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![]() du 20 mars 2003 |
DÉBAT |
Vous avez été nombreux à réagir au sujet des relations entre les chefs, les guides et les critiques, suite à la polémique suscitée par le suicide de Bernard Loiseau. L'Hôtellerie publie vos lettres. Nous signalons aux lecteurs que nous avons choisi de ne pas publier les écrits relevant manifestement du règlement de compte avec les guides. zzz16 zzz22v
Circonspection
Bernard Loiseau était un grand cuisinier, et surtout un homme de cur passionné par
son métier, sa sensibilité a joué dans son geste, mais de là à désigner un coupable,
il y a un pas à franchir avec circonspection. La critique est le propre de l'homme, et
les cuisiniers ne sont pas les seuls touchés (que dire de Victor Hugo assassiné par les
critiques lors de la sortie d'Hernani). La meilleure arme contre la critique, c'est
de démontrer que ce n'est qu'une erreur momentanée. La preuve en est donnée par votre
article sur Christian Conticini de La Table d'Anvers qui a su faire face à ce genre
d'aléas. Honorons la mémoire de Bernard autrement que par des querelles sordides
indignes de lui, et qu'il aurait à coup sûr désapprouvées.
Henri Varaud
"Une réaction saine"
La réaction et la cause soutenue par le monde professionnel de la restauration et de
l'hôtellerie de luxe (ceux qui 'ont affaire' aux guides gastronomiques), suite au décès
de Bernard Loiseau, est une réaction saine à l'égard des critiques gastronomiques, le Guide
Rouge est à part pour son impartialité. Ses décisions sont discutées, mais
toujours respectées, la porte est toujours ouverte.
En effet, ancien directeur dans l'hôtellerie de luxe, à la retraite, j'ai vécu la
fièvre de la sortie du Guide Rouge et des autres. Les visites des autres guides
étaient annoncées à l'avance, et leurs collaborateurs en charge faisaient l'objet de
prestations améliorées, surclassées et même déplacées, dans le but de plaire...
Pourquoi ? Les prestations servies aux inspecteurs du Guide Rouge sont strictement
les mêmes que celles qui sont servies aux clients. Et pour cause, ils n'annoncent pas
leur visite. La question est donc quelle est la meilleure image donnée ?
Richard Méric
Règlements de compte
Certains guides gastronomiques savent rester à leur place et ce qu'ils font n'est pas à
critiquer. Mais pour ne parler que de GaultMillau, chaque restaurateur sait que
ce n'est pas un guide objectif.
Nous l'avons vu descendre un établissement dans sa revue mensuelle, puis venir
s'inviter... Le mois suivant, il déifiait cette maison. Avouez que le lecteur ne devait
plus s'y retrouver ! Nous pensons que si tous les grands chefs décidaient de ne pas
renvoyer leur questionnaire 2004 à GaultMillau, cela suffirait pour que ce guide
perde le peu de crédibilité qui lui reste...
Jocelyne Rossi, Hôtellerie du Moulin des Ruats à Avallon (89).
Pas d'accord
Je ne suis pas d'accord avec les propos tenus par Jacques Pourcel dans la lettre du 27
février. Si les grands chefs étoilés acceptent d'être promus, ils doivent accepter
également la critique. Ils ne sont en aucun cas la nomenklatura de la cuisine française
et nous sommes dans un pays dont la presse est libre. Chacun, dans sa vie professionnelle,
doit en permanence se remettre en cause car rien n'est jamais acquis pour personne. En ce
qui concerne Bernard Loiseau, ce n'est pas le fait d'avoir perdu 2 points dans un guide
qui a entraîné son geste, mais un ensemble de facteurs complexes. Arrêtons de toujours
faire supporter aux autres la responsabilité de nos erreurs ou de nos insuffisances.
Un anonyme
Questions
La disparition de Bernard Loiseau est insupportable, tant sur le plan humain que
professionnel. Voilà 15 ans que je travaille comme un damné pour peut-être un jour
faire partie de l'élite mais... quelle élite, celle des guides ou celle de la passion ?
Celle des médias en tout genre ou celle de nos pères ? Pour nos femmes et nos enfants,
à qui nous faisons subir notre métier, porter une croix, avons-nous le droit de leur
faire subir cela ? Avons-nous raison de poursuivre notre quête du savoir cuisiner ? Je
réponds oui pour Bernard Loiseau et sa famille, pour la profession, pour nous simples
cuisiniers qui cherchons du rêve dans un monde de folie. Oublions de n'être que des
marchands de tapis avec tous ces guides qui ne cherchent que leur profit. Bernard Loiseau
a vu la supercherie et ne l'a pas supportée au-delà des points perdus. Il a peut-être
vu son rêve s'écrouler.
Laurent Go
Ne tirez pas sur l'ambulance
Je suis furieux de la réaction de la profession concernant les guides. Est-ce qu'on met
le couteau sous la gorge des chefs pour accepter les étoiles et les notes ? Parlent-ils
de l'enrichissement personnel et professionnel dont ils profitent ? Que seraient-ils sans
les guides ? De bons chefs inconnus, qui vivent comme des milliers de chefs à travers la
France, sans faire de vagues. Les guides leur offrent gratuitement la possibilité de se
faire une grande notoriété et de s'enrichir, où est le mal ? Arrêtons de tirer sur
l'ambulance, le système profite à tout le monde et les règles du jeu sont claires dès
le départ. Des centaines de chefs se contenteraient d'une note qui baisse de 19 à 17...
mais ceux-là ne seront jamais dans aucun guide et se contenteront de leur seul
professionnalisme toute leur vie.
Bruno George, directeur de l'Hôtel Mascotte Vieux Port à Marseille (13).
Inquisition
Directeur d'un hôtel à Bordeaux et ancien chef de cuisine, je partage le même sentiment
que Jacques Pourcel concernant cette inquisition injustifiée de la part des journalistes
gastronomiques sur les établissements et surtout sur les grands chefs. On ne peut pas
accepter qu'ils vous notent ou vous jugent sur un passage qu'ils ont effectué dans votre
établissement, alors que vous avez travaillé toute l'année et tout sacrifié pour en
fin de compte vous faire critiquer ! Je suis solidaire de Jacques Pourcel !
Norbert Brown, directeur de l'hôtel Bleu Marine de Mérignac.
Décrochez vos plaques !
Belle prise de position Monsieur le président, mais pour arrêter l'hypocrisie
générale, faites comme moi, décrochez vos plaques du GaultMillau et autre Champérard
! Ne renvoyez pas cette année vos questionnaires. Vous, les tri-étoilés à la tête
de la gastronomie française grâce aux guides, montrez l'exemple et agissez sans langue
de bois !
Cédric Denaux
Solidaire
Suite à l'action des chefs de la chambre syndicale, je me sens solidaire de leur
mouvement. Je ne fais pas partie de l'élite comme l'était notre confrère Bernard
Loiseau (probablement un des chefs chez qui les plus modestes se reconnaissaient), mais
comme lui, à mon niveau, j'essaie de faire tout mon possible pour satisfaire une
clientèle toujours plus exigeante de qualité et de services.
J'ai moi-même eu quelques soucis avec un guide qui nous encensait une année, nous
félicitait d'avoir une cuisine inventive épicée à souhait dans un cadre chaleureux, et
l'année d'après marquait exactement l'opposé alors que nous n'avions rien changé.
Même si ma clientèle m'est restée fidèle, mon équipe et moi-même avons été très
affectés : quand on fait un métier aussi dur, nous n'avons pas besoin d'être démolis
de la sorte. Peut-être que certains guides ou journalistes dits compétents et objectifs
s'amusent à faire la pluie et le beau temps dans notre métier, mais il serait parfois
intéressant de savoir quels sont leurs vrais critères. Quand on fait partie des grands,
le risque de perdre 1 point ou 1 étoile se mesure en perte de chiffre d'affaires, et
quand on habite un petit village reculé et qu'un guide vous évince, vous ne voyez plus
les touristes, et là, ça devient difficile de tenir. Alors messieurs les critiques
gastronomiques, soyez honnêtes dans votre démarche, et lorsque vous avez fini de
déjeuner ou de dîner, prenez quelques minutes pour vous présenter. Nous les cuisiniers,
nous ne sommes pas stupides, et si parfois il nous arrive de moins bien servir une table
et que c'est la vôtre, nous accepterons la sanction.
Thierry Mousset, La Vieille Forge à Mesquer (44).
Se remettre en question
Les guides doivent se remettre en question comme le font tous les chefs de cuisine et
quand ils attaquent une journée de travail. Ils doivent respecter leur mission première,
celle de guider et de renseigner les lecteurs. Par ailleurs, il y a beaucoup trop de
guides.
Denise
Les guides ne sont pas nécessaires
Si vous êtes une bonne maison, le bouche à oreille marchera très bien et vous vous
constituerez une clientèle fidèle. A la rigueur, vous n'aurez pas besoin d'un guide :
nos clients sont nos étoiles. Par contre, vous aurez besoin des guides pour une
reconnaissance nationale, pour que la clientèle de l'autre bout de la France soit
susceptible de vous découvrir. Mais je pense que les guides ne font pas toujours bien
leur travail : certains de mes clients ont écrit à Michelin pour marquer leur
étonnement de notre absence dans le guide, alors que d'autres, se situant dans la même
qualité, voire inférieure, s'y trouvent... ça n'a rien changé. Pour GaultMillau,
je suis abonné, je leur ai écrit : là encore, ça n'a rien changé, aucune réaction !
Alors oui, je crois que le travail est mal fait, mais je sais qu'aucune obligation ne leur
est faite de nous faire paraître dans leurs colonnes puisque c'est gratuit.
Jean-Pierre Mercier, restaurant La Vieille Porte à Sierck-les-Bains (57).
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L'Hôtellerie Restauration n° 2813 Hebdo 20 Mars 2003 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE