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Gérard Boyer
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Il n'y a de richesse que d'hommes

Aux Crayères, à Reims, Gérard Boyer a su créer, au-delà de la perfection de sa cuisine et du service, un havre de paix, de bonheur, tant pour ses clients que pour les hommes et les femmes qui travaillent avec lui et Elyane, son épouse. C'est aussi sûrement pour ça que ses Trois étoiles Michelin lui vont si bien.

Lydie Anastassion


Epaulé par sa femme, Gérard Boyer est à la barre des Crayères depuis 1983.

Pour le chauffeur de taxi, le château des Crayères est une destination habituelle. "Vous savez, les Japonais descendent du train, prennent un taxi et vont directement aux Crayères. Ils viennent à Reims uniquement pour Boyer", commente, d'un ton sympathique le conducteur. Dix minutes à peine plus tard, la voiture franchit la grande grille du château du début du siècle, et s'arrête sur le rond-point. Le hall est majestueux, l'accueil efficace, avec une brève attente au bar. Avec ses deux rotondes, il offre un havre de fraîcheur bienvenue en ce jour d'été. Les tons sont verts, la moquette a des motifs de verdure. L'ambiance est feutrée. Puis, le chef arrive décontracté, dans une chemise bleue imprimée de saxophones et ouverte sous le menton. Vite, on passe sur la terrasse.
A 59 ans, Gérard Boyer est bien sous sa toque. Depuis son ouverture en 1983, le restaurant Boyer-Les Crayères affiche sans discontinuer ses 3 étoiles au guide Michelin. "J'essaie d'enlever le superflu et de valoriser la simplicité. Je me mets au service du produit. C'est un parcours logique. Lorsqu'un chef débute, il veut prouver qu'il sait faire, qu'il a des connaissances techniques. Il veut faire plaisir et il en fait trop. Puis, arrive le temps où il se retrouve le nez dans le mur, perdu dans les complications. C'est là que l'on dit : revenons à l'essentiel, retournons en arrière. Dans ce métier où il faut être orgueilleux, ambitieux et fier, mais pas trop, cette période constitue une grande leçon d'humilité", explique Gérard Boyer. Il poursuit : "Je dois créer aussi une ambiance, motiver une équipe et lui montrer qu'il existe du plaisir dans son travail." Avec ses seize chambres et ses trois appartements, l'hôtel Relais & Châteaux est doté d'un château rouge synonyme de "grand confort" au guide Michelin.

Investir dans les hommes
"Bonjour Werner", lance une petite-fille, vêtue d'une robe blanche à bretelles, à l'intention du premier maître d'hôtel. Sur la terrasse qui surplombe le parc de 6 hectares, la chaleur commence à peser en cette fin de matinée. Une musique anglo-saxonne s'échappe d'une enceinte dissimulée par des géraniums. Alignés, les parasols blancs, carrés, dessinent des bandes bleues avec le ciel. Dessous, une dizaine de tables rondes en verre et fer forgé attendent les premiers convives. Attablé sur le côté, Gérard Boyer suit d'un œil les allers et venues. Arrive Thierry Voisin, 35 ans, "chef de cuisine à 100 %", pour reprendre les termes du patron. "Il est ici depuis deux ans. Je lui laisse carte blanche. Je crois que nous avons eu tous les deux de la chance en nous rencontrant. Notre association est venue tout doucement. Je lui fais confiance car ce n'est pas un excité. Il est plus que le chef, il va voir les gens, commente Gérard Boyer. Souvent on me demande s'il est mon fils. C'est assez révélateur. Il n'y a pas de secret. Je crois qu'il faut investir sur les hommes", ajoute le patron qui emploie 75 personnes, dont 3 depuis plus de 30 ans, et qui se soucie peu des titres.

Histoire familiale
Les Boyer sont restaurateurs depuis trois générations. Montés à Paris, les grands-parents auvergnats tiennent un bougnat, Le Grand Comptoir à Vincennes. "A l'âge de 9 ans, mon grand-père Alphonse était ramoneur durant l'été et l'hiver, il était vacher quand il n'allait pas à l'école. Adulte, il s'installe à Vincennes avec sa femme. Les affaires tournent bien, mais un jour, il décide d'arrêter et de passer la main à mon père. Il disait qu'il avait atteint son seuil de compétences. C'est lui qui m'a élevé lorsque mes parents travaillaient", raconte Gérard Boyer. Alphonse cède son affaire à son fils à une condition : "Je ne veux pas mourir de faim." "C'était un contrat fort", commente aujourd'hui le petit-fils.
Tandis qu'à Vincennes, Le Grand Comptoir devient Le Duc d'Enghien, le jeune Gérard Boyer entre en apprentissage : chez Lasserre puis à la pension du Moulin Noyé tenue par la famille Couturaux, à Guéret dans la Creuse. "A cette époque, on n'avait pas la phobie des étoiles. La cuisine, c'était des œufs durs mayonnaise." Puis, il enchaîne un an en pâtisserie dans la maison Joubin à Vincennes, avant son départ pour l'armée, 28 mois en Algérie. Entre temps, Boyer père a quitté la région parisienne pour Reims et s'est installé à La Chaumière, avenue d'Epernay, à côté de l'hippodrome. Au retour de l'armée, fils et père s'accordent en cuisine.
"J'ai travaillé pendant 18 ans avec mon père et ce fut 18 années de bonheur. La question de savoir qui était le chef ne s'est jamais posée. Il m'a laissé libre. Notre entente père-fils a parfois suscité la curiosité, et des gens nous ont demandé quelle était notre recette. En fait, il faut avoir la même attitude avec ses enfants que celle que l'on a avec son personnel. Mon père a reproduit avec moi l'expérience de sa relation avec son propre père." Dotée de fourchettes, La Chaumière apparaît pour la première fois dans le Michelin en 1962. En 1966, le duo décroche sa première étoile. Les deux autres suivent en 1971 et 1979. La décennie suivante coïncide avec l'aventure des Crayères. Quand les propriétaires, les Gardinier, lui font visiter le château, Gérard Boyer demande une semaine de réflexion. "Il fallait faire des travaux importants tout en préservant l'esprit du lieu", précise le restaurateur qui s'associe aux propriétaires dans un GIE (groupement d'intérêt économique). "Nous apportions notre réputation, notre clientèle et notre personnel, et eux, ils avaient le lieu", ajoute Gérard Boyer. Pendant les trois années suivantes, il conserve La Chaumière transformée en un restaurant plus simple et rebaptisée Le Chardonnay. L'établissement sera vendu ensuite au maître d'hôtel.
La matinée s'achève presque. Les premiers convives apparaissent. Certains optent pour le soleil, d'autres pour l'air frais de l'une des salles à manger. Le service va commencer. C'est l'heure pour le chef de passer sa veste. zzz18p zzz22i

Boyer - Les Crayères
64, boulevard Vasnier
51100 Reims
Tél. : 03 26 82 80 80
Fax : 03 26 82 65 52

Parlons chiffres

Chiffre d'affaires
45 MF/an

Nombre de couverts
130 /jour

Effectif
75 employés

 

Le filet de bar de ligne cuit au four, légumes étuvés croquants, coulis de truffe et jus de persil

Ingrédients
(Pour 4 personnes)

4 fois 120 g de filets de bar sans peau
100 g de carottes
200 g de céleri branche
100 g de pommes de terre
40 g de truffe pulvérisée
2 cl d'huile d'olive
2 cl d'huile de truffe
4 cl de jus de truffe
1 goutte de jus de citron,
Sel

Préparation
-Tailler les légumes en brunoise de 5 mm, suer les carottes puis ajouter le céleri), mouiller avec 2 dl de fond de blanc de volaille, mettre au four et à mi-cuisson, ajouter les pommes de terre,50 g de feuille de persil plat et 1,5 dl de fumet de poisson.

- Blanchir le persil, rafraîchir. Faire bouillir le fumet, refroidir, mixer avec le persil, monter avec 2 cl d'huile d'olive.
- Cuire les filets de bar dans une poêle antiadhésive, étaler le jus de persil sur l'assiette au centre, le coulis de truffe autour, placer les légumes sur le jus de persil, et le bar sur les légumes. Finir avec la julienne de céleri, la julienne de truffe. Assaisonner avec la vinaigrette à l'huile d'olive et le jus de citron.

 


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L'HÔTELLERIE n° 2686  Magazine 05 Octobre 2000

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