Guide Rouge 2000 : Helmut Thieltges obtient sa troisième étoile. Le résultat - ô combien mérité - d'une vie entièrement dédiée à la cuisine, au sein de l'établissement familial. Un parcours avisé et magnifique...
Sylvie Soubes
"Tu fais un travail parfait et le reste va
suivre."
Parti de rien. L'expression
s'applique à la famille Thieltges qui tient, dans les années 60, la petite pension de
famille de Dreis. La Hous Elisabeth. On est au "bout du monde", entre Trier
(Trève) et Koblenz (Coblence). Le couple bataille dur pour obtenir l'autorisation de
construire une nouvelle auberge encore plus à l'écart du passage, à l'extérieur de la
commune. Visionnaires, ils imaginent un chalet tranquille, voué au repos et sans doute à
la cuisine locale, dont la clientèle serait plus touristique.
Ils ont un fils, Helmut, né le 24 septembre 1955. Après sa scolarité, celui-ci se
tourne vers la cuisine. Le choix lui appartient. Apprentissage à Trier, de 1970 à 1973,
il part ensuite au Breidenbacher Hof, à Dusseldorf, puis en Suisse, dans des palaces. Le
jeune homme se révèle talentueux. Il revient dans le giron familial pour prendre la
succession de sa mère aux fourneaux.
Soulagement en 1978. Le Waldhotel Sonnora ouvre enfin ses portes. L'affaire tant attendue,
tant souhaitée, prend vie. Le lancement a lieu sans fard, sans publicité tapageuse. "Tu
fais un travail parfait et le reste va suivre", se convainc alors Helmut.
Première étoile en 1982
A cette époque, si vous demandez à Helmut quels sont ses héros, il cite ses parents
mais aussi un certain Paul Bocuse. Helmut aime et admire la France. Elle l'inspire
également en cuisine. Son proverbe allemand favori : "Vivre comme Dieu en France
!"
Waldhotel Sonnora se situe à une heure des Halles luxembourgeoises par la route. Les
produits de la mer sont à sa portée. Il saute sur l'opportunité pour essayer, tenter,
utiliser des produits qu'il ne connaît pas ou peu. Helmut Thieltges va passer des heures,
des nuits entières derrière ses fourneaux. Il fait, refait sans cesse, jusqu'à la
perfection.
En 1982, cette obstination laborieuse est récompensée par 1 étoile Michelin. Huit ans
plus tard, la deuxième étoile confirme haut et fort ce que pensent tous ceux qui
fréquentent régulièrement le restaurant : Helmut Thieltges n'est pas seulement un des
meilleurs cuisiniers d'Allemagne, il appartient également à la fine fleur européenne.
Reste l'étape ultime. La troisième étoile. "Vous savez, avoir 2 étoiles est
déjà exceptionnel. Une troisième me paraissait utopique. Et puis, je crois que si vous
la convoitez, vous ne l'obtenez pas", s'exclame Helmut Thieltges.
Chez les Thieltges, pas de folie des grandeurs. La manière dont ils ont fait évoluer le
restaurant et l'hôtel le prouve. Tout ce qui a été gagné a été réinjectée dans
l'affaire. Les travaux d'amélioration ont été effectués petit à petit, en fonds
propres, toujours avec sagesse.
Dépaysement
Pour rejoindre Waldhotel Sonnora, il faut quitter l'autoroute à hauteur de Wittlich,
traverser plusieurs villages avant de s'engager sur une voie, à peine indiquée, qui
grimpe sec dans la forêt mosellane. Quelques instants encore et un élégant chalet vous
accueille, cerné de sapins. Le dépaysement est immédiat. Le pied à peine posé sur le
fin gravier du parking, le regard se laisse emporter par la nature. Près de la
réception, "papy", le père d'Helmut, en chemise et grosses bretelles
traditionnelles, veille au grain ! Une salle pour les petits-déjeuners, une seconde,
typique de la région, dans laquelle il fait bon s'asseoir, discuter, prendre un verre. La
salle de restaurant se trouve plus loin vers la droite. Elle a entièrement été refaite
l'an dernier, bien avant de savoir que viendrait un troisième macaron. D'aucuns estiment
que le décor est "assez parisien". La rotonde vitrée ouvre sur un parc
bucolique et gracieux avec, pour unique horizon, la forêt. La salle est élégante, dans
les tons jaune, pêche, avec quelques dorures, des tables rondes bien espacées, drapées
avec goût et fraîcheur.
Le personnel, dans l'ensemble, est plutôt jeune. D'une attention rigoureuse et courtoise.
Ulrike Thieltges, l'épouse du chef, dirige le service. Elle mène son monde avec
discrétion, bienveillance, gentillesse. Dans l'équipe : Gilles Duflot, 30 ans, assistant
maître d'hôtel, alsacien. Il se plie avec patience et pertinence au jeu de la traduction
lors de notre visite. Merci à lui !
Helmut Thieltges sélectionne son personnel non seulement sur leurs aptitudes
professionnelles, leur désir de participer au succès de l'établissement, mais il
cherche aussi à former un staff "éclectique, mixte, d'origines différentes, qui
parle des langues différentes. C'est important pour la clientèle étrangère qu'il y ait
toujours quelqu'un qui parle sa langue", confie Gilles, visiblement heureux de
son sort. "Helmut Thieltges est très proche de nous, il nous parle de ses plats,
de ses nouveautés, de ses projets. Nous pourrions tout goûter à volonté si nous le
souhaitions. Nous sommes dans une grande maison, de très haut niveau, qui conserve
cependant un esprit familial. Un véritable esprit familial", insiste-t-il. Vient
l'heure de la découverte. Le menu dégustation (plusieurs assiettes, des dizaines de
bouchées gourmandes) varie quotidiennement. Ce midi-là, Crème de poireaux, Crevette en
gelée, Gratin de fruits de mer... Admirables de saveurs... Le Foie de lapin poêlé,
juste croustillant, laisse un souvenir ému. Variation chaude et froide de foies gras
(présentée dans une assiette translucide qui met en valeur formes et couleurs), Raviolis
de langoustines sauce estragon avec chanterelles et asperges, Loup de mer grillé et son
huile de persil, Millefeuille de crêpes et de légumes, chevreuil, agneau... Quel souci
du détail ! Que de créativité ! Sans parler des vins, qui, pied de nez cette fois au
conservatisme hexagonal, ajoutent à l'excellence du moment. Sélection Caspar Cattar 98
en rouge, Sélection Joseph Rosch 99 en blanc (cuvée de 3 rieslings), vendanges
tardives... L'histoire du Waldhotel Sonnora est "une leçon de courage et
d'intelligence", commente un fidèle des lieux. La troisième étoile, obtenue au
Guide Rouge 2000, accrochée depuis sur un petit bonhomme Michelin (la mascotte du
chef) qui trône au-dessus des pianos, récompense surtout un tour de main d'exception,
allié à une sensibilité rare. Helmut Thieltges ? Une énergie d'orfèvre. zzz18p zzz22i zzz99
Waldhotel Sonnora
Auf Drem Eicheldeld.
D 54518 In Dreis - Wittlich
Allemagne
Tél. : 00 49 06 578 982 20
Fax : 00 49 06 578 140
Parlons chiffresChiffre d'affaires
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Ingrédients
300 g de filet de buf
1 échalote de taille moyenne ciselée
20 câpres
Persil
2 jaunes d'ufs
Sel et poivre du moulin
Noix de muscade
250 g de pommes de terre rôties
Crème fraîche
Caviar d'Iran
Préparation
- Râper en tranches fines deux grosses pommes de terre, assaisonner avec le sel,
le poivre et la noix de muscade.
- Couper au couteau le filet de buf (ne pas utiliser de hachoir) et mélanger
avec les éléments de garniture. Rectifier l'assaisonnement.
- Former des portions de tartare (de la forme qu'il vous plaira !), couvrir de
crème fraîche, puis de caviar. Mettre au frais.
- Rôtir les pommes de terre en galettes (découpées selon la forme du tartare)
dans un peu de beurre jusqu'à ce qu'elles soient dorées et croustillantes.
- Placer une galette et son tartare dans une assiette. Servir aussitôt.
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L'HÔTELLERIE n° 2686 Magazine 05 Octobre 2000