des anciens de Chamalières, qui travaille désormais à La Poularde à Montrond-les-Bains, après un passage chez Troisgros, face aux futurs sommeliers. "Il faut garder de l'humilité, a-t-il soutenu. Quand on a la mention en sommellerie, tout reste à apprendre."

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