m Brigitte Ducasse
Des amis chagrins l'avaient mis en garde : "Dans
cette réserve d'Indiens, tu ne feras rien." Pourtant dès son arrivée en 1995
à Cordeillan-Bages, Thierry Marx s'y sent à l'aise. Ses relations avec le directeur
général, Alain Rabier, qui l'a fait venir ici, sont idéales : "Notre tandem est
magnifique. Cet homme est d'une remarquable disponibilité. Il sait canaliser les
énergies. Ma fougue devait être contenue." Car Thierry Marx est un passionné.
De tout. Du sport qu'il pratique régulièrement - judo (il est ceinture noire) et course
à pied -, de lectures hétéroclites, (excepté les livres de recettes !), de peinture,
de sculpture, de voyages, des gens, de la vie. Avec enthousiasme, il parle de ses
fournisseurs locaux, de Nicole Duffau "l'extrémiste des légumes", du
pêcheur Bouzil "une mémoire vivante de l'estuaire", des éleveurs Meyre
ou Ardouin, du ramasseur de champignons... "On a relancé le mouvement sur
Pauillac, et maintenant les gens viennent spontanément nous proposer leurs produits. Mon
travail en cuisine a été de mettre en valeur les saveurs de la terre et de l'estuaire et
les vins." Le secret de cette seconde étoile ? Un travail collectif : "Il
y a d'abord la régularité qui concerne également l'accueil à tous les niveaux et la
créativité. Toutes les semaines on s'astreint à 2 jours de recherche. En outre, on a
changé notre manière de management : mon challenge est de conduire mes gars au meilleur
d'eux-mêmes. Les coups de gueule sont rares et d'ailleurs notre équipe de 10 personnes
avec le boulanger est la même depuis 4 ans."
La réussite de Cordeillan-Bages est une histoire d'hommes et de lieu. En Bordelais et
particulièrement dans le Médoc, l'habitude était de recevoir au Château. Jean-Michel
Cazes a jeté un pavé dans la mare en décidant de transformer en 1989 sa propriété de
Cordeillan-Bages en hôtel. Membre des Relais et Châteaux, la délicieuse gentilhommière
du XVIIe siècle plantée au milieu des vignes a d'entrée trouvé son public. Le taux
d'occupation est de 84 % sur 10 mois d'ouverture !
Un cadre apaisant pour un chef turbulent
Face à ce gosse réfractaire au système scolaire (ce qui ne l'a pas empêché de
décrocher son bac en candidat libre à 24 ans), son grand-père maréchal-ferrant lui
avait dit : "Si tu veux être un homme libre, il faut apprendre un métier."
Cet ancien compagnon du devoir propose à son petit-fils, alors âgé de 16 ans,
d'emprunter la même voie. Est-ce d'avoir grandi dans la boulangerie familiale qui lui a
donné le goût de la cuisine ? Toujours est-il que Thierry Marx quitte Paris et entame un
premier Tour de France en pâtisserie, puis un second en cuisine. Il sera marqué par
Jacob, chef à l'Hôtel Métropole à Tours, par Marc Blanchard, et encore par Joël
Robuchon, Taillevent, et Chapel. "Ce dernier m'a surtout marqué par ses écrits
et tout ce qu'il a fait dans ce métier m'interpelle."
A 24 ans, Thierry Marx se lance en solo. Dans son petit restaurant Roc en Val à
Montlouis-sur-Loire, près de Tours, il obtient sa première étoile au Michelin. Quatre
ans plus tard, ses associés vendent. Il part à Nîmes au Cheval Blanc dirigé par
Régine et confirme son étoile. Cinq ans plus tard, Alain Rabier vient le chercher. Ce
professionnel lui offre non seulement le poste de chef mais aussi celui de directeur du
restaurant et de directeur général lorsqu'il prendra sa retraite, une fois les 2
étoiles décrochées. Promesse tenue en avril dernier. Reste maintenant à poursuivre : "On
va continuer à faire progresser cet établissement. On est dans La Mecque du vin, il n'y
a pas de raison pour que la cuisine ne suive pas. Nous allons mettre tout en uvre
pour échafauder la pyramide." Comme à son habitude, Thierry Marx est confiant :
"Ma cuisine est uniquement passionnelle, je n'ai pas de limites. Le jour où ça
deviendra un simple métier, j'arrêterai." n
Château Cordeillan-Bages
Route des Châteaux
33250 Pauillac
Tél. : 05 56 59 24 24
Fax : 05 56 59 01 89
Internet : www.integra.fr/relaischateau/cordeillan
E-mail : cordeillan@relaischateaux.fr
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L'HÔTELLERIE n° 2664 Magazine 4 Mai 2000