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Réduction du temps de travail

Francis Mouchet, propriétaire de La Gitane, 14 employés

« Il faudra tenir compte de nos spécificités »

Raisonnable ou résigné, Francis Mouchet ? Toujours est-il que le propriétaire de La Gitane, restaurant traditionnel du XVe arrondissement, à Paris, ne pousse pas les hauts cris quand on lui parle des 35 heures. "On essaie de se faire aux 43 heures aujourd'hui. On essayera donc de se faire aux 35 heures si elles deviennent obligatoires. On fera en sorte de détourner la loi le moins possible." Seul bémol : ces 35 heures doivent être aménagées pour les entreprises de la restauration. "Il faudra tenir compte de certaines de nos spécificités, comme la coupure, par exemple."
La sagesse est une chose, l'enthousiasme en est une autre. Francis Mouchet ne voit pas arriver cette réforme avec plaisir. "Ça va être très compliqué, prévoit-il. Il faudrait presque tenir une comptabilité des horaires à la minute pour chaque employé. C'est de la folie !" Il est tout aussi conscient des difficultés d'application de cette mesure au secteur de la restauration. "Nous sommes d'abord au service de la clientèle, rappelle-t-il. Le client vient pour passer un moment indéterminé. Je ne peux pas lui dire : j'ai fini mes heures, vous devez partir ! Nous avons aussi une diversité d'horaires, selon les établissements, qui fait que nous ne pouvons pas avoir une loi applicable à tous et une seule solution pour l'appliquer."
La mise en pratique ne sera donc pas facile. "Sauf à rester ouvert jusqu'à une heure du matin et à faire deux équipes, imagine le patron de La Gitane. Mais encore faut-il avoir la clientèle qui le permette." Tout le problème est là. "La seule raison qui me fera embaucher, surenchérit-il, ce ne sont pas les 35 heures ni même la réduction des charges ; c'est la clientèle. Chaque entreprise a un seuil de rentabilité. Or, les charges de personnel représentent entre 40 % et 50 % du chiffre d'affaires. Si on n'augmente pas le chiffre d'affaires, on ne peut donc pas augmenter le nombre de salariés."

En attendant, il faudra bien se débrouiller. Ici, pas de stratégie définie longtemps à l'avance, pas de calculs savants pour mesurer l'impact financier de la loi. Ici, "on s'arrange, on bricole". Dans de telles conditions, l'annualisation du temps de travail "peut apporter une souplesse. C'est même le seul moyen qui permettra d'embaucher du personnel pour remplacer les gens au repos." En théorie, du moins. Dans la réalité, "il y a des entreprises qui auront intérêt à fermer un jour de plus pour donner les jours de repos", prévoit Francis Mouchet. Pour renverser la tendance, "il faudrait que le coût du personnel soit moins élevé".
Alors, finalement, quels pourront être les effets positifs de la loi ? "La qualité de la vie pour le personnel", répond ce restaurateur indépendant. Mais il ajoute : "On préfère donner du temps libre plutôt que d'augmenter le salaire. Or les salariés, eux, préfèrent généralement une augmentation de salaire. Et, avec les 35 heures, s'il n'y a pas de baisse de salaire, il n'y aura pas non plus d'augmentation pendant un certain nombre d'années."
Apparemment, les salariés vont eux aussi devoir apprendre à se résigner.


« La seule raison qui me fera embaucher, ce n'est pas les 35 heures, mais la clientèle. »


L'HÔTELLERIE n° 2587 Supplément Emploi 12 Novembre 1998

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