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RESTAURATION

La Mère Brazier sans étoile à Lyon

"Ça fait très mal..."

"J'ai failli", a déclaré Jacotte Brazier en apprenant sa disgrâce chez Michelin. Pour la première fois depuis 1932 (!), le célèbre restaurant de la rue Royale n'est plus étoilé.

Un long moment de silence. Le Guide Rouge a décroché l'étoile de son restaurant. Jacotte Brazier cherche ses mots. "Chaque année au mois de février, j'ai peur de la sortie du Guide Rouge. Cette année, curieusement, je n'y ai pas pensé... Jusqu'à ce qu'on m'en parle. Là, j'ai eu l'impression que mon cerveau se retrouvait dans les chaussures et je suis restée sans voix." C'est un événement à Lyon où, depuis 70 ans, la maison a toujours eu l'heur de plaire aux responsables du guide. C'est la fin d'une époque, avec cette cuisine d'un classicisme irréprochable et ces plats immuables, entrés dans la légende de la cuisine, à l'image des Fonds d'artichauts au foie gras ou de la Volaille demi-deuil.
"J'ai failli à la tradition Brazier, c'est sûr, et il ne servirait à rien de chercher des excuses. Je ne prononcerai jamais le mot d'injustice : le Guide Rouge est une référence. Ce sont des gens sérieux qui fonctionnent sans copinage, ni amitié, et ne connaissent pas les restaurateurs. Ils viennent et jugent. Et j'imagine que pour enlever une étoile, ils ne sont pas venus qu'une fois... Ce qui veut dire qu'il y a eu faute et que, sans doute, des gens ont écrit. Je faillis et c'est ce qu'il y a de plus mortifiant. En 2001, nous avions fêté les 80 ans du restaurant, là je perds 1 étoile. C'est plus que de la vexation, je ressens une espèce d'humiliation sur ce nom, pour ce rôle dans lequel j'ai été investie, par rapport à des gens comme Bocuse et Pacaud formés par ma grand-mère et à tout ce que représentait ces étoiles chez les Brazier."
Encore sous le choc, Jacotte Brazier se refuse à prononcer des mots définitifs. Quelques jours plus tard, elle réunira son équipe. "Il faut avoir de la tenue tout le temps", lâche-t-elle alors en substance à ses collaborateurs, pensant déjà à l'avenir. Elle a demandé une entrevue à Michelin, mais sait que l'on n'est guère loquace dans cette maison et qu'aucune recette ne sortira de la discussion. Le constat doit venir du 12, rue Royale, là où l'étoile est tombée.
"On dit toujours qu'à quelque chose malheur est bon. Et le leitmotiv de ma famille et de ma mère est qu'il ne faut pas s'installer dans son malheur. Alors, nous allons faire des choses que nous aurions dû sans doute faire avant. Il faut penser que l'on part à la reconquête. Je ne vais pas dire aujourd'hui que nous allons faire tout autre chose en cuisine : c'est une maison où il faut garder la tradition. Mais je veux faire quelques modifications sur la carte, revoir un peu le décor et essayer de mériter l'étoile pour ces changements." C'est tout ou presque. "Ça fait très mal... et ça fait beaucoup de bien", lâche-t-elle enfin. "Ça va nous secouer", insiste Thierry, fidèle maître d'hôtel de la maison depuis 20 ans !
J.-F. Mesplède zzz22v

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L'Hôtellerie n° 2757 Hebdo 21 Février 2002 Copyright ©

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