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Couleurs et lumières de Provence

Une riche palette d'inspiration pour les peintres

Des bleus de la lavande aux ocres des falaises de Roussillon, du vert des oliviers au gris des murs de pierre, des étals colorés de fruits et légumes des marchés aux imprimés fleuris des tissus provençaux, tout ici est couleur et parfum. Plus encore que l'accent qui chante, toutes ces vibrations colorées et odorantes confèrent à ce pays sa beauté unique, source d'inspiration inépuisable pour les artistes de tous les temps. Michel Biehn, Provençal, antiquaire et décorateur, nous fait découvrir sa région.

Par Cécile Junod

Jacques Dirand

Provençal, décorateur et amoureux de son pays, Michel Biehn a traduit
sa passion au travers de plusieurs ouvrages, dont
Couleurs de Provence.

Provençal et surtout amoureux de son pays, Michel Biehn est aussi antiquaire, décorateur, expert en étoffes et costumes anciens à l'Isle-sur-la-Sorgue (Vaucluse). Il se sert de toutes ses facettes pour mieux défendre l'histoire et les traditions de son pays. D'ailleurs, sa passion, il l'a déjà exprimée au travers de trois ouvrages pleins de chaleur et de tendresse : En jupon piqué et robe d'indienne (Jeanne Laffite), Le Cahier de recettes provençales (Flammarion) un manuel inspiré par les longues heures passées en cuisine auprès de sa grand-mère et de sa mère, et Couleurs de Provence (Flammarion), un livre qui fleure bon la lavande, le romarin et toutes les senteurs-couleurs indissociables de la Provence.
Fort de ses recherches et réflexions sur son pays, Michel Biehn est intarissable quant à la description de la beauté des lieux et de leur âme. Il nous en fait découvrir la riche palette colorée.

Les ocres de la terre

L'argile orangée des tuiles et des tomettes, la terre ocre-rouge de Roussillon, les peintures, teintures et enduits muraux... Les Provençaux ont découvert et assimilé avant les autres toutes les couleurs de la Chine, de l'Inde, de la Perse, de l'Afrique et même du Nouveau Monde, qu'ils ont su apprivoiser pour donner de la couleur à leur vie. "Mais attention, s'insurge Michel Biehn, aujourd'hui on a tendance à peindre toute la Provence dans une polychromie trop crue, trop franche et agressive. Trop de rouges, de jaunes et de bleus durs. La Provence de mon enfance, la vraie, est plus subtile, plus délicate. Les enduits des murs étaient obtenus à partir du sable trouvé sur le lieu même. Et si celui de Roussillon est rouge, il est normal que toutes les maisons du village soient rouges. Mais ce n'est pas le cas partout. Ailleurs, la terre est plus pâle. Il n'y a alors pas de raison pour colorer toutes nos demeures du Sud en rouge vif, jaune ou bleu lavande. Il faut se méfier des clichés trop forts. Les couleurs d'ici restent celles offertes par la nature, et bien que celle-ci soit généreuse, elle n'en demeure pas moins subtile et raffinée." Délicates et variées, c'est aussi ce que l'on pourra dire des teintes offertes en campagne par les champs de lavande. Une autre curiosité du pays provençal à découvrir.


Les ocres de la terre se retrouvent également dans les poteries et les pigments colorés.


Ocres, jaunes et vertes... Les terres vernissées se marient aux teintes du paysage.

La lavande

Participant à l'univers végétal caractéristique de la garrigue, la lavande croît spontanément en Provence tels le romarin, le thym, l'origan, la sarriette et les sauges. Toutes plus odorantes les unes que les autres, ces plantes aromatiques parfument l'air des collines et des jardins, réveillent et métamorphosent la cuisine provençale.
La lavande, ou plus exactement la famille des lavandes, compte une trentaine d'espèces dont seulement quelques-unes poussent spontanément en France.
Quand vient le printemps, les champs de lavande se colorent de vert tendre. Avec l'été, ils se parent de mille nuances. Aucun bleu n'est sans doute plus mythique que celui des lavandes. Les variations s'étendent du bleu clair au violet. Les plantes portent alors des hampes florales de grande taille, riches en huiles essentielles. A ce stade, le temps de la récolte est venu. Alors, avec beaucoup de soin, l'homme va recueillir ce que la nature a préparé et lui offre. Et encore avec beaucoup d'attention, il va en faire une subtile lotion au parfum très recherché.
C'est au cours du XIXe siècle que les hautes terres de Provence deviennent le cadre du développement spontané des lavandes sauvages. Dans le même temps, l'expansion des industries de la parfumerie provoque une progression considérable de la demande de plantes à parfum. La cueillette de l'aspic et de la lavande fine, jusqu'alors effectuée par les bergers et quelques paysans trouvant là un revenu d'appoint, se généralise et s'organise. La coupe réunit les jeunes du village et tous les bras laissés disponibles par l'agriculture, femmes et enfants compris.
Ainsi chaque saison apporte-t-elle son lot de travaux, labours, semailles diverses, tonte, fauche, moissons, dépiquage, vendanges et cueillette des olives. La vie se déroule donc au rythme des saisons, lesquelles impriment au paysage ses différents visages.

O. Benoit-Gonin/Association Routes de la Lavande.

L'été venu, les champs de lavande se parent de mille nuances.


Les peintres ont été largement inspirés par les champs de lavande pour traduire les couleurs de la Provence. Ici, une toile signée Edwige Delahaye.

Les couleurs des saisons

L'hiver est tout en camaïeux, en dégradés infinis. La lumière est oblique et pâle, légèrement voilée. L'écorce et la pierre, habituellement dissimulées, étalent leurs gris. Les cyprès et les chênes verts ne sont ni verts ni noirs, mais sombres. Les oliviers plus gris que jamais.
Un beau matin, les amandiers annoncent le printemps et se couvrent de fleurs blanches ou roses, encore fragiles. Puis les talus s'habillent d'iris violets, les glycines accrochent leurs grappes de fleurs bleues. A leur tour les cerisiers fleurissent, les coquelicots explosent de rouge. Mille fleurs roses, mauves, blanches, bleues, jaunes surgissent çà et là. C'est la folle avoine qui la première jaunit, suivie des tournesols. Puis le bleu fou des champs de lavande, sous la lumière qui se fait blanche et aveuglante. C'est le temps des moissons.
L'été est là. Tout est sec et brûlé. Les cyprès sont comme de longues barres dressées, aussi noirs que leur ombre. Les oliviers frétillent dans le vent de toutes leurs écailles d'argent. Tandis que déjà les feuilles de pêchers jaunissent.
Puis arrive l'automne. L'air redevient limpide. Les pluies ont tout lavé, tout rafraîchi. L'herbe reverdit et la nature entière se fait rousse, presque orangée. Les feuilles s'envolent. Seules les feuilles des vignes rouges donneront encore un peu de leur chaleur au paysage, avant d'être, une à une, emportées par le mistral.

J.-L. Seille/Conseil Général du Vaucluse.

A Roussillon, la terre est rouge, aussi le village s'habille-t-il de chaudes teintes ocre.

Les peintres

Mais de tout temps, les paysages sont beaux. C'est pourquoi ils furent nombreux à être saisis par la beauté des sites et la remarquable luminosité évoluant au fil des heures et des saisons.
La Provence de Cézanne, Van Gogh, Gauguin, Seyssaud, Monticelli, Signac, Matisse, pour ne citer qu'eux, est toujours là. Et si parfois les paysages ont changé, la lumière et les couleurs, elles, demeurent immuables. Grâce à leurs nombreuses œuvres, la Provence reste vivante dans les plus prestigieux musées du monde entier. Elle a été peinte par certains dans la plus pure tradition figurative, les naturalistes, alors que d'autres l'ont fait évoluer, éclater, substituant à un monde de lumière, un monde de formes et de couleurs. Ces peintres deviendront alors les "impressionnistes, les fauves et plus tard les cubistes. Dès 1890, deux camps se sont alors créés, opposant la tradition et la modernité.
A l'origine des grands mouvements de l'art contemporain, Cézanne ne se limita pas à l'impressionnisme mais tenta, à travers ses recherches, de restituer la troisième dimension. La montagne Sainte-Victoire, près d'Aix-en-Provence, devint alors le motif privilégié du peintre et l'objet de sa consécration.


Peinte à différentes saisons et heures, la montagne Sainte-Victoire fut le motif privilégié de Paul Cézanne, et l'objet de sa consécration.

Les cigales

Pour parcourir la Provence sur les traces de ses artistes, le comité régional de tourisme Provence-Alpes-Côte d'Azur propose des circuits permettant de découvrir, de musée en musée, les différents peintres qui ont immortalisé cette belle province.
A visiter également, l'Atelier Paul Cézanne à Aix-en-Provence, un lieu qui exhale la présence de l'artiste, la quintessence de son œuvre et l'esprit de ce qu'il a été.
La description de la Provence serait bien incomplète si nous ne mentionnions l'entêtant chant des cigales. Dès la mi-juin, il envahit la Provence toute entière. Des pinèdes aux champs d'oliviers, des collines arides aux plaines fertiles, le chant des cigales résonne et fait vibrer l'air chaud. Il célèbre l'arrivée de la chaleur.
En réalité, seuls les mâles sont musiciens dans le but de séduire leurs belles. Ils possèdent dans l'abdomen un étonnant instrument de musique naturel, composé de deux cymbales qui résonnent sous l'action répétée de deux puissants muscles. Mais avant d'apparaître à l'air libre pour une brève vie de deux à trois semaines, les cigales connaissent tout d'abord une longue vie larvaire souterraine d'environ deux ans. Et pourtant, leur courte vie de chant et d'insouciance leur a valu une réputation imméritée de légèreté. D'ailleurs, de tout temps, ce curieux insecte a frappé l'imagination des hommes. Les Grecs en avaient fait le symbole d'Apollon, de la musique et de la poésie. Les Chinois l'avaient associé à leurs rites funéraires. Et Frédéric Mistral, poète et ardent défenseur de la langue et des traditions provençales, en fit le symbole de la Provence et le dota d'une devise : Lou soulèu mi fai canta (Le soleil me fait chanter).
Aujourd'hui, en faïence, la cigale se métamorphose en vase, cendrier, presse-papiers, bonbonnière ou pot à olives.


Poète et ardent défenseur des traditions provençales, Frédéric Mistral fit de la cigale le symbole de la Provence. Aujourd'hui, cet insecte chanteur se retrouve en faïence sur tous les marchés.

Les Routes de la Lavande

Regroupant des prestataires touristiques, agricoles et culturels, l'association Les Routes de la Lavande a pour objectif la valorisation et la découverte de cette culture emblématique. En effet, ses couleurs, senteurs et propriétés lui confèrent un véritable statut de symbole culturel. Aussi un itinéraire d'interprétation et de découverte est-il proposé. Ce circuit comprend un ensemble de centres d'intérêt (exploitations, distilleries, expositions, jardins botaniques, points d'accueil...) reliés par des routes à parcourir en voiture, en vélo ou par des chemins pédestres bordés de lavande sauvage. D'une étape à l'autre s'ouvrent des paysages d'exception variés. Tantôt la lavande se marie aux céréales sur les plateaux, à la vigne en plaine, aux oliviers et fruitiers en terrasses.
C'est une invitation au voyage à travers ces terres de lavande, un fil conducteur à la découverte de ces pays qui partagent le même parfum, la même lumière, mais sont riches de leur diversité.
Les Routes de la Lavande proposent des idées de courts séjours, week-ends à la carte, stages, programmes de remise en forme.

 

La palette des couleurs

Les rouges, des pommes d'amour et des coquelicots, de l'argile des tomettes, des ocres de Roussillon.

Les jaunes, des tournesols et des champs de blé chers à Van Gogh, des terres vernissées de Biot, d'Apt et du Castelet, de la paille des chaises et des radassières.

Les verts tendres presque gris, presque bleus, de l'olivier et de l'amandier, et ceux plus sombres du figuier, du pin et du cyprès, le vert des jarres à huile et des vases à orangers. Et encore, le tablier vert des mariées provençales.

Le bleu du ciel et de la mer bien sûr, mais aussi le bleu de Nîmes, l'indigo, et encore le bleu des charrettes qui éloignait les mouches et le bleu des lavandes qui attire les abeilles.

Le violet qui donne son nom et sa couleur à l'artichaut, à l'ail et aux coquillages.

Le blanc et le noir, ombre et lumière, taureaux et chevaux sauvages sous le soleil de Camargue. Blanc comme les rochers des calanques, blanc comme la chaux des cabanes de gardians.

Enfin, le gris teinté de mauve ou d'ocre, le gris des garrigues, des murs de pierre et du lit des rivières, qui réunit toutes les couleurs ensemble.

Extrait de Couleurs de Provence de Michel Biehn (Flammarion).

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L'HÔTELLERIE n° 2603 Magazine 4 Mars 1999

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