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Restauration l Les restaurants bio et végétariens

Une marginalité qui s'estompe

Nés à la fin des années 1960 pour répondre à un mouvement de rejet de l'alimentation bourgeoise, les restaurants bio et végétariens ont poursuivi un développement très discret. On les redécouvre aujourd'hui, reflets de l'apparition de nouvelles habitudes alimentaires liées à un autre rejet, celui de la pollution et d'une alimentation mutagène.

Les établissements bio et végétariens ne sont pas légion. Victimes de préjugés, ils trouvent difficilement leur voie dans un marché essentiellement marqué par l'alimentation traditionnelle ou la restauration rapide. Coup de théâtre. L'affaire de la vache folle et le développement des plantes au patrimoine génétique modifié ont fini par créer un engouement nouveau pour les produits issus de l'agriculture biologique. Les restaurants bio profitent aujourd'hui de cette nouvelle tendance. On compte aujourd'hui une trentaine de restaurants végétariens à Paris et une vingtaine de restaurants végéphiles ou macrobiotiques. Les grandes villes de province comptent également quelques-uns de ces lieux atypiques. Il existe également des établissements de restauration traditionnelle qui proposent des menus végétariens. On constate, par ailleurs, que de plus en plus de cuisiniers de renom, tel Alain Ducasse, utilisent des légumes à la "caractéristique biologique". Il est néanmoins prématuré de parler aujourd'hui d'une gastronomie biologique ou végétarienne.

Végétarisme et gastronomie

Une petite minorité de restaurants bio-végétariens ou macrobiotiques sont implantés dans la capitale depuis une trentaine d'années, venus avec les courants d'époque. C'est le cas du Bol en Bois, de Guennaï, de l'Aquarius et de Veggie. Ces lieux qui ont marqué leur temps, gardent un esprit très "seventies" à travers leurs grandes tablées communes et leur cadre minimaliste. Vous pouvez déguster dans ce type d'établissements une assiette type végétarienne composée de céréales (riz, blé, millet, sarrasin, etc.), de légumineuses (lentilles, haricots secs, pois, etc.) et de légumes crus et cuits, avec des oléagineux. Le mariage est a priori peu appétissant et pas toujours très savoureux pour les adeptes de cuisine traditionnelle ou les fins gourmets. Dans certains cas, le service peut même se révéler très monacal et on n'y rencontre pas toujours la joie de vivre et le plaisir de la table. D'autres restaurateurs se montrent plus créatifs. Jean Montagard, restaurateur cannois venant de la cuisine traditionnelle tente d'associer le végétarisme à la cuisine gastronomique, à travers le mariage de multiples saveurs et textures d'origine végétale et des assiettes finement décorées d'algues rares et d'herbes fraîches. La cuisine de Monsieur Perin, responsable du Pâtisson à Lyon et ancien lauréat de concours culinaires, va aussi dans ce sens : "Mon plaisir est d'élaborer et de faire découvrir des mets originaux auxquels s'ajoute la qualité gustative." Pour le responsable du Grenier de Notre Dame à Paris, "un repas au restaurant est une fête. L'assiette doit être belle, attirante et gaie, comme le décor." Outre ses créations, il propose une cuisine plus consensuelle, à travers des dérivés de plats traditionnels régionaux, tels qu'une paella, un cassoulet ou un couscous qui n'ont rien à envier à leur modèle.

Une clientèle féminine, citadine et parfois branchée

La clientèle a beaucoup évolué. Plus jeune qu'il y a 30 ans, elle est aussi plus variée. "A son apparition, dans les années 1960, la restauration bio-végétarienne était très marginale et attirait une clientèle d'initiés", constate le responsable du Grenier de Notre Dame. Aujourd'hui ce type de restauration attire une plus faible part de végétariens ou de "macrobios" convertis (entre 10 et 30% de la clientèle totale en province et un peu plus à Paris où la communauté végétarienne est plus nombreuse). "Nous fonctionnons essentiellement avec une clientèle locale, constituée d'une majorité de femmes, férues de diététique, d'actifs du quartier et d'hommes d'affaires, en quête de nouveauté", précise le patron du Pâtisson. Les restaurants bio de la capitale captent, entre autres, une population issue du show-business, qui expérimente les derniers lieux-tendances. La part de la clientèle touristique est, en revanche, très faible (10% de la clientèle totale). "Ce sont essentiellement des Anglo-Saxons, plus familiers de la culture bio et végétarienne que les Latins", nous confie Madame Montagard. En effet, les minorités végétariennes représentent au Pays-Bas et au Royaume-Uni respectivement 10 et 7% de la population totale, alors qu'ils ne sont que quelques milliers en France, en Italie en Espagne ou au Portugal.

Etre passionné

Quoiqu'ils aient réussi à se forger une clientèle d'habitués, le concept des restaurants bio ne fait pas toujours l'unanimité. Et si à Paris on explore aujourd'hui le bio comme on testait le chinois il y a 30 ans, en province, cette philosophie culinaire n'est pas encore entrée dans les moeurs. "A Lyon, les gens s'étonnent de l'existence d'un restaurant de ce genre", confirme Monsieur Périn. "Le végétarisme va à contre-courant des habitudes alimentaires et de restauration de la région. Ici, le restaurant de référence, c'est le Petit Bouchon !" Les responsables de ces établissements ne considèrent pas le végétarisme ou le "macrobio" comme un simple régime alimentaire mais comme un véritable style de vie. "Pour faire ce métier, il faut non seulement avoir les reins solides mais être passionné", commente un restaurateur bio. "En effet, on ne fait pas du bio pour gagner de l'argent mais par conviction profonde". Le Montagard justifie ainsi ses difficultés à rentabiliser son établissement : "Les charges sont lourdes car la matière première est très chère et nous travaillons avec deux cuisiniers talentueux. Or, quoique notre cuisine soit de qualité, les prix de vente ne peuvent être ceux d'un restaurant gastronomique, qui propose de la viande".

Une alimentation saine

D'une manière générale, ce type de restauration a acquis depuis 5 ou 6 ans un succès croissant auprès du grand public. A son échelle. La crise de la vache folle, la viande à hormones, les élevages de volaille en batteries, la présence de pesticides dans les aliments végétaux ou encore la polémique sur les plantes au patrimoine génétiquement modifié ont développé l'angoisse du consommateur. En réaction aux "OCNI" (objets comestibles non identifiés), le public s'oriente vers une alimentation qu'il croit plus saine notamment à travers l'agriculture biologique et le végétarisme. De surcroît, tous les experts et les consommateurs trouvent également que les aliments bio ont un goût meilleur et plus authentique. Par ailleurs, les producteurs parviennent à faire baisser petit à petit le coût de ces produits, dont les prix étaient réputés bien plus élevés que ceux des produits "classiques". C'est en ville et notamment à Paris que l'engouement est le plus évident. Il se traduit par l'apparition des marchés et des boutiques bio et le développement de rayons de vente de produits bio dans des supermarchés déjà existants. Si le végétarisme n'est pas encore entré dans les moeurs, le bio, en tout cas, semble moins marginalisé que par le passé. En témoigne son parcours dans la presse féminine et grand public. Pour l'instant, ces restaurants spécialisés ne sont pas tous accessibles psychologiquement au commun des consommateurs, et certains font un peu trop de prosélytisme. Mais, petit à petit, ils se laissent découvrir et apportent une thématique inattendue.

A. Vallée

QUELQUES DÉFINITIONS

w La cuisine végétarienne n'utilise pas de produits d'origine animale, à l'exception des oeufs et des produits laitiers.

w La cuisine végétalienne n'utilise aucun produit de source animale et va jusqu'à exclure le miel.

w La cuisine macrobiotique diffère quelque peu du végétarisme. Elle accepte de manière occasionnelle la viande et le poisson. Ce type d'alimentation a été diffusé dans les années trente par un Japonais, Georges Oshawa. Il s'agit d'une interprétation syncrétique de plusieurs doctrines dont le bouddhisme indien et le bouddhisme zen, introduisant le "yin et le yang" dans la nourriture.

w Une cuisine bio est une cuisine qui utilise des produits issus de l'agriculture biologique, c'est-à-dire d'un mode de production agricole exempt de produits chimiques de synthèse. Les vrais produits bio sont labélisés "AB".


L'HÔTELLERIE n° 2591 Supplément Économie 10 Décembre 1998

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