Marseille
Après cinq mois de travaux, les nouvelles terrasses aménagées sur le quai du Port sont disponibles depuis début juin. Si la municipalité s'enorgueillit de cette réalisation, les réactions des professionnels apparaissent beaucoup plus mitigées. Premier tour d'horizon.
Les
professionnels, installés sur le quai du Port à Marseille, ont fait preuve de patience.
Pas toujours de compréhension. Quelques semaines après l'aménagement des terrasses
flambant neuves - cinq mois de travaux ont été nécessaires -, les premières réactions
ne sont pas forcément enthousiastes. Même si le côté esthétique de l'opération
semble faire l'unanimité parmi les professionnels, le bilan global de l'opération reste,
pour la majorité d'entre eux, plutôt nuancé, voire carrément critique pour certains.
Une quarantaine d'établissements sont concernés par cette initiative destinée à
redonner un peu de vitalité et d'attrait au secteur. Nouveau cheminement piétonnier,
nouvelles terrasses, bacs à palmiers, parcelles de gazon, rien n'a été négligé pour
mettre en valeur ce côté-ci du Vieux Port. "La beauté de la réalisation, son
côté sympathique, sont des éléments positifs incontestables, reconnaît Olivier
Ganteaume du Ciné 27. Pour le reste, on attend que les choses se confirment."
Prudent quant aux retombées en termes de clientèle, il déplore qu'on lui ait imposé la
présence, en face de son établissement, d'un emplacement destiné aux cars de touristes.
"Même si on nous amène du monde, on nous bouche la vue, et ça, c'est un gros
inconvénient." Plus tranchée apparaît l'opinion du responsable du Saint-Trop,
un bar-restaurant installé sur le même périmètre : "Pour nous, c'est une
catastrophe. L'aménagement est peut-être agréable à voir, mais le problème de
stationnement nous prive d'une bonne partie de la clientèle." La même
réflexion prévaut du côté du Tacot. "On a peut-être gagné des touristes,
mais on a perdu des habitués. Les clients rechignent à venir jusqu'ici s'ils n'ont pas
l'assurance de trouver une place de parking pour garer leur voiture."
Le nouvel aménagement a mis un terme au stationnement en épi jusqu'alors en place à
proximité des établissements. Selon certaines sources, entre 300 et 500 places auraient
été ainsi supprimées. C'est là l'un des aspects les plus sensibles du problème. Pour
agrandir les terrasses existantes, donner un espace de circulation confortable aux
piétons, les concepteurs du projet ont gagné du terrain sur la chaussée en supprimant
des places de parking. "On a voulu revaloriser ce côté-là du port, explique
Dominique Vlasto, adjointe au Tourisme. Les commerçants et les restaurateurs se
sentaient délaissés, il fallait les aider. Nous avons tenté un premier essai pendant la
Coupe du Monde de Football 1998 en agrandissant les terrasses. Il nous a paru concluant.
D'autant que cette initiative s'insère aujourd'hui dans un secteur disposant de gros
atouts comme Le Panier, l'Hôtel Dieu et Euroméditerranée, projet d'envergure
nationale." On reproche également l'installation, certes temporaire, des
parasols prêtés par une grande entreprise de boissons. Ils seraient mal adaptés au lieu
et s'envoleraient un peu trop facilement au premier coup de mistral. Le patron du Locarno
en sait quelque chose : "On a moins de monde que l'an dernier à la même époque
et, en plus, on a à gérer ces problèmes de parasols qui ne résistent pas au
vent." Les cinq mois de travaux ont porté un rude coup aux commerces. La
frustration créée par ce manque à gagner, les caprices sournois de la météo, tout
cela explique en partie des réactions parfois à la limite de la colère quand on aborde
le sujet. 25 millions de francs ont été consacrés à l'aménagement de cette partie du
quai du Port - dont 8,3 MF apportés par l'Europe - pour les travaux d'agrandissement des
terrasses, la création d'un cheminement piétonnier, la mise en place des palmiers qui
donnent un faux air de Riviera à l'un des coins les plus typiques de la ville. Les
Marseillais ont-ils réellement boudé les nouveaux aménagements comme certains tendent
à le faire croire ? Il est encore tôt pour le dire. Les professionnels sont-ils trop
pressés de voir les premières retombées sonnantes et trébuchantes de cet aménagement
? Peut-être.
Une question de temps
A l'Union CHR 13, on affirme par la voix de Paul Nicolaï, que "le succès de
l'opération est juste une question de temps". Celui de s'adapter à cette
nouvelle donne. Antoine Zanaboni, le patron de Chez Caruso, l'un des plus vieux
établissements installés sur le quai du Port, tente de calmer les esprits. Restaurateur
reconnu par ses pairs, il est par ailleurs secrétaire général de l'Union CHR 13. Il
n'affiche pas trop de surprise quant à la réaction de certains de ses collègues. Et se
veut résolument optimiste pour la suite des événements. "Ici, on trouve son
bonheur plus qu'ailleurs, commente le créateur de la charte de la bouillabaisse. Il
n'y a pas de raisons objectives pour que ça ne marche pas. On a une gamme
d'établissements qui donnent dans toutes les spécialités et qui pratiquent une grande
variété de tarifs, de 80 à 250 F, voire 500 F. On a aussi un ensoleillement
incomparable toute l'année et, pour couronner le tout, un point de vue imprenable sur
Marseille." L'homme parle en connaissance de cause. La vitrine de son restaurant
est située pile poil dans l'axe de Notre-Dame-de-la-Garde. "Marseille est en
train de redorer son image, c'est évident. La ville regagne du crédit en France et à
l'étranger. Tout le monde va en ressentir bientôt les bénéfices." Pour
revaloriser le quai du Port, Antoine Zanaboni préconise l'instauration d'un train de
mesures d'accompagnement comme la réouverture de sites culturels à proximité (Maison
diamantée), le ralentissement de la circulation des voitures alentour par le biais d'une
signalisation adaptée, la création d'événements réguliers sur le quai du Port. Avec,
en prime, la mise en place d'un deuxième ferry-boat qui assurerait une liaison plus
régulière entre les quais (Rive-Neuve et Port), de manière à créer une continuité et
une cohérence entre ces deux espaces. Et pour remédier au problème du stationnement,
Antoine Zanaboni a trouvé un moyen imparable : rembourser à ses clients le prix du
parking de l'Hôtel de Ville. "Sans ça, ils ne viendraient pas",
remarque-t-il. Pour finir, ses espoirs prennent subitement le ton d'un manifeste
revendicatif : "Résistons aux agressions, sachons préserver l'accueil et la
qualité pour que marseillais ou pas, les clients aient envie de revenir", tonne
Antoine Zanaboni. La voix de Caruso aura-t-elle suffisamment de puissance pour se faire
entendre ? On attend maintenant la livraison des vélums prévus pour fin août, début
septembre...
Ph. Faner
Quelques semaines après l'aménagement des terrasses flambant neuves les
premières réactions ne sont pas forcément enthousiastes.
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L'HÔTELLERIE n° 2680 Hebdo 24 Août 2000