De 1974 à 1996, Roger Vergé a brillé au firmament des étoilés Michelin au Moulin de Mougins. Il n'a cessé de former de jeunes professionnels dont les noms sont aujourd'hui célèbres comme Chibois, Ducasse, Maximin. Pourtant, depuis 1997, le Guide Rouge se contente d'une seule étoile pour le présenter. Incompréhension d'un homme qui a fait de son métier sa passion.
Patricia Alexandre Le Naour
"La fantaisie n'est possible qu'en s'appuyant sur les bases de la cuisine
française".
Roger Vergé est un homme rare, vrai, honnête et passionné. Une passion pour la cuisine
qu'il nourrit depuis sa naissance. "Un métier que l'on ne peut vivre que par
passion", insiste-t-il. Des souvenirs d'enfance pleins de saveurs, d'odeurs, de
fêtes et d'amour, au sein d'une famille où l'on aime recevoir et prendre tout le temps
pour choisir les meilleurs produits, et les préparer avec imagination et talent. Parce
qu'il a une vie pleine de richesses, de rencontres, d'aventures, Roger Vergé connaît le
sens de l'essentiel. Sa qualité d'écoute, son regard sur la vie, son respect des autres,
son sens de l'amitié, de la fidélité lui confèrent une force qui lui permet d'aborder
les choses de la vie avec beaucoup d'espoir et d'optimisme. "L'important, c'est
d'apprendre à être un humain", explique-t-il quand il évoque sa vie en Afrique
où, des années durant, il a, d'Alger à Casablanca, en traversant le Kenya, passé
plusieurs années à ouvrir des restaurants d'aéroports, à organiser des fêtes en
pleine brousse, à savoir se sortir de toutes les situations. Mais il n'est pas homme à
aimer la facilité, sa vie en Afrique était facile mais sans horizon, après y être
resté 7 ans, il avait besoin de construire, il avait besoin de revenir...
Une grande créativité
Un retour en France particulièrement réussi. On le retrouve au Club de Cavalière, 2
étoiles Michelin, où immédiatement il se fait remarquer pour la qualité de sa cuisine,
pour sa faculté à innover. La table devient un des endroits les plus courus de la Côte.
Pourtant, Roger Vergé ne s'en contente pas. Epaulé de son épouse Denise, il veut aller
plus loin, s'installer, être chez lui. C'est au Moulin de Mougins, en 1969, qu'il
s'installera et ce sera tout de suite l'explosion, le succès. Là, Roger Vergé se sent
pousser des ailes, il fait des travaux importants, il crée, il est à l'écoute des
clients, des produits, il forme de jeunes cuisiniers, toujours dans le respect des
traditions. "La fantaisie n'est possible qu'en s'appuyant sur les bases de la
cuisine française", insiste-t-il. Il côtoie quotidiennement les artistes de la
région, Arman, César, entre autres, avec qui il entretient une amitié, une connivence,
qui ne feront que nourrir cette passion de l'art, de l'esthétique, de la créativité que
l'on retrouve dans sa cuisine. Le guide Michelin va très vite reconnaître ses
talents : en 1970, il se voit décerner une première étoile, suivie d'une seconde en
1972, avant d'atteindre la consécration avec la troisième étoile en 1974. Vingt-deux
années durant, il restera au firmament, sans cesser de chercher à donner toujours plus
de soleil dans sa cuisine, toujours plus de bonheur à ses clients. C'est dire qu'il n'a
pas compris quand en 1996 le guide Michelin retirait une première étoile puis une
seconde en 1997. Il se souvient : "J'ai été très choqué parce que je n'ai pas
compris. J'ai longtemps cherché à préserver, dans tout ce que je faisais, les bases de
la cuisine française. C'est peut-être ce que l'on m'a reproché. Mais, pour mes clients,
rien n'a changé. Ils sont persuadés que j'ai toujours 3 étoiles et reviennent avec
autant de bonheur. Je n'ai eu aucune chute de fréquentation, c'est pour moi la chose la
plus importante. Que ce soit avant ou après les 3 étoiles, j'ai toujours tout fait pour
progresser, on n'a pas le droit de décevoir les clients qui vous font confiance."
Et si ces 2 étoiles en moins lui avaient donné des ailes, il n'était dès lors plus
obligé de rester dans un carcan pour justement les garder, ces étoiles... Roger Vergé
ne dit pas non. "J'ai recouvré plus de liberté dans ma manière de créer, j'ai
réalisé qu'il ne fallait pas être statique dans cette idée de préserver les bases de
la cuisine française. Il faut savoir garder la tradition mais toujours créer autour. Les
voyages nous apportent une autre vision en la matière, ils ont fait considérablement
évoluer la philosophie de la cuisine française, et c'est bien, c'est le mouvement de la
vie."
Un homme en mouvement
Roger Vergé s'est remis bien sûr de cette sanction, simplement avec une sensibilité
encore plus forte, avec une envie d'avancer encore plus violente, et avec cette motivation
qu'un jour, peut-être, il retrouvera ses étoiles perdues. "Dans la vie, tout
s'arrête à partir du moment où l'envie de bâtir ne vous tient plus",
explique-t-il. Autant dire que pour lui rien n'est arrêté. Et de continuer à investir
au Moulin de Mougins, Relais & Châteaux, où il prévoit d'ici quelques mois de
débuter des travaux très importants, "faire le Bel Air de Los Angeles"
: beaucoup de végétation autour d'un complexe de 70 chambres, une salle de congrès
polyvalente, le tout géré par un groupe international haut de gamme. En janvier
prochain, c'est à New York qu'on le retrouvera au cur de Roeckfeller Center, sur un
concept Provence et Toscane, un restaurant où il sera conseiller (800 couverts par jour).
Et puis, bien sûr, avec ses amis Paul Bocuse et Gaston Lenôtre, il continue depuis 1978
à exploiter leurs restaurants à Epcot, chez Disney, où ils viennent de réinvestir 3
millions de dollars, réalisent 3 000 couverts par jour, avec 250 salariés dont la
plupart sont Français ; tous les ans, ils envoient 100 jeunes là-bas avec un contrat de
travail spécifique. zzz18p zzz22i
Parlons Chiffres Nombre de couverts
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Ingrédients
(pour 4 personnes)
4 filets de loup sans peau ni arêtes
2 concombres
4 oranges
4 gousses de cardamome verte
5 cl de vermouth
80 g de beurre
Sel, poivre du moulin
Préparation
- Marquer un concombre au canneleur, l'émincer finement, le
faire dégorger au sel 2 h, l'égoutter.
-Tourner l'autre concombre en petits morceaux de la grosseur d'un
petit doigt, blanchir à l'eau salée, rafraîchir, égoutter, réserver.
- Laver les oranges à l'eau tiède, sécher.
- Marquer 2 oranges au canneleur, les couper en 2, les émincer finement, garder
les chutes pour le jus.
- Gratter l'autre orange pour recueillir le zeste, la presser pour le jus,
récupérer le jus des autres oranges.
- Evider les gousses de cardamome de leurs graines, torréfier, réserver.
- Saler, poivrer les filets de loup, les recouvrir en intercalant des tranches
cannelées de concombre et d'orange.
- Ranger les filets dans un plat beurré allant au four, arroser de vermouth,
couvrir d'un papier d'office beurré, garder à température ambiante.
- Faire réduire la moitié du jus d'orange, ajouter concombres tournés, saler
légèrement. Faire cuire jusqu'à ce que les morceaux de concombre soient tendres. Les
retirer de la cuisson, garder au chaud.
- Passer les filets de loup au four chaud (200 °C), 7 à 8 mn.
- Réduire le jus d'orange de moitié, ajouter le zeste gratté et la cardamome.
- Récupérer le jus de cuisson du poisson, l'ajouter au jus d'orange, monter au
beurre, saler, poivrer, rouler dans ce beurre les petits concombres. Les dresser au fond
des assiettes, poser les filets, verser la sauce autour.
- Servir avec un vin de Viognier frais.
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L'HÔTELLERIE n° 2686 Magazine 05 Octobre 2000