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Réduction du temps de travail

Les aventuriers de la loi Robien

Votée le 11 juin 1996, puis promulguée au Journal Officiel le 15 août de la même année, la loi Robien n'a guère fait d'adeptes au sein des entreprises du secteur de l'hôtellerie et de la restauration. Syndicats et grands patrons n'ont effectivement pas encouragé les entreprises de ces branches à expérimenter ce dispositif qui, moyennant une réduction du temps de travail, s'accompagnait d'abattements des charges patronales. Quelques professionnels s'y sont néanmoins risqués en employant dans la majorité des cas le volet « offensif » de la loi.
Témoignages...

L'Hostellerie du Chapeau Rouge à Dijon

Patrick Lagrange :

«une opportunité pour améliorer les conditions de travail des salariés»

« Je dois avouer que j'ai longtemps hésité ne sachant pas si j'avais tort ou raison de m'intéresser à la loi Robien, confie Patrick Lagrange, p.-d.g. de l'Hostellerie du Chapeau Rouge (hôtel quatre étoiles comprenant 30 chambres et un restaurant). Et d'ajouter : J'avais cependant un problème majeur à résoudre rapidement : parvenir à donner deux jours de repos à mes employés sans mettre en péril mon affaire. » Alors, malgré maintes hésitations, le responsable de cet établissement, dont la réputation n'est plus à défendre dans la capitale de la moutarde, s'en va, un dossier béton sous le bras, rencontrer le directeur départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle. Résultat de cette démarche : le 24 avril 1998, une convention d'aménagement et de réduction collective du travail est finalement signée, réduisant d'environ 10 % la durée du temps de travail sur la semaine. Et ce sans diminution de salaire.
L'horaire collectif initial, qui était de 39 heures de travail effectif (soit 43 heures par semaine avec équivalence pour les cuisiniers, 50 heures pour les veilleurs de nuit et 44 heures pour les autres personnels), passe à 35 heures, soit 38,70 par semaine avec équivalence pour les cuisiniers, 45 heures pour les veilleurs de nuit et 39,50 pour le reste de l'équipe. « J'avais donc enfin les moyens d'octroyer deux jours de repos à mes équipes. Sachant qu'en contrepartie, je m'engageais à embaucher au moins 3 postes et demi en équivalent temps plein », précise Patrick Lagrange. Dans le cadre de la loi Robien, notre chef d'entreprise bénéficie, en échange de cette création d'emploi, d'exonérations de charges sociales patronales s'élevant à 40 % la première année et 30 % les six suivantes.

Tableaux trimestriels de dépassements des horaires
Après avoir planché sur la réorganisation interne de son affaire, les embauches sont réalisées avant le 30 septembre dernier. Pour commencer, un contrat à temps partiel se transforme en temps complet. Un veilleur de nuit, un apprenti cuisinier, un commis de restaurant et un deuxième second viennent ensuite grossir les rangs des 38 salariés de l'Hostellerie du Chapeau Rouge. « Ce dispositif a été une opportunité pour améliorer les conditions de travail de notre personnel. Il nous a également donné l'occasion de réfléchir à de nouvelles façons de tra-
vailler
», explique volontiers le patron concerné.
Reste que Patrick Lagrange ne cache pas que cet abaissement du temps de travail engendre un certain nombre de contraintes. « A commencer par la mise en place de tableaux trimestriels, sur lesquels on doit indiquer les dépassements d'horaires. Ils sont difficiles à gérer », raconte le patron de l'hôtel-restaurant.
Cela signifie en effet que l'encadrement doit davantage s'impliquer dans la gestion des horaires. Le jeu en valait toutefois apparemment la chandelle puisque selon le même p.-d.g., il parvient mieux aujourd'hui à attirer les candidats en leur offrant deux jours de repos et en leur garantissant la tenue de tableaux d'horaires de compensation. « Je me dis maintenant que je suis tranquille avec la loi Aubry. J'ai su anticiper à temps. Et puis, je sais désormais, après quelques mois, que les exonérations de charges sociales patronales couvrent, sur la première année, le coût supplémentaire généré par les nouvelles embauches. Globalement, cette opération ne coûtera guère plus de 2 % à 3 % de la masse salariale ! », conclut sereinement l'intéressé. Il demeure toutefois persuadé de l'impossibilité d'appliquer une telle mesure à de très petites entreprises.


«Donner 2 jours de repos à mes employés est sans risque pour mon affaire».


L'HÔTELLERIE n° 2587 Supplément Emploi 12 Novembre 1998

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