Vendée
Début avril, les comités régionaux et départementaux du tourisme de Bretagne et des Pays de la Loire ont engagé l'offensive médiatique pour redorer l'image de marque de leur littoral souillé cet hiver par la pollution de l'Erika.
L'image persistante est bien
plus noire que le sable des plages dépolluées. La clientèle doute. Dans ce contexte
psychologique particulier, moins l'hôtellerie est tributaire des loisirs du bord de mer,
mieux elle tire son épingle du jeu. La précommercialisation est plus délicate quand
l'offre est limitée à l'hébergement sec. La station balnéaire de
Saint-Gilles-Croix-de-Vie se distingue entre toutes en renonçant quant à elle à
percevoir cette saison la taxe de séjour.
Cet été on prêtera à l'Erika la moindre tache de mazout sur une serviette de bain,
quand l'an dernier on aurait tout au plus râlé en silence. "Il ne faut pas
raconter n'importe quoi au niveau de la propreté des plages, mais de là à dire que les
plages ne sont pas praticables, non", indique Nathalie Batelli, directrice du
comité départemental du tourisme en Vendée, qui sait déjà que toute souillure minime
d'un râteau de plage prend une dimension disproportionnée. Les premiers visiteurs
d'avant saison et de week-ends, en cette période de vacances de printemps, s'arrêtent au
détail et le recherchent peut-être même, les médias aussi. "Quand il y a des
dégazages de pétroliers au large, on nettoie et ça ne fait pas la une de la
télé." L'effet psychologique de la marée noire est de ce point de vue excessif
par rapport à la réalité, même si début avril il y avait encore quatorze chantiers en
activité sur le littoral nord vendéen, mobilisant plus de 300 personnes. On en est
maintenant au stade de la dépollution fine, et du traitement des sites les moins
accessibles au public... et les plages du sud Vendée n'ont qu'à peine été effleurées
par la pollution. Beaucoup ont même été totalement épargnées.
Corriger l'impression superficielle
Les premiers week-ends ensoleillés d'avant saison donnent tout de même du baume au
cur. Le samedi 8 avril, en particulier, il y avait déjà beaucoup de monde sur les
plages vendéennes. Les journalistes qu'accompagnait Nathalie Batelli l'ont remarqué. De
ses bureaux et des feuillets statistiques de réservations, la responsable du comité
départemental fait d'autres observations. Elle constate que les réservations du début
d'année ont subi un coup dur : 50 à 60 % de moins. "Oui mais on parle sur quoi ?
Sur des volumes très faibles. Le premier trimestre n'est pas significatif, sauf pour le
tourisme sur les deux îles - Yeu et Noirmoutier - qui subissent effectivement un coup de
frein sur l'avant saison."
Pour tous, en revanche, l'heure de vérité sonne à partir du mois d'avril avec
l'ouverture des campings et de nombreux hôtels. On est en pleine période de
réservations, et on mise sur l'actuelle campagne de promotion pour amplifier la tendance
amorcée ces dernières semaines. "A notre centrale de réservations, on est en
augmentation ces derniers jours. Il y a eu une très forte recrudescence de la demande à
partir de mars. Le samedi 8 avril, on a eu 300 arrivées de familles à Pierre &
Vacances, à Port-Bourgenay. On n'avait jamais vu ça en avant saison." Mais
attention, ici on peut s'affranchir de la plage : "Toutes les structures
d'hébergement avec loisirs intégrés, comme l'hôtellerie avec piscine, font l'objet
d'une demande très forte. L'hébergement sec est en revanche plus tributaire de la
pression psychologique. Ici ce sera plus aléatoire, on a moins de demandes de
réservations. On compte sur les campagnes actuelles. Enfin la météo jouera un rôle
important." On sait en effet que les réservations sont de plus en plus tardives,
alors si l'épave de l'Erika ne cause pas d'autres rebondissements détestables, il
restera une carte à jouer. Du point de vue du comité départemental, la haute saison
n'est pas perdue d'avance et le transfert de clientèle vers les régions méridionales
n'est pas une fatalité. "D'autres régions de destination de vacances ont
augmenté leurs prix. On s'aperçoit que des gens nous rappellent après les avoir
contactées. C'est rassurant."
La piscine à l'hôtel, un argument fort
Joël Giraudeau, président de la fédération hôtelière de Vendée, partage avec
quelques nuances le sentiment relevé au comité départemental du tourisme. Pour lui la
chute des réservations a plutôt été comprise entre 20 et 50 % sur le début de
l'année, et la motivation des clientèles d'avant saison et de haute saison est si
différente qu'on ne doit pas faire de projections sur les comportements. Au printemps, on
ne vient pas essentiellement pour les plaisirs de la plage. "Pour juillet-août,
on est donc dans l'inconnu." En revanche, Joël Giraudeau rejoint Nathalie
Batelli sur l'importance des équipements hôteliers dans les circonstances actuelles de
réservations : "Disposer d'une piscine est un atout déterminant en soi, à plus
forte raison pour les familles dans un contexte où elles ont des craintes par rapport à
l'état des plages." Comme si la clientèle, méfiante, voulait se garder une
solution de repli.
Le président des hôteliers vendéens craint en revanche que les gros bataillons des
touristes étrangers n'aient déjà tiré un trait sur le littoral Atlantique cet été : "Les
réservations des Allemands en séjour individuel - première clientèle étrangère -
sont voisines de zéro." Ils seraient vraisemblablement plus sensibles aux
charmes de l'Espagne et de l'Italie. Les Hollandais aussi se feraient beaucoup prier. La
campagne de promotion du tourisme vendéen parviendra-t-elle à regagner une partie de
cette clientèle ? C'est bien l'un des principaux enjeux.
Saint-Gilles-Croix-de-Vie, politique exemplaire
En février, le conseil municipal de la station de Saint-Gilles-Croix-de-Vie a décidé de
renoncer à la perception de la taxe de séjour pour la saison 2000. Cette décision est
restée isolée, unique sur le littoral vendéen. "Dommage qu'elle n'ait pas fait
école", commente-t-on en chur au comité départemental du tourisme et à
la fédération hôtelière de Vendée. "C'est un geste important à l'attention
des professionnels comme des touristes" du point de vue de Nathalie Batelli qui
ajoute : "Tous les professionnels de Saint-Gilles-Croix-de-Vie l'ont fait
savoir."
Joël Giraudeau, président de la fédération hôtelière de Vendée et professionnel
dans cette ville, constate que cette mesure est pertinente dans le contexte psychologique,
sous réserve de bien la présenter. "La taxe de séjour, c'est comme le
parcmètre : personne n'aime payer. Il fallait éviter que les clients n'imaginent que
c'était comme un geste de compensation face à un préjudice de pollution. Mais bien sûr
on utilise l'exonération de la taxe de séjour comme argumentaire."
L'habileté en la circonstance a été de joindre à tout courrier des professionnels
destiné à leurs clients potentiels une lettre portant à la fois la signature du maire,
Patrick Nayl, et celle du président de l'office de tourisme, Joseph Billy, qui se portent
collectivement garants de l'environnement en ces termes : "Nous prétendons offrir
à tous nos visiteurs, dès ce printemps, des plages propres. En effet, la région de
Saint-Gilles-Croix-de-Vie n'a pas subi de dommages significatifs et les collectivités
locales, très sensibles à la qualité de notre rivage, maintiennent un contrôle
permanent qui justifie nos affirmations." Le renoncement à la perception de la
taxe de séjour est une "initiative qui contribue à restaurer l'image de la ville
qui, bien que n'ayant pas été très touchée par le pétrole de l'Erika, risque de
subir, comme toute la côte vendéenne, un fort préjudice en matière de tourisme".
Du point de vue de Joël Giraudeau, cette mesure dépasse cependant l'argument de
conviction psychologique. Son impact matériel n'est pas marginal, à raison de 2,20 à
4,40 F par nuit et par personne, c'est une ristourne sur le prix de l'hébergement de
l'ordre de 100 à 150 F selon la durée du séjour et la composition de la famille.
H. Front
Le sud du littoral de la Vendée a été épargné puisquela pollution a été
minime. Les traces sur les plages ont été éliminées en quelques semaines courant
janvier et février.
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L'HÔTELLERIE n° 2663 Hebdo 27 Avril 2000