Le Portugais Bleu allie dans une décoration design deux activités en une : caviste et bar-restaurant. Ce nouveau concept sur Rennes devrait ravir tous les amateurs de vin qui peuvent également retrouver là une littérature spécialisée et des objets d'art dédiés à leur breuvage préféré. Voyage autour du monde...
Olivier Marie
A l'instar de l'ensemble du magasin, l'enseigne attise la curiosité. Une arabesque stylisée en fer forgé surmontée d'un nom mystérieux : Portugais Bleu. Etrange affaire. D'autant qu'en jetant un il, même avisé, on se demande ce qui peut bien se cacher derrière ces vitrines décorées de porte-bouteilles en forme d'oiseaux, de cartes postales dédiées au vin, de bouteilles de vin posées ici et là... Sommes-nous dans une librairie, une cave, un restaurant... ? Ces énigmes demandent une explication et l'on ne peut faire autrement que de franchir le pas de la porte pour se renseigner. Le maître des lieux sourit à l'énoncé de tant de questions. "Elles sont habituelles, tout le monde se les pose", lâche Vincent Bailly, le propriétaire. Il explique et tout devient beaucoup plus limpide. Le Portugais Bleu, du nom d'un cépage implanté au XVIIe siècle en Europe centrale par un noble portugais et cultivé de nos jours notamment en Allemagne ou en Autriche, est en fait un "salon de vin" entièrement dédié aux productions étrangères. Pourquoi "salon de vin" ? Tout simplement parce que ce Portugais Bleu n'est ni une cave ni un bar à vins, mais bel et bien les deux réunis. Ce nouveau concept sur la place allie en effet la vente au détail de bouteilles, de littérature et d'objets d'art portant sur le vin à la dégustation dans une salle de bar-restaurant. Dans une partie du magasin, Vincent Bailly a même réservé un coin salon où trônent quelques chaises autour d'une table accueillant un ensemble de magazines traitant du vin. "Les gens peuvent s'arrêter un moment dans la journée pour déguster un verre tout en s'informant." Bref, ici au moins, on sait de quoi nous allons parler !
20 ans de passion
A 38 ans, Vincent Bailly se passionne pour le vin "depuis une vingtaine d'années.
Je pense que cela s'est fait tout naturellement". Quelques voyages plus tard et
il tombe littéralement sous le charme des vins étrangers car "en fait, on trouve
des vins corrects dans tous les pays. J'ai toujours goûté de très bons vins
étrangers", assure-t-il. Et lorsque l'informatique, son premier travail, ne peut
plus compter sur lui pour raisons de santé, il commence à réfléchir à ce concept en
commençant par suivre des formations afin de compléter son savoir. "Sur les vins
étrangers, il n'existe pas grand-chose. J'ai suivi une formation auprès de Alain Segelle
à Paris et le reste s'est fait tout seul : en lisant, en allant dans les salons, ce qui
m'a permis de découvrir les réseaux de distribution en France, les importateurs,
etc."
La complémentarité cave-dégustation s'impose d'elle-même, notamment lorsque l'on
se spécialise dans les vins étrangers. "Il faut que les gens puissent goûter.
C'est essentiel car peu de personnes connaissent vraiment ces produits. Avant d'ouvrir, je
m'étais imposé deux conditions : la qualité et la dégustation." Pour ce type
d'activité, le fait d'ouvrir à Rennes peut devenir un avantage, "car la Bretagne
n'est pas une région productrice. Ici on ne défend pas tel ou tel vin, les gens sont
ouverts et ont peut-être moins d'a priori sur les vins étrangers".
Sortir du traditionnel
Le Portugais Bleu s'agence donc sur deux salles à commencer par le bar-restaurant d'une
trentaine de places, et sur la gauche, la cave. Oubliez les sacro-saints bistros à vins
aux tonnelles et aux lambris brunis par le temps. Ici rien de tel, mais de la clarté et
du design. Comme le souligne Vincent Bailly, "on aime ou l'on déteste, mais en
tout cas la décoration ne laisse pas indifférent. Pour moi le vin ne se cantonne
pas au tablier noir, au nud papillon... Je veux sortir de cette imagerie
traditionnelle et faire quelque chose de neuf." La décoration et l'agencement du
lieu ont été pensés par Virginie Abraham, décoratrice graphiste de la région. Murs en
chaux, sol carrelé, appliques en ferronnerie d'art, tables des années 50 spécialement
retouchées... Dans la cave, la mise en valeur des bouteilles touche à la perfection. On
se croirait dans un musée offrant au regard des amateurs ses pièces de collection. "Certaines
bouteilles sont vraiment très belles, elles sont des objets de décoration à elles
seules... Les Français devraient d'ailleurs parfois s'en inspirer." Le mur de la
cave se compose d'une multitude de petites niches, chacune d'elle accueillant une
bouteille différente. "Je propose une centaine de références, représentant
environ une vingtaine de pays. Avec notamment l'Italie, le Chili, l'Argentine, l'Espagne,
la Grèce, la Californie, l'Australie..." Entre autres belles bouteilles, on
remarque un californien Beringer, cépage Zinfandel de 96, un vin argentin Etchart
Cafayate, cépage Torrontes ou encore ce Cabernet Sauvignon du Chili Cousino-Macul de 96.
La fourchette des prix se situe entre 33 et 225 F. Toujours dans la même salle, mais en
face, le rayon littérature. Ici, diverses lectures sur le vin sont proposées à la
vente. Des guides, mais également des romans, des nouvelles ayant trait au dit alcool. Et
puis pour compléter le tout, des cartes postales, des confitures et autres objets d'art
consacrés au vin. "J'aimerais proposer des objets originaux et inciter les gens,
les artisans, les artistes, à réaliser des choses autour de ce thème du vin. Des objets
utilitaires ou décoratifs que l'on ne trouve nulle part ailleurs."
Beaucoup de vin au verre
Dans la salle du bar-restaurant, le client peut donc s'attabler pour déguster l'un des
nombreux vins, "souvent servi au verre. Nous vendons peu de bouteilles. J'ai en
fait investi dans un appareil qui permet de servir de grands crus au verre. Cette
technique évite l'oxydation du vin et garde la température..." Avec ce système
- 15 vins différents sont ainsi servis -, un vin débouché peut tenir jusqu'à quinze
jours. "Les clients sont conquis par la qualité du service." La carte du
bar présente également des bières, des jus de fruits et un panel de divers cafés et
thés. Pour accompagner ces dégustations, le Portugais Bleu propose une gamme de plats et
autres tartines. "Certaines choses sont faites ici, mais la plupart sont des
préparations artisanales réalisées par les producteurs du coin, comme la Cuisse de
canard sauce au cidre ou le Sauté de cerf." Diverses formules s'offrent ainsi au
client avec le midi, en semaine, une entrée ou une tartine, un dessert et un verre de vin
pour 55 F. Le soir, la formule à 136 F se compose d'un verre d'apéritif, d'une entrée,
d'un plat avec le vin qui les accompagne, d'un dessert, d'un café ou d'une tisane. "Cette
formule permet d'accorder mets et vins", souligne Vincent Bailly. En salle, le
propriétaire est appuyé par Isabelle Le Caer, riche d'une formation sommellerie à
l'institut de formation Ifhor. L'avantage de cette double activité réside dans sa
complémentarité puisqu'il n'est pas rare en effet qu'un client du restaurant ou du bar
reparte avec des bouteilles et, réciproquement, que le client de la cave vienne profiter
plus longuement, attablé, de l'endroit. La cave peut par ailleurs ouvrir jusqu'à 22
heures, "ce qui est appréciable pour les Rennais. Essayez donc de trouver du vin
de qualité après 20 heures !" Le concept du Portugais Bleu vise de fait une
clientèle amateur de vin ou, au moins, "des gens qui aiment le vin de qualité. A
Rennes, il existe de nombreux lieux de sorties, mais 90 % d'entre eux sont des bars
estudiantins à bières. Ici vous retrouvez une clientèle âgée de 25 à 45 ans.
Beaucoup de jeunes cadres et en général des gens au niveau socioprofessionnel
élevé". Cette clientèle correspond parfaitement à la philosophie du lieu
privilégiant la qualité à la quantité. *
|
|
Vos commentaires : cliquez sur le Forum des Blogs des Experts
L'HÔTELLERIE n° 2683 Magazine 14 Septembre 2000