La loi antitabac a 10 ans
Un certain nombre d'établissements oublie encore de distinguer ou de signaler les zones fumeurs et non-fumeurs. La gérante du Longchamp à Montrouge vient d'en faire les frais. Celle-ci est en effet poursuivie en justice pour non-respect de la loi Evin.
L'an dernier, l'association Droits des
non-fumeurs (anciennement Ligue contre la fumée du tabac en public) assignait en justice
la brasserie Le Longchamp, située à Montrouge en région parisienne, pour infraction à
la loi Evin (l'établissement n'avait pas affiché de signalisation, et aucun espace
n'était réservé aux non-fumeurs le jour du constat fait par huissier). Outre les
amendes prévues par la loi, l'association a réclamé à la gérante de l'établissement
la somme de 50 000 F "en réparation du préjudice moral et matériel subi par les
non-fumeurs". Le jugement concernant cette affaire doit être rendu le 30 mars
prochain, sachant qu'à la faveur de ce procès, l'association DNF souhaite dénoncer le
"non-respect de la loi Evin" dans les cafés et les restaurants. Les
membres de la DNF ont également laissé entendre qu'ils allaient faire pression auprès
des maires dans ce sens...
Une enquête réalisée en juin 1999 par la Direction départementale des affaires
sanitaires et sociales dans les Hauts-de-Seine donne malheureusement en partie raison à
la DNF (voir chiffres en encadré). Ainsi, d'après la DDASS, un tiers des exploitants de
restaurants "volontairement ou non n'appliquent pas les prescriptions du décret
du 29 mai 1992 en matière de signalisation ou de localisation des places pour les
non-fumeurs". En outre, globalement, seulement "30 % des places sont
réservées" aux non-fumeurs. En matière de ventilation, le constat de la DDASS
est encore plus négatif. "Soit la ventilation par ouvrants extérieurs est
totalement insuffisante, soit le débit de ventilation mécanique est inconnu."
Pourtant, en juillet 1997, le bilan de l'application de la réglementation du tabac dans
les CHR réalisé par BVA était "plutôt positif" selon les termes même
utilisés par l'institut. "Preuve en est l'expression 'passée dans les
murs' fréquemment usitée au cours des entretiens" (...) "Passée
la phase initiale de revendication exacerbée quelque peu par les médias, la situation
paraît bien stabilisée aujourd'hui et l'équilibre des relations fumeurs/non-fumeurs
atteint." (...) "Intégrée, voire banalisée dans la grande majorité des
établissements concernés, cette réglementation semble même avoir contribué à
modifier en profondeur les comportements et attitudes des individus concernés."
Au dire des professionnels de la restauration, la loi aurait en effet permis de "pacifier
les relations fumeurs/non-fumeurs, et d'introduire plus de compréhension, de tolérance,
voire même de civilité de part et d'autre". Elle est aussi considérée comme
un "support efficace" en cas de conflits entre fumeurs et non-fumeurs.
Rappel de la loi Evin antitabacAdoptée le 10 janvier 1991, la loi antitabac, dite loi Evin, est entrée en vigueur le 1er novembre 1992. Depuis lors, il est interdit en France de fumer dans tous les lieux fermés ou couverts à usage collectif. Après maints débats, l'Etat a toutefois accordé une dérogation permettant aux professionnels de la restauration de concilier, au sein de leurs établissements, l'accueil des clientèles fumeurs et non-fumeurs. L'article 13 précise : "Dans les locaux commerciaux où sont consommées sur place des denrées alimentaires et des boissons, une organisation des lieux, éventuellement modulable, peut être prévue pour mettre des espaces à la disposition des usagers fumeurs." Le principe ne réclame pas de cloisonnement particulier, il ne définit aucun quota chiffré mais impose, en revanche, une signalétique des espaces et une ventilation adaptée. Cette gestion des locaux doit toutefois privilégier les zones non-fumeurs. L'absence de signalisation ou le non-respect des normes de ventilation peut entraîner des amendes allant de 3 000 à 6 000 F. |
Etre plus attentionné
Les cafés et les restaurants sont-ils, comme le démontre la DDASS des Hauts-de-Seine, à
ce point irrespectueux de la loi Evin ? Il serait peut-être sage, avant de tirer à
boulets rouges sur la profession, de rappeler combien il est parfois difficile de
concilier loi et accueil. "Je n'ai qu'une salle et elle n'est pas bien grande, témoigne
un patron de bistrot. A l'heure du déjeuner, si j'ai plus de fumeurs que de
non-fumeurs qui veulent manger, qu'est-ce que je dois faire ? Les renvoyer ? En fait, je
ne compte pas le nombre de tables réservées aux fumeurs ou aux non-fumeurs. J'essaie
simplement de les placer au mieux en partant du principe que, d'un côté, j'ai la partie
fumeur, et de l'autre, la partie non-fumeur."
Mercredi dernier, alors que les professionnels de la santé, en présence du ministre
Jean-Paul Kouchner, lançaient un appel officiel au respect des non-fumeurs, le Comité de
documentation et d'information sur le tabac (à qui l'on doit la signalétique sur le
thème de l'éléphant retenue dès 1992 par les CHR) annonçait 2 nouvelles campagnes de
courtoisie proposées à 900 brasseries dans 60 grandes villes de l'Hexagone durant 3
semaines. "Nous allons, explique Jean-Paul Truchot, distribuer des sets de
table sur lesquels seront imprimés des messages de courtoisie et de bon sens, rappelant
qu'il est important de respecter les non-fumeurs." Une deuxième campagne
s'adressera ensuite aux patrons d'établissements ; elle sera accompagnée d'outils
signalétiques qui renoueront avec le sympathique pachyderme des années 90.
Faut-il craindre, 10 ans après l'instauration de la loi Evin, un durcissement des
autorités envers les cafés et les restau-
rants ? Interrogé à ce sujet, Jean-Paul Truchot refuse toute attitude alarmiste. Il
préfère parler d'un "simple rappel à l'ordre" et d'une nécessaire
"meilleure prise en compte du confort des non-fumeurs". 2001 a été
déclarée l'année des non-fumeurs par l'Organisation mondiale de la santé... Ne
l'oublions pas !
S. Soubes
L'étude de la DDASS des Hauts-de-Seine* 35 % des restaurants ne possèdent pas de places réservées pour les non-fumeurs
Signalétique : Parmi ceux qui ont des panonceaux : 83 restaurants ont été visités par les enquêteurs de la DDASS des Hauts-de-Seine : 10 % des établissements avaient moins de 20 places, 51 % entre 20 et 50 places, 29 % entre 50 et 100 places, et 10 % plus de 100 places. |
Campagne d'affichage chez 500 buralistes
500 débitants dans plus de 60 villes de l'Hexagone participent cette semaine à la campagne d'affichage lancée par Philip Morris France en faveur de l'interdiction de vendre des produits du tabac aux mineurs. "Il n'existe pas, en effet, en France de loi relative à l'âge minium en matière d'achat de produits de tabac contrairement à nombre de pays européens", souligne la société. Rémi Calvet, directeur des relations extérieures de Philip Morris, ajoute : "L'usage du tabac est associé à de véritables risques pour la santé. Fumer doit être un choix d'adulte informé. Nous souhaitons tout faire pour limiter l'accès des mineurs au tabac. Nous entendons faire avancer le débat sur l'interdiction de vente pour les mineurs, principe qui caractérise la démarche responsable suivant laquelle Philip Morris entend mener son activité."
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L'HÔTELLERIE n° 2705 Hebdo 15 Février 2001