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du 05 août 2004
RESTAURATION

Serge Labrosse

"Je n'essaie pas de m'imposer en tant que Français"

Après un CAP cuisine à Mâcon, Serge Labrosse travaille quelque temps à Paris puis décide de partir en Israël en 1987, où il passe un an au Hilton Jérusalem, avant d'enchaîner une autre année au Hilton Park Lane à Londres. Entre-temps, il parfait ses connaissances culinaires chez Jean-Pierre Billoux à Dijon à La Cloche, alors 2 macarons Michelin, puis au Martinez à Cannes, au Méridien à Nice et au Méridien Bruxelles avant d'embarquer pour Genève, à l'hôtel Richemont. Depuis 3 ans, il est chef au Buffet de la Gare des Eaux-Vives (1 macaron Michelin) et depuis un an, il en est le gérant. Il y décline des plats typés et des spécialités méditerranéennes et légères.

L'Hôtellerie : Pourquoi êtes-vous parti travailler à l'étranger, et qu'avez-vous rapporté de ces expériences ?

Serge Labrosse : L'anglais en restauration était une priorité pour moi. L'autre intérêt de cette expatriation était de voyager. C'est intéressant à 18 ans, et puis rien ne m'attachait en France : vu que je n'avais pas d'expérience, personne ne me prenait. Chez Troisgros, il y avait plus de 2 ans d'attente. J'ai choisi de revenir travailler en Europe, puis en France pour parfaire ma connaissance, faire de grandes maisons et me mettre sur le marché plus facilement avec un CV. J'avais envie d'apprendre, et le seul endroit où l'on pouvait apprendre, c'était dans les grands restaurants français. Et j'ai vraiment l'impression d'avoir appris énormément.

En voyageant, j'ai acquis une ouverture d'esprit envers les autres, une facilité d'adaptation, ça permet de mieux faire connaissance avec les langues et… avec les clients ! J'ai beaucoup de clients étrangers à Genève, et c'est un plus pour moi de parler anglais. J'ai même réussi à ramener ma femme de Belgique ! J'ai appris beaucoup en Israël, entre les banquets, les plats orientaux… Au Richemont, il y avait une grande clientèle arabe, j'étais content d'avoir eu cette expérience. J'ai appris à respecter plus les autres, à voir d'autres choses, à me remettre en question. Même si j'ai senti le besoin de revenir en France pour parfaire mes expériences culinaires.

Partout à l'étranger, on ne parle que de la culture française : c'est un plus, les gens sont demandeurs, mais en même temps, ils vous font savoir qu'ils aimeraient bien une cuisine locale. J'espère avoir laissé quelque chose, les avoir marqués par ce que j'ai fait en Israël, où j'étais chef de partie, puis chef, à 19 ans…

L'Hôtellerie : Quels sont les inconvénients ?

Serge Labrosse : Je n'en vois pas beaucoup. Les gens ont moins d'expérience et de culture culinaire que nous, et c'est plus difficile de travailler avec du personnel étranger. En Afrique ou aux Etats-Unis, il est difficile de trouver du personnel qualifié.

L'Hôtellerie : Et les avantages ?

Serge Labrosse : Mon salaire en Israël était de 8 500 F bruts quand le Smic en France était de 3 800 F. C'est une grosse différence, pour un commis de cuisine ! Résultat, je suis revenu avec un pactole, ce que je n'aurais jamais pu faire à Paris. Et puis c'était la possibilité de visiter un autre pays, d'avoir moins de pression, pas de course aux étoiles comme en France, un travail un peu plus détendu. La Belgique est proche de la France au niveau des salaires mais pas la Suisse. J'habite en France et je travaille en Suisse parce que le logement et la vie sont moins chers. La plupart des cuisiniers à Genève sont français parce qu'ils y trouvent un avantage, et du coup, il très difficile pour les restaurants proches de la Suisse, côté français, de trouver du personnel. Un commis de cuisine est payé 3 000 F suisses nets (12 000 F français).

L'Hôtellerie : Comment vivez-vous votre statut de chef français à l'étranger ?

Serge Labrosse : Même en étant à Genève, donc proche de la France, je m'efforce de ne pas faire savoir que je suis français, je n'essaie pas de m'imposer en tant que Français. On a une image un peu chauvine, de fortes personnalités, et je m'efforce de m'adapter et de proposer des plats par rapport à la culture suisse. Je fais désormais du filet de perche, spécialité de Genève, pour être mieux accueilli. Je me sens bien accepté, les clients nous ont adoptés, mais il faut faire cet effort. Faire valoir ce que l'on sait faire, certes, mais aussi s'adapter à leur culture : je l'ai ressenti partout où j'ai travaillé, et quand je ne l'ai pas fait spontanément, on m'a demandé de le faire ! zzz54m

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L'Hôtellerie Restauration n° 2884 Hebdo 5 août 2004 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE

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